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9 juin 2023
Ne viole pas le principe de séparation des pouvoirs la prise en compte par le juge judiciaire des précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié protégé pour reconnaître l'existence d'un harcèlement  moral. En outre, le juge judiciaire peut se prononcer sur la validité de ces sanctions.

Le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement d'un salarié protégé qui a été autorisé par l'administration. C'est le fameux principe de la séparation des pouvoirs.

Cependant le juge judiciaire conserve certaines compétences : il peut apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués n'aient pas été contrôlés par l'autorité administrative. Par exemple, il peut octroyer des dommages et intérêts en cas de harcèlement moral. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2023.

Le juge judiciaire peut non seulement prendre en compte des précédentes sanctions disciplinaires du salarié protégé pour reconnaître son harcèlement moral...

Dans cette affaire, un salarié protégé fait l'objet d'une mise en garde le 28 juin 2010 et d'une mise à pied le 8 novembre. Le 27 octobre, il saisit le conseil de prud'hommes de demandes à l'encontre de la société relatives à un harcèlement moral et à un traitement discriminatoire.

De nouveaux évènements se produisent le 27 novembre et le 3 décembre (refus de retourner à son poste de travail et de traiter ses dossiers conformément aux directives de sa supérieure hiérarchique, paroles irrespectueuses vis-à-vis d'elle), à la suite de quoi l'employeur engage une procédure de licenciement pour faute. Le licenciement est finalement autorisé par le ministre du travail, et prononcé le 15 juillet 2011.

Cependant, suite à l'instance devant le juge judiciaire, l'employeur est condamné à verser au salarié des dommages et intérêts pour harcèlement moral. Il conteste la compétence du juge en la matière : pour lui, le licenciement avait été autorisé en considérant que les faits reprochés du 27 novembre étaient établis et suffisamment graves pour justifier le licenciement, compte tenu des antécédents (rappel à l'ordre et mise à pied). L'employeur en conclut que ces faits avaient nécessairement été contrôlés par l'administration, et que le juge judiciaire ne pouvait donc plus les apprécier.

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord. 

Elle commence par rappeler que « dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur ».

Remarque

la Cour de cassation s'était déjà prononcée en ce sens dans le cadre d'une demande du salarié protégé fondée sur la discrimination qu'il estimait avoir subie   (Cass. soc., 29 mai 2019, n° 17-23.865 : discrimination syndicale ; Cass. soc., 10 févr. 1999, n° 95643.561 : discrimination en raison de l'état de santé).

Elle en déduit que « l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ».

Le juge judiciaire peut donc, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié qu'elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l'existence dudit harcèlement moral.

... mais aussi se prononcer sur la validité de ces sanctions

Qui plus est, ajoute la Cour de cassation, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces précédentes sanctions.

En effet, en cas de licenciement pour faute grave, l'administration n'a pas à porter une appréciation sur la validité de ces précédentes sanctions disciplinaires, antérieures au licenciement.

Le juge judiciaire pouvait donc condamner la société à payer au salarié les sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents.

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