La représentation du personnel est un sujet qui donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces décisions ne tranchent pas une incertitude ou n'élaborent pas une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes.
Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois de juillet au mois de décembre 2022 dans le domaine du CSE et du statut protecteur.
Thème |
Contexte |
Solution |
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CSE |
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Action en justice du CSE |
Le CSE est habilité à reprendre les actions en justice du CHSCT qu'il remplace. |
Dès lors que l'instance est engagée après la mise en place du CSE, les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail ne s'appliquent plus aux frais d'expertise et aux frais de défense y afférents. Autrement dit, c'est la date d'engagement de l'instance et non la date de la délibération qui compte. Ainsi, si le CSE a remplacé le CHSCT entre la délibération et l'engagement de l'instance, la prise en charge des frais d'expertise et de défense par l'employeur ne s'applique pas (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-11.382). Précision. |
Heures de délégation |
Les heures de délégation ont pour objet de permettre aux représentants du personnel d'exercer leur mandat pendant leur temps de travail. Elles ne doivent donc pas être utilisées pour des activités personnelles. A ce titre, l'employeur peut, après les avoir payées, demander au représentant du personnel de lui préciser les activités exercées pendant qu'il était en délégation. L'employeur peut ensuite saisir le conseil de prud'hommes d'une action en remboursement des heures prétendument mal utilisées. |
L'employeur est en droit d'obtenir le remboursement des heures de délégation prises par un représentant du personnel pour se rendre aux entraînements de football de son fils (CA Caen, 7 juill. 2022, n° 21/00097). Illustration. |
Consultation du CSE en cas de projet important |
Le CSE est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2312-8, 4°). La notion de « projet important » n'est pas définie par le code du travail et résulte de la jurisprudence. |
Est un « projet important », la nouvelle délégation de pouvoirs donnée à tous les responsables d'agence qui sous-entend leur propre responsabilité pénale en cas d'infraction (notamment pouvoirs pour veiller, dans le cadre de leur périmètre opérationnel, au respect de la législation et de la réglementation en droit du travail, y incluant le domaine de la santé, de la sécurité et des conditions de travail des salariés), responsabilité incombant exclusivement au directeur de région précédemment (TJ Lyon, 7 mars 2022, n° 21/01901). Illustration. |
Expert du CSE |
Le CSE a droit de recourir à un expert dans de nombreux cas. Il doit pour ce faire, adopter une délibération. L'employeur peut contester ce recours, ainsi que son coût ou encore son étendue devant le tribunal judiciaire dans un délai de 10 jours (C. trav., art. L. 2315-86, R. 2315-49 et R. 2315-50). |
Lorsque les termes de la délibération du comité ayant voté le recours à une mission d'expertise ne permettent pas de définir si cette dernière se justifiait par un risque grave ou par un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, cette délibération est nulle du fait de son imprécision. Ainsi, le motif de recours à l'expert doit être précisé explicitement par la délibération, au risque d'être annulée (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-11.382). Précision. |
La mesure d'expertise prise par l'employeur ne saurait en soi faire échec à l'exercice par le comité de ses prérogatives légales (son droit à expertise pour risque grave) (Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-25.703). Confirmation de jurisprudence. |
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Demander en justice à cantonner la mission de l'expert du CSE d'établissement aux seules adaptations spécifiques qui auraient été décidées en matière sociale, de conditions de travail et d'emploi dans le seul périmètre du CSE d'établissement équivaut à une contestation de l'étendue de l'expertise et non à une contestation de son principe même. Ainsi, le point de départ du délai de contestation n'est pas la délibération du comité, mais la communication des informations relatives au coût prévisionnel, à l'étendue et à la durée de la l'expertise, conformément à l'article L. 2315-86 du code du travail (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-24.554). Précision. |
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Salariés protégés |
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Bénéficiaires de la protection |
S’agissant de la représentation diplomatique d’un État étranger en France, le principe de souveraineté des États fait, en principe, obstacle à ce qu’il soit fait application en son sein, au bénéfice de ses agents de droit local, des règles relatives aux relations collectives de travail prévues par le code du travail. |
Lorsque la représentation diplomatique d’un État étranger en France décide de se soumettre, en ce qui concerne ses personnels de droit local, aux règles du code du travail relatives aux relations collectives de travail, et, en particulier, d’organiser la désignation de représentants du personnel selon les modalités prévues par ce code, les personnels investis à ce titre de fonctions représentatives bénéficient des dispositions de ce code prévoyant leur protection contre le licenciement (CE, 9 déc. 2022, no 433766). Cas particulier. |
Les candidats aux élections professionnelles sont protégés pendant 6 mois. Il en va de même des salariés dont l'imminence de la candidature est connue de l'employeur (C. trav., art. L. 2411-7). |
La qualité de salarié protégé s'apprécie à la date d'envoi par l'employeur de la convocation à un entretien préalable au licenciement (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-10.633). Jurisprudence constante. |
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Modification du contrat |
Aucune modification de son contrat de travail ne peut être imposée à un salarié protégé. Il importe peu à cet égard que la modification soit justifiée par un motif disciplinaire ou par un motif économique (jurisprudence constante). |
Constitue une modification de son contrat de travail ne pouvant être imposée à une salariée protégée, une nouvelle mission, qui ne correspond ni à la nature des fonctions précédemment exercées ni à sa qualification. Dans cette affaire, au sein du service des ressources humaines, la salariée avait des missions de conseil et d'accompagnement en vue de l'optimisation des services de l'entreprise, et la mission proposée, rattachée au service des systèmes d'information, portait sur la rédaction d'une étude sur l'identité et la confiance numérique, impliquant des compétences techniques dont ne disposait pas la salariée (CE, 10 oct. 2022, n° 450849). Illustration. |
Pouvoir disciplinaire |
Le représentant du personnel ne peut être sanctionné dans le cadre de l'exercice de son mandat, sauf en cas d'abus de prérogative que l'employeur devra prouver (jurisprudence). |
Un salarié ne peut être sanctionné pour avoir exercé sa liberté d'expression en exprimant, en qualité de représentant du personnel, à la demande des salariés, en l'absence de réponse de la direction à leurs interrogations, les craintes de ces salariés sur les projets de réorganisation de l'entreprise, dans une lettre à l'organisme de tutelle, laquelle ne comportait aucun élément injurieux, abusif ou excessif, et que l'employeur ne démontrait pas la mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-14.814). Illustration. |
Licenciement pour faute |
Lorsque la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. |
Constitue une faute professionnelle d'une gravité suffisante justifiant le licenciement, le fait, pour un salarié protégé, d'avoir manqué de vigilance en laissant un enfant enfermé dans son véhicule de transport collectif stationné au dépôt de la société après la fin du service (CE, 7 oct. 2022, n° 454723). Illustration. |
Discrimination |
L’inspecteur du travail doit examiner notamment si la rupture envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l’intéressé (C. trav., art. R. 2421-7 et R. 2421-16). |
Le contrôle exercé par l’administration du travail de l’absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rend pas irrecevable et mal fondée, en raison de l’application du principe de séparation des pouvoirs, la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu’il estime avoir subi entre la date de l’autorisation de licenciement et celle de la notification du licenciement (Cass. soc., 14 déc. 2022, n° 21-16.084). Précision. |
Licenciement économique |
Le juge judiciaire n'a pas compétence pour apprécier la régularité de la procédure de licenciement économique antérieure à la saisine de l'inspecteur du travail (jurisprudence). |
Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 19-12.568). Précision. |