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12 mars 2024
Si la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture de ce dernier doivent être calculées par référence aux salaires perçus dans son dernier emploi, soit le salaire d'expatriation. Peu importe, à cet égard, les stipulations conventionnelles et contractuelles fixant une autre base de calcul, dès lors que celle-ci est moins favorable au salarié.

Lorsqu’un salarié mis à la disposition d’une filiale étrangère est licencié par celle-ci et n’est pas réintégré par la société mère, quel est le salaire de référence à retenir pour calculer les indemnités de rupture qui lui sont dues ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars 2024. Elle avait déjà eu l’occasion d’y répondre en 2004 mais, dans cette affaire, la présence d’une clause contractuelle fixant la base de calcul des indemnités lui offre l’occasion d’affiner sa position.

Règles applicables dans cette situation : rappel

Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procurer, en son sein, un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions (C. trav., art. L. 1231-5, al. 1). Elle est soumise à cette obligation de reclassement à la condition de toujours contrôler cette filiale à la date du licenciement (Cass. soc., 27 juin 1990, n° 86-43.483 ; Cass. avis, 8 juillet 2021, n° 21-70.012 B).

Remarque

ces dispositions s'appliquent même si le salarié n'a pas exercé de fonctions effectives au sein de la société mère avant son détachement auprès de la filiale (Cass. soc., 7 déc. 2011, n° 09-67.367 ; Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-17.244) et quelle que soit la cause de la rupture liant le salarié à la filiale (Cass. soc ., 26 mai 2016, n° 15-12.448).

Si la société mère entend toutefois licencier le salarié, elle doit respecter les règles légales en matière de licenciement (C. trav., art. L. 1231-5, al. 2).

Remarque

dans ce cas, le code du travail précise que le temps passé par le salarié au service de la filiale est pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement.

Sur quelle base salariale calculer ces indemnités de rupture ? Elles doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi (Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 02-40.648). Ainsi, si la société mère ne l’a pas réintégré, les indemnités de rupture versées au salarié lors de son retour en France doivent être calculées d’après son salaire d’expatriation (Cass. soc., 26 nov. 1996, n° 93-43.644 ; Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-12.275).

Hormis le cas prévu en faveur des salariés mis à la disposition d’une filiale étrangère, les conditions du retour dans l’entreprise d’origine ne font l’objet d’aucune disposition légale. Mais les modalités de ce retour sont souvent régies par la convention collective applicable ainsi que par le contrat de travail ou l’avenant au contrat conclu à l’occasion du départ à l’étranger.

Les faits

Dans cette affaire, un salarié cadre est engagé en CDI par une société en qualité de responsable du service achat à compter du 1er octobre 2012. Suivant l'avenant d’expatriation conclu le même jour, il est convenu que le salarié occuperait ses fonctions au sein d’une filiale marocaine de la société, jusqu’au 31 août 2015. Le 12 octobre 2012, le salarié conclut un contrat de travail avec la filiale. 

Son contrat d’expatriation prend fin le 1er juillet 2015. Par lettre du 23 novembre 2015, la société mère licencie le salarié pour motif économique. Ce dernier accepte un congé de reclassement à l’issue duquel son contrat de travail est rompu le 14 mai 2016.

Contestant son licenciement, le salarié saisit la justice aux fins d’obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et diverses sommes parmi lesquelles un solde d’indemnités de rupture. Ses indemnités de rupture avaient été calculées en retenant la rémunération de référence en France, conformément aux stipulations de son contrat de travail et à la convention collective de branche qui lui était applicable. Selon lui, la base de calcul retenue pour le calcul de ses indemnités était erronée. Dans la mesure où il n’avait pas été réintégré par la société mère, il fallait retenir le salaire perçu au titre de son dernier emploi, c’est-à-dire son salaire d’expatriation.

Les juges d’appel ne font pas droit à sa demande. Il se pourvoit alors en cassation et la Chambre sociale lui donne raison.

Les indemnités de rupture se calculent sur la base du dernier salaire perçu

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle les termes de l’article L. 1231-5 du Code du travail. Le salarié relevait bien de cet article puisqu’il avait été mis à la disposition d’une filiale étrangère de la société mère et qu’un contrat de travail avait été signé avec cette dernière.

Elle rappelle ensuite la solution dégagée vingt ans plus tôt et réaffirmée depuis (voir jurisprudences précitées) : lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi.

En l’occurrence, les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base du salaire d’expatriation au Maroc.

Mais les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles applicables au salarié ne peuvent-elles pas faire obstacle à cette règle ?

Les dispositions conventionnelles et les clauses du contrat de travail retenant une autre base de calcul, moins favorable au salarié, importent peu

Le contrat de travail du salarié réglait, a priori, cette situation puisqu’il stipulait que « en cas de licenciement, les indemnités éventuellement dues au salarié seront calculées sur la seule rémunération de référence en France, à l’exclusion des émoluments liés à son transfert au Maroc ». Cette clause était d’ailleurs conforme à la convention collective de branche qui lui était applicable. Celle-ci disposait en effet que « en cas de rupture du contrat de travail durant le séjour à l’extérieur, les indemnités susceptibles d’être dues au cadre à cette occasion sont calculées, sauf cas plus favorable prévu dans l’avenant, sur le montant de la rémunération effective du cadre base France métropolitaine ».

Ces dispositions pouvaient-elles se substituer à la règle légale ?

Non, répond la Cour de cassation. Les indemnités de rupture du salarié devaient être calculées sur la base du salaire d’expatriation marocain, « nonobstant les stipulations contractuelles et les dispositions de la convention collective applicable moins favorables que la règle légale ».

Sans doute, la décision aurait été tout autre si les dispositions conventionnelles et contractuelles avaient été plus favorables au salarié.

L’arrêt d’appel est cassé et l’affaire sera rejugée.

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