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14 septembre 2022
Aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés.
Précision des motifs de licenciement et information du salarié : une faculté plutôt qu'une obligation de l'employeur

À la suite des ordonnances dites « Macron » de septembre 2017, la procédure de licenciement a subi de profonds changements. L'évolution la plus marquante tient sans doute à la mise en place d'un barème d'indemnisation en cas de licenciement injustifié, lequel vient seulement d'être conforté par la Haute juridiction (Soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 B, Dalloz actualité, 16 mai 2022, obs. L. Malfettes

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; D. 2022. 952, et les obs.

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; ibid. 1088, entretien P. Lokiec

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; ibid. 1280, obs. S. Vernac et Y. Ferkane

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; Dr. soc. 2022. 473, tribune C. Radé

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) après plusieurs années de vives controverses. Toutefois, un autre aspect du droit du licenciement – non moins important – a été repensé à cette occasion : la motivation du licenciement.

Auparavant, l'employeur ne pouvait pas pallier l'éventuelle imprécision des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, ce qui l'exposait à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Suivant la jurisprudence antérieure, l'imprécision des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement était assimilée à une absence de motif privant le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 29 nov. 1990, Rogie, n° 88-44.308, D. 1991. 3

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; Dr. soc. 1991. 99, note J. Savatier

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). Tel n'est plus le cas aujourd'hui. En effet, les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent dorénavant être précisés ultérieurement, à son initiative ou à la demande du salarié (C. trav., art. L. 1235-2). Cette procédure est enfermée dans des délais précis (C. trav., art. R. 1232-13) et bénéficie tout à la fois au salarié désireux d'en savoir davantage concernant les griefs à l'origine de la rupture du contrat de travail et à l'employeur souhaitant corriger ce défaut de diligence.

Restait à savoir si l'employeur était tenu par une obligation d'information à l'égard de son salarié, concernant notamment les modalités et délais de la procédure de clarification des motifs. C'est justement à cette question que la Cour de cassation devait apporter une réponse à l'occasion d'un arrêt du 29 juin 2022.

En l'espèce, une salariée avait été licenciée pour faute grave consécutivement à des faits de harcèlement moral. Celle-ci avait saisi la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé. Pour la salariée, il incombait à l'employeur de préciser dans la lettre de licenciement qu'elle pouvait solliciter de sa part des précisions sur les motifs de la rupture qu'elle jugeait approximatifs. En appel, la salariée était déboutée de l'ensemble de ses demandes et le pourvoi formé par cette dernière n'aura pas trouvé à convaincre les juges du quai de l'Horloge. Par arrêt du 29 juin 2022, la chambre sociale retient en effet « qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ». Aussi, l'employeur n'est pas tenu de mentionner à l'attention du salarié la faculté qui est la sienne de réclamer des précisions quant au motif de la rupture.

Rien dans le code du travail ne semblait consacrer une telle obligation d'information à la charge de l'employeur. À l'évidence, l'article L. 1235-2 du code du travail s'inscrit dans une logique facultative et tend à responsabiliser l'employeur comme le salarié devant la procédure, chacun pouvant être à l'origine de la demande. Dans le cas présent, la salariée reprochait à son employeur de n'avoir pas spécifié la date des faits qui lui étaient imputés par d'autres salariés, leur nom ainsi que la durée de ces prétendus agissements. Peut-être aurait-elle interpellé son employeur si elle avait préalablement été informée de son droit. Tenant compte des données contenues dans la lettre de licenciement, les juges d'appel ont néanmoins estimé que le motif de licenciement était précis et matériellement vérifiable puisqu'il était fait état d'un comportement et de propos déplacés de la salariée à l'égard de quatre collaborateurs et de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail.

Au regard de la complexité de la procédure, on peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de faire figurer une telle mention dans la lettre de licenciement. La Cour aurait pu rehausser son niveau d'exigence afin d'assurer une meilleure transparence au profit du salarié comme c'est le cas s'agissant par exemple de l'assistance au cours de l'entretien préalable (C. trav., art. R. 1232-1). À ce titre, il est intéressant de noter que le modèle de lettre de licenciement pour motif disciplinaire formalisé par le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 fait précisément mention des modalités afférentes à la demande de précision des motifs. Si cela n'en fait pas pour autant une condition obligatoire, ce précieux rappel donne selon nous sa pleine signification à l'obligation de loyauté consacrée à l'article L. 1222-1.

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Clément Couëdel, Juriste en droit social, Chargé d'enseignement en droit privé
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