L’obligation de reclassement est un préalable incontournable à tout licenciement pour motif économique (C. trav., art. L.1233-4). Si l’employeur ne tente pas sérieusement ce reclassement, le licenciement risque d’être jugé sans cause réelle et sérieuse. Quel doit être le périmètre des recherches ? Comment doit être présentée l'offre de reclassement dans le cadre d'une procédure de licenciement économique ? etc… Retour sur les solutions posées par la Cour de cassation ces derniers mois.
Contexte |
Solution |
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Double obligation de reclassement en cas de PSE |
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Dans le cadre d'un licenciement pour motif économique avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l'employeur est tenu de concilier une double obligation de reclassement : une obligation de reclassement collective et anonyme qui se matérialise dans le plan de reclassement intégré au PSE ainsi qu’une obligation de reclassement individuelle qui se matérialise par la recherche et la proposition de postes disponibles pour chaque salarié dont l’emploi est menacé (Cass. soc., 14 déc. 2005, n° 03-47.961). |
La Cour de cassation rappelle que les deux obligations de reclassement sont complémentaires. Appliquer les mesures de reclassement prévues dans un PSE homologué ne libère pas l'employeur de son obligation individuelle de reclassement. Il lui appartient de rechercher toutes les autres possibilités de reclassement que celles prévues dans le plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, pour chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification (Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-20.650 ; Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-12.546). |
Cessation totale et définitive hors groupe |
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La cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constitue en soi un motif de licenciement économique (C. trav., art. L. 1233-3, 4°). Mais, lorsqu’une entreprise cesse définitivement son activité et qu’elle n’appartient pas à un groupe, l’employeur reste-t-il tenu à son obligation de reclassement ? |
La Cour confirme la dérogation à l'obligation de reclassement déjà établie (Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 09-42.795). Dès lors que le motif économique du licenciement est la cessation complète et totale de l'activité d'une entreprise (une association en l'espèce) et qu'elle n'appartient pas à un groupe, il s'en déduit l'impossibilité de reclassement des salariés (Cass. soc., 27 mars 2024, n° 22-23.055). |
Périmètre de recherche de reclassement |
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Le reclassement du salarié doit être recherché en priorité dans l'entreprise qui l'emploie. Lorsqu'elle appartient à un groupe, la recherche de reclassement s’effectue sur des emplois disponibles situés sur le territoire national de l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav., art. L. 1233-4). Dans sa recherche de reclassement, l’employeur doit-il contacter l’intégralité des sociétés du groupe ? |
Oui. L'employeur ne satisfait pas à son obligation de reclassement lorsqu’il n’interroge pas l'ensemble des sociétés du groupe dont il fait partie, sur l'existence des postes disponibles. En l’espèce, il avait seulement contacté un nombre conséquent d'entités du groupe (Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 22-21.371). |
Formalisme de la demande de postes disponibles dans le groupe |
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Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur adresse aux autres entreprises du groupe les informations nécessaires pour leur permettre d’apprécier exactement si les emplois dont elles disposent sont adaptés aux compétences et capacités des salariés menacés de licenciement. La jurisprudence n’exige pas pour autant qu’il indique aux sociétés du groupe leur profil personnalisé : âge, formation, etc. (Cass. soc., 1er juill. 2020, n° 18-24.608 ; Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114). |
L’employeur n’a pas à adresser aux sociétés du groupe un profil personnalisé des salariés menacés de licenciement économique pour lesquels il recherche un reclassement, mais il doit tout de même préciser dans sa demande la nature de leur contrat de travail, l’intitulé des emplois supprimés, leur statut et leur coefficient de classification (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-15.565 ; Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-15.559). |
Proposition de reclassement |
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L’employeur ne peut décider des emplois qu’il soumet ou non au salarié menacé de licenciement : tous les postes disponibles, relevant de la même catégorie que celui de l’intéressé, d’une catégorie équivalente ou, à défaut, d’une catégorie inférieure doivent lui être proposés (C. trav., art. L. 1233-4). |
Dans le cadre de son obligation de reclassement, l’employeur ne peut limiter ses propositions de reclassement en fonction de la volonté présumée des salariés de les refuser (Cass. soc., 2 mai 2024, n° 22-19.607). |
L’employeur ne peut écarter les postes non pourvus au motif que des candidatures d’autres salariés sont en cours (Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 22-16.579). |
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L’employeur a la possibilité de proposer à un salarié une modification de son contrat de travail pour motif économique (C. trav., art. L. 1222-6). En cas de refus du salarié, l’obligation de reclassement s’impose à l’employeur. La jurisprudence affirme qu’il doit alors rechercher et proposer au salarié tous les postes disponibles, y compris ceux refusés lors de la proposition de la modification du contrat de travail (Cass. soc., 4 mai 2017, n° 15-24.398). |
La Cour réaffirme le principe : la proposition d'une modification du contrat de travail pour motif économique refusée par le salarié ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et par suite de lui proposer éventuellement le même poste dans l'exécution de cette obligation (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 23-13.952). |
Pour être valable, une offre de reclassement préalable au licenciement économique doit être ferme et garantir le reclassement effectif du salarié en cas d'emploi disponible dans le groupe. Elle ne peut pas porter sur un poste à créer et mal défini (Cass. soc., 23 juin 1998, n° 96-42.364), ni être assortie d’une période probatoire ou d’une période d’adaptation, sans garantie d’attribution du poste au salarié menacé de licenciement. |
La Cour rappelle que les offres de reclassement doivent être fermes et apporte une nouvelle illustration. Des offres de reclassement adressées aux salariés menacés de licenciement économique précisant qu'en cas d'intérêt pour l'un des postes proposés, un entretien sera organisé avec une personne dédiée pour s'assurer de la comptabilité de leurs capacités avec l'emploi proposé (et non pour départager d’éventuels candidats en cas de candidatures multiples) ne sont pas fermes et donc valables (Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 23-10.460). |
Mentions obligatoires de l'offre de reclassement |
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Pour permettre au salarié d'apprécier les caractéristiques des postes et se prononcer en connaissance de cause, l'article D. 1233-2-1 du code du travail prévoit que les offres écrites de reclassement précisent l'intitulé du poste et son descriptif, le nom de l'employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste pour permettre au salarié d'apprécier les caractéristiques des postes. Ces mentions sont-elles toutes obligatoires ? |
Oui, le défaut d'une des mentions prévues à l'article D. 1233-2-1 du code du travail, rend l'offre de reclassement imprécise et caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement : le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 oct. 2024, n° 23-19.629). |
Le Conseil d'Etat rejoint la ligne jurisprudentielle dégagée par la chambre sociale de la Cour de cassation. L'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, doit vérifier que les offres de reclassement proposées contiennent l'ensemble des mentions prévues par le code du travail, celles-ci devant être aisément accessibles (CE, 2 déc. 2024, n° 488033). |
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L’employeur a la possibilité d’adresser ses offres de reclassement aux salariés soit de manière personnalisée soit en diffusant de manière collective une liste de postes disponibles (C. trav., art. L 1233-4). |
Lorsque l’employeur diffuse des offres de reclassement sous forme de liste, il doit indiquer les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples. À défaut, l'offre de reclassement est imprécise et l'employeur manque à son obligation (Cass. soc., 8 janv. 2025, n° 22-24.724). |
Preuve du respect de l'obligation de reclassement |
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La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement pèse exclusivement sur l'employeur (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-17.300). En cas de contentieux, il doit démontrer la réalité et le sérieux de ses recherches ainsi que l’impossibilité totale de reclassement. Quel type de preuve peut-il rapporter ? |
La Cour revient sur les règles de preuve en matière d’obligation de reclassement. Pour prouver le respect de son obligation de reclassement, l’employeur doit produire devant le juge des éléments concrets. Il doit justifier à la fois de ses démarches (courriers de recherche de reclassement adressés aux entités du groupe), du périmètre de sa recherche s’il appartient à un groupe (organigramme), et de l’absence de postes disponibles et de recrutement extérieur au moment du licenciement, en produisant le registre d’entrée et de sortie du personnel (Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-20.650). |
L’employeur qui ne justifie par aucune pièce d’autres recherches de reclassement que celles ayant abouti aux deux seules propositions de postes refusées, ni de l’absence d’autres postes disponibles dans le groupe, manque à son obligation de reclassement. Il doit démontrer une impossibilité totale de reclassement en rapportant la preuve que ses recherches n'ont pas permis de trouver d'autres postes que ceux proposés et/ou l'absence d’autres postes disponibles en son sein et dans le groupe (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 23-14.142). |