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3 juillet 2024
La Cour de cassation a confirmé ou précisé les règles applicables en matière d'inaptitude par plusieurs arrêts rendus depuis ces deux derniers mois.

Le tableau ci-après est une synthèse des arrêts rendus ces deux derniers mois concernant l'avis d'inaptitude, l'articulation du code du travail avec des dispositions d'autres codes fixant des règles en matière d'inaptitude, le motif du licenciement, notamment.

Solution de la Cour de cassation

Visite de reprise : obligation pour l'employeur de l'organiser

Le salarié bénéficie d'un examen de reprise auprès du médecin du travail après un arrêt de travail pour maladie d'au moins 30 jours (C. trav., art. R. 4624-31). Dès que le salarié l'informe de la fin de son arrêt de travail, l'employeur, il doit saisir le service de santé au travail pour organiser l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié. Il en résulte que l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé. A défaut, le salarié est fondé pour demander la résiliation judiciaire de son un contrat de travail. L'employeur ne peut pas exiger du salarié de reprendre préalablement son emploi ni refuser de lui verser un salaire du fait qu'il n'avait fourni aucun travail (Cass. soc., 3 juill. 2024, n° 23-13.784).

Aptitude avec réserves

Lorsqu’un salarié déclaré apte avec réserves refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail, il peut prétendre au maintien de son salaire jusqu’à la rupture du contrat. L’employeur ne peut pas en effet unilatéralement imposer au salarié une durée de travail à temps partiel et procéder en conséquence à la diminution de sa rémunération sans son accord (Cass. soc. 19 juin 2024 n° 22-23.143).

Origine professionnelle de l'inaptitude

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement. Il ne suffit pas que les juges relèvent la dénonciation par la salariée auprès de son employeur des agissements de harcèlement moral qu'elle prétendait subir depuis plusieurs mois sur son lieu de travail, les certificats de médecins faisant état d'un syndrome anxio-dépressif et les indications apportées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-22.276) .

Inaptitude du personnel navigant : consultation combinée du médecin du travail et de la CMAC

Les dispositions du code de l'aviation civile et du code des transports prévoyant la compétence du conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) pour se prononcer sur l’inaptitude des personnels navigants n’exonèrent pas l’employeur de l’obligation d’appliquer la procédure d’inaptitude prévue par le code du travail qui est d'ordre public. Ainsi, même si l'inaptitude définitive aux fonctions de navigant a été prononcée par le CMAC, il faut que le médecin du travail se prononce sur l’inaptitude ou non du salarié. A défaut, les sanctions en cas de méconnaissance relatives au reclassement du salarié s’appliquent. Il s'agit d'une jurisprudence constante rappelée récemment par un arrêt du 7 mai 2024 : voir l'article publié dans le bulletin n°1071 ( Cass. soc. 19 juin 2024 n° 22-18.064).

Inaptitude d'un agent de la RATP : consultation combinée du médecin du travail et de la commission médicale de la RATP

L'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail doit s'accompagner de la consultation de la commission médicale de la RATP : La « réforme » d'un agent de la RATP, en l'absence de reclassement à la suite de l'avis d'inaptitude à son poste statutaire émis par le médecin du travail, ne peut être prononcée que sur proposition de la commission médicale selon les règles prévues par les articles 50, 97 et 99 du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-20.963) .

Obligation de reclassement et salarié handicapé

Le salarié handicapé, déclaré inapte qui, en cassation, prétend avoir fait l'objet de discrimination alors qu'il s'est borné à soutenir devant le juge d'appel que l'employeur devait apporter un soin particulier à la procédure de reclassement au titre des mesures appropriées d'adaptation au poste de travail des personnes handicapées doit être débouté. Il doit présenter des éléments de preuve laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son handicap. Cette décision est à rapprocher de l'arrêt du 15 mai 2024 : voir l'article publié dans le bulletin n°1071 (Cass. soc. 19 juin ,2024 n° 22-18.064)

Contestation de l'avis d'inaptitude

A l'occasion d'une mesure d'instruction ordonnée dans le cadre d'une procédure de contestation d'un avis d'inaptitude, le juge prud'homal qui constate qu'aucun médecin inspecteur du travail n'est disponible peut désigner un autre médecin pour faire l'expertise demandée, même s'il n'a aucune compétence en médecine du travail. L'expertise n'est alors pas frappée de nullité : voir l’article publié dans le bulletin n° 1071 (Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-22-321)

L'avis d'inaptitude peut être contesté dans les 15 jours devant le conseil de prud'hommes (C. trav., art. l. 4624-7). Lorsque cet avis porte des indications relatives au reclassement du travailleur et mentionne notamment que "tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé" ou que "son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi", une telle mention peut être contestée selon la procédure de l'article L. 4624-7. Cette contestation est recevable car porte en effet sur une indication émise par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (Cass. soc., 3 juill. 2024

7, n°23-14.227).

Motif du licenciement en cas de dispense de reclassement

Le licenciement prononcé pour le motif de refus de reclassement est sans cause réelle et sérieuse lorsque les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail dans la mesure où l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-18.138). Dans ce cas de figure, il s'agit d'un cas de dispense de reclassement admis par loi (prévu aux articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12) et qui suffit pour justifier un licenciement pour inaptitude ; l'employeur n'a pas et ne doit pas rechercher un reclassement : voir arrêt ci-après. 

Lorsque l'avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement (C. trav., art. l. 1226-2-1). Il ne peut être opposé le fait que l'avis d'inaptitude ne mentionne l'impossibilité de reclassement que dans l'emploi et non dans tout emploi (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-13.522).

Indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle

  • L'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis, due en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.

  • L'article L. 5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du préavis en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code.

  • Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-18.138

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Nathalie LEBRETON
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