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13 octobre 2023
Oui un motif tiré de la vie personnelle peut parfois justifier un licenciement disciplinaire. Mais la Cour de cassation, dans une affaire jugée le 4 octobre, a estimé que tel n’est pas le cas s’agissant d’infractions routières commises hors du temps de travail avec le véhicule de l'entreprise, notamment car aucun rattachement à la vie professionnelle ne pouvait être constaté.

En principe et selon une jurisprudence constante, un fait imputé au salarié ne peut constituer une faute s'il relève de sa vie personnelle (par ex. : Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, FS-PB). Un licenciement disciplinaire n’est alors pas envisageable. Des exceptions toutefois : si ce fait constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464, FS-PB) ou encore s’il se rattache à la vie professionnelle (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-43.823, P). Si un salarié commet des infractions au code de la route avec son véhicule de fonction, et sur sont trajet domicile-travail, entre-t-il dans le cadre de ces exceptions ? Et bien non pour la Cour de cassation, qui s’appuie sur éléments de contexte pour motiver sa décision.

Des infractions commises hors du temps de travail…

En l’espèce le salarié, mécanicien, avait commis 4 infractions au code de la route alors qu'il conduisait un véhicule de fonction sur le trajet de son lieu de travail. Estimant que ces faits se rattachaient à sa vie professionnelle, l’employeur l’a licencié. Un licenciement considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse par la cour d’appel et la Cour de cassation qui relèvent que les faits reprochés n’avaient pas été réalisés lors du temps de travail effectif (ce que l’employeur ne contestait pas). En effet, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail est, par principe, hors du temps de travail effectif (C. trav., art. L. 3121-4, al. 1 ; Cass. soc., 5 nov. 2003, n° 01-43.109, FS-PBRI). Ainsi, même si le salarié était en route pour son travail, il était constaté que les infractions « avaient été commises durant les temps de trajet durant lesquels le salarié n'était pas à la disposition de l'employeur ». Un premier élément permettant d’écarter le rattachement à la vie professionnelle, peu important donc que la voiture de fonction ait été utilisée.

… sans dommage sur l’outil de travail, et sans incidence sur les obligations du salarié

Second élément justifiant la décision de la Cour en faveur du salarié : « l'outil de travail mis à sa disposition n'avait subi aucun dommage ». Si cela est clairement énoncé dans l’arrêt, c’est qu’à l’inverse, elle a déjà pu juger récemment que lorsqu'un salarié en état d'ébriété provoque un accident de la circulation au volant de son véhicule de fonction, alors « gravement endommagé », son licenciement repose bien sur une faute grave (Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 20-19.742). Mais tel n’est pas le cas ici, et ce d’autant moins que « le comportement de l'intéressé n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien ».

« De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les infractions au code de la route ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle, la cour d'appel a exactement déduit que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire ».

Remarque

cette nouvelle affaire montre bien que lorsqu’il s’agit d’une voiture de fonction et d’infractions routières, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est mince. Par exemple, la Haute cour a reconnu le licenciement disciplinaire dans le cas d’un salarié en congé maladie qui avait prêté à un tiers, sans lui avoir remis la carte grise, un véhicule appartenant à son employeur et qui n'était assuré qu'à son seul profit. Ce fait se rattachait selon elle à la vie professionnelle de l'entreprise en ce qu'il était de nature à mettre en cause l'employeur (Cass. soc., 30 nov. 2010, n° 09-40.695). En conclusion, seul le contexte compte.

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Elise DRUTINUS
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