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7 décembre 2022
La Cour de cassation juge pour la première fois que les listes de candidats aux élections partielles déposées par les syndicats doivent respecter les règles de mixité, en se référant à la proportion femmes-hommes figurant dans le protocole préélectoral établi pour les élections initiales.
La proportion femmes-hommes fixée pour les élections initiales s’applique aux élections partielles
©Gettyimages

Depuis le 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la loi 2015-994 du 17 août 2015, dite « loi Rebsamen », les listes composées de plusieurs candidats doivent comporter alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C. trav. art. L 2314-30).

Cette double exigence, qui ne concerne pas les candidatures libres présentées au second tour (Cass. soc. 25-11-2020 n° 19-60.222 FS-PBI ; Cass. soc. 31-3-2021 n° 19-24.134 F-D), s'applique dans chaque collège mixte à la liste des titulaires du comité social et économique (CSE) et à celle de ses membres suppléants (C. trav. art. L 2314-30, al. 1er et 7).

Mais s’applique-t-elle aux candidatures présentées par les syndicats lors des élections partielles ? Dans un arrêt destiné à être publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, la Haute Juridiction répond de façon positive à cette question, tout en précisant la proportion femmes-hommes à retenir.

Des listes de candidats exclusivement masculines déposées par un syndicat lors d’élections partielles…

En l’espèce, moins de 2 ans après la mise en place du CSE au sein d’une entreprise, des élections partielles sont organisées afin de pourvoir 6 postes de titulaires et 12 de suppléants dans un collège unique, le nombre de membres titulaires ayant été réduit de moitié.

A noter :

Des élections partielles doivent en effet être organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des élus titulaires du CSE est réduit de moitié ou plus, sauf si ces évènements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des élus intéressés (C. trav. art. L 2314-10). Lorsqu’un collège n’est plus représenté, les élections partielles ont pour objet de pourvoir uniquement les sièges de titulaires et de suppléants du collège concerné. Lorsque le nombre de titulaires est réduit de moitié ou plus, les élections doivent concerner tous les sièges vacants, titulaires et suppléants, dans les différents collèges (Circ. DRT 13 du 25-10-1983 n° 2.5.2). Dans les deux cas, ces élections visent à pourvoir tous les sièges vacants, dans les collèges en cause, même ceux non pourvus lors des élections initiales (Cass. soc. 24-5-2016 n° 15-19.866 F-PB).

Un syndicat dépose une liste incomplète de 4 candidats, tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d’hommes. À l’issue du second tour sont élus sur ces listes un homme, en qualité de titulaire, et 3 hommes en qualité de suppléants.

Invoquant le non-respect des règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats, l’employeur saisit le tribunal judiciaire de Lyon d’une demande d’annulation de l’élection de l’élu titulaire et du dernier élu figurant sur la liste des suppléants.

Il soutient que le syndicat aurait dû respecter la proportion de femmes et d’hommes figurant dans le protocole préélectoral établi pour les élections initiales, qui était respectivement de 28,1 % et 71,9 % pour 12 postes à pourvoir.

A noter :

Lorsque plus de 2 sièges sont à pourvoir dans un collège mixte, la liste peut être incomplète, sous réserve de comporter au moins un candidat du sexe sous-représenté et de respecter la proportion de femmes et d’hommes dans le collège considéré (Cass. soc. 11-12-2019 n° 19-10.826 FS-PB ; Cass. soc. 27-5-2020 n° 19-14.225 F-D). Il n’est donc pas possible de présenter une candidature individuelle ou des candidatures exclusivement féminines ou masculines (Cass. soc. 9-5-2018 n° 17-14.088 FS-PBRI : FRS 12/18 inf. 9 p. 14 ; Cass. soc. 11-12-2019 nos 18-19.379 et 19-10.826 FS-PB).

Le tribunal judiciaire donne raison à l’employeur et considère que l’appréciation de la question du respect de la mixité doit être opérée à chaque dépôt de liste, donc tant lors des élections initiales qu’au stade des élections partielles.

L’élection de l’élu titulaire et du dernier élu figurant sur la liste des suppléants est donc annulée par le juge.

A noter :

En effet, selon l’article L 2314-32 du Code du travail, si le juge constate, après l'élection, qu'une liste de candidats ne respecte pas une représentation équilibrée de femmes et d’hommes, fidèle à la part respective de chaque sexe sur la liste électorale (règle de proportion), il annule l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. En pratique, il doit annuler l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste de candidats.

Reprochant au juge du fond de ne pas avoir donné de base légale à sa décision, le syndicat se pourvoit en cassation.

… sont irrégulières car contraires aux règles de mixité

Mais son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation, qui approuve la décision du tribunal judiciaire.

Après avoir rappelé les dispositions sur les élections partielles, ainsi que les règles relatives à la mixité des listes de candidats et leur caractère d’ordre public absolu, la Haute Juridiction applique le raisonnement suivant : dès lors qu’en application de l’article L 2314-10 du Code du travail les élections partielles se déroulent selon les mêmes modalités que pour le renouvellement ordinaire du CSE, sur la base des dispositions en vigueur lors des élections précédentes, c’est-à-dire en respectant les règles de mixité des listes de candidats et les stipulations du protocole préélectoral établi pour les élections initiales, le syndicat qui dépose une liste de candidats en vue des élections partielles doit respecter la proportion femmes-hommes fixée par ledit protocole.

À défaut, le juge doit appliquer la sanction prévue par l’article L 2314-32 du Code du travail, qui consiste en l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en surnombre sur chaque liste litigieuse.

A notre avis :

Le premier apport de l’arrêt est d’indiquer que les élections partielles n’échappent pas aux règles relatives à la mixité des listes de candidats, qui sont d’ordre public absolu (Cass. soc. 11-12-2019 n° 19-10.826 FS-PB ; Cass. soc. 1-7-2020 n° 19-14.879 F-D). Ainsi, les listes présentées par les syndicats lors des élections partielles doivent respecter les règles de proportion et d’alternance fixées par l’article L 2314-30 du Code du travail.

Le second et principal apport de l’arrêt est de préciser qu’en cas d’élections partielles il faut tenir compte de la proportion femmes-hommes figurant dans le protocole préélectoral établi pour les élections initiales. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la Cour de cassation déduit de l’article L 2314-10 du Code du travail que les élections partielles doivent se dérouler selon les stipulations du protocole préélectoral en vigueur lors des élections initiales (Cass. soc. 28-2-2018 n° 17-11.848 F-D).

Bien que cette solution respecte la lettre de l’article L 2314-10 du Code du travail, elle présente l’inconvénient de se référer à une proportion femmes-hommes qui n’est peut-être plus fidèle à la part respective de chaque sexe sur la liste électorale, celle-ci ayant probablement été actualisée depuis les élections initiales, certains salariés ayant pu quitter l’entreprise, d’autres y entrer ou devenir électeurs. Il faut en effet rappeler que les conditions d’électorat (comme les conditions d’éligibilité) s’apprécient à la date du premier tour du scrutin (Cass. soc. 30-10-2001 n° 00-60.341 F-D ; Cass. soc. 25-10-2017 n° 16-17.740 F-D), ce qui implique, pour l’administration, d’apprécier la situation individuelle des salariés à la date des élections partielles (Circ. 25-10-1983 n° 2-5-2 : BOMT 83/51) et donc d’actualiser la liste électorale en vue de ces élections.

On peut se demander si cette solution est transposable à l’hypothèse où la proportion femmes-hommes ne figure pas dans le protocole préélectoral établi pour les élections initiales. À notre sens, la réponse devrait être positive. D’une part, l’article L 2314-10 du Code du travail impose d’organiser les élections partielles sur la base des dispositions en vigueur lors des élections initiales. D’autre part, il ne serait pas cohérent de prévoir une solution différente en fonction du support juridique ayant fixé la proportion femmes-hommes. Donc en l’absence de mention dans le protocole préélectoral de cette proportion, il conviendrait, à notre sens, de se référer à celle fixée par l’employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l’établissement des listes électorales (Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-60.118 F-P :  ; Cass. soc. 29-9-2021 n° 20-60.246 F-B) en vue des élections initiales, mais cela reste à confirmer.

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