Aux termes de l'article L. 2242-4 du code du travail, « tant que la négociation mentionnée aux articles L. 2242-1 et L. 2242-2 est en cours (négociation obligatoire), l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie ».
Remarque
pour rappel, les thèmes de négociation obligatoire sont la rémunération (notamment les salaires effectifs, la durée du travail et le partage de la valeur ajoutée (participation, intéressement et épargne salariale), l'égalité professionnelle femmes/hommes, la qualité de vie et des conditions de travail, auxquels s'ajoute, dans les entreprises d'au moins 300 salariés, la gestion des emplois et des parcours professionnels (C. trav., art. L. 2242-1 et L. 2242-2).
Dans un arrêt non publié du 23 mars 2022, la Cour de cassation offre une illustration des situations d'urgence permettant à l'employeur de prendre des décisions unilatérales malgré l'ouverture de négociations obligatoires.
Dans cette affaire, la convention collective datant de 1972 (convention collective des maisons des jeunes et de la culture dite «FFMJC/FRMJC salariés»), dont les dispositions étaient majoritairement obsolètes au regard du droit positif, avait été dénoncée unilatéralement par l’organisation patronale le 20 décembre 2017 alors que la négociation annuelle obligatoire sur les salaires était en cours. Un plan de redressement judiciaire d’une durée de 10 ans avait été arrêté à l’égard de la FFMJC le 19 décembre 2013.
Remarque
un protocole d'accord avait été envoyé, par courriel, le 29 juillet 2016 aux organisations syndicales. Il portait sur la pérennisation de la participation de l'employeur aux déplacements-travail mais un calendrier de négociation avait également été fixé pour que les parties puissent ultérieurement se déterminer sur les thèmes obligatories de la négociation dont celui des salaires effectifs.
Après avoir rappelé que la condition d'urgence est appréciée souverainement par les juges du fond, la Cour de cassation approuve la décision prise par la cour d'appel.
Celle-ci avait relevé que :
- les dispositions de l'accord collectif étaient devenues majoritairement obsolètes en 2017 et inadaptées tant à l'évolution législative qu'à la transformation de la FFMJC depuis 1972 (marquée notamment par la disparition de fédérations régionales signataires et la mise en place d'une délégation unique du personnel et par une situation économique difficile attestée par le jugement de redressement judiciaire),
- il n'était pas tenu compte de l'évolution des métiers dont certains n'existaient plus ou d'autres, notamment ceux de l'animation, n'étaient pas répertoriés,
- le nombre de salariés avait diminué dans des proportions importantes.
Des circonstances permettant de déduire que l'urgence justifiait la dénonciation unilatérale de la convention collective par l'employeur, en dépit de la mise en oeuvre de la négociation annuelle obligatoire.