Actualité
6 min de lecture
16 décembre 2024
Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont rappelé ou précisé les règles de la charge de la preuve sur le caractère professionnel de l'inaptitude, le formalisme de la notification de l'avis d'inaptitude, les conséquences de l'inaction de l'employeur , l'indemnité de préavis due en cas d'inaptitude professionnelle.

Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la synthèse des solutions de la Cour de cassation rendues ce dernier mois portant sur la procédure applicable en cas d'inaptitude du salarié.

Remarque

à noter que nous écartons un arrêt du 20 novembre 2024 dans ce tableau car rendu au regard de la législation antérieure à la loi du 8 août 2016 et qui n 'est plus transposable dans la législation actuelle. Il s'agit de l'arrêt n° 23-13.079 sur l'incidence du refus du salarié opposé à deux propositions de reclassement conformes aux préconisations du médecin du travail. Avant la loi du 8 août 2016, le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur en exécution de son obligation de reclassement n'impliquait pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation. Les juges du fond devaient rechercher si l'employeur établissait que les postes proposés étaient les seuls postes disponibles conformes aux préconisations du médecin du travail. Désormais, dès lors que l'offre de reclassement est sérieuse et loyale, le refus du salarié fait présumer le respect par l'employeur de son obligation de reclassement (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-12). L'approche sur le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur n'est plus la même (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-18.758). Pour plus de précisions, voir l'étude « Inaptitude au travail » du Dictionnaire permanent social.

Contexte et problématique

Solution de la Cour de cassation

Contestation de l'avis d'inaptitude : point de départ du délai de 15 jours

  • L'avis d'inaptitude peut être contesté par le salarié ou l'employeur en saisissant le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond dans le délai de 15 jours à compter de la notification de cet avis (C. trav., art. R. 4624-45). Cet avis d'inaptitude, émis par le médecin du travail, doit être transmis au salarié ainsi qu'à l'employeur par tout moyen leur conférant une date certaine (C. trav., art. R. 4624-55).

  • Que se passe-t-il si l'avis d'inaptitude a été remis en main propre mais sans décharge ?

  • Pour constituer la notification faisant courir le délai de recours de 15 jours à l'encontre d'un avis d'aptitude ou d'inaptitude, la remise en main propre de cet avis doit être faite contre émargement ou récépissé. C 'est ce qu'a précisé la Cour de cassation.

  • Il ne suffit pas qu'un courriel postérieur précise la date à laquelle l'avis d'inaptitude a été remis en main propre.

  • A défaut d'émargement ou de récépissé, le délai de 15 jours pour contester l'avis d'inaptitude n'a pas couru et l'action de contestation de cet avis ne peut pas être déclarée irrecevable pour expiration du délai.

  • Cass. soc., 4 déc. 2024, n°23-18.128

Origine professionnelle de l'inaptitude : charge de la preuve

  • Les règles propres à l'inaptitude professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine un accident ou une maladie d’origine professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement (Jurisprudence constante).

  • L'enjeu de ce litige est le paiement ou non des indemnités spéciales liées au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.

  • Les juges du fond doivent rechercher si l'inaptitude a, au moins partiellement, pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail

Pour reconnaître l'orgine professionnelle de l'inaptitude, il ne suffit pas de relever que :

  • le médecin du travail a constaté, lors de la visite de reprise que l'inaptitude intervenait dans un contexte d'une maladie professionnelle. En l'espèce, le médecin du travail avait précisé, en outre, qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude qu'il constatait. Les juges ne pouvaient donc pas condamner l'employeur à payer les indemnités spéciales liées à l'inaptitude d'origine professionnelle sans avoir fait la recherche du lien de causalité (Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-12.474) ;

  • le salarié avait bénéficié d'une reconnaissance de maladie professionnelle au titre du syndrome du canal carpien droit. Les juges du fond doivent rechercher si l'inaptitude avait pour origine cette maladie professionnelle et si l'employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement (Cass. soc., 20 nov. 2024, n° 23-15.054) ;

  • le médecin du travail a estimé que les douleurs ressenties par le salarié étaient entretenues par son activité professionnelle alors que les juges du fond ont constaté l'absence de maladie professionnelle et écarté tout lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail qui avait eu lieu 2 ans auparavant (Cass. soc., 20 nov. 2024, n° 23-19.352)

Procédure d'inaptitude : incidence de l'inaction de l'employeur

  • Lorsqu'un salarié est déclaré inapte, l'employeur doit rechercher un reclassement. Si à l'issue d'un mois à compter de la visite de reprise, il n'a ni reclassé ni licencié, il doit reprendre le paiement des salaires (C. trav., art. L. 1226-11).

  • Que se passe-t-il si l'employeur tarde à engager la procédure de reclassement puis la procédure de licenciement ? Cette lenteur est-elle sanctionnable et peut-elle justifier une résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, y compris lorsque l'employeur a repris le paiement du salaire ?

  • Faits : suite à un avis d'inaptitude en date du 11 juin 2019, l'employeur, après avoir repris le paiement du salaire en septembre 2019, a attendu le 10 octobre 2019 pour demander des précisions sur les desiderata du salarié, le 29 novembre 2019 pour consulter les sociétés du groupe sur les postes disponibles à proposer au salarié et le 26 mars 2020 pour le licencier. Le salarié avait, entre-temps (le 31 janvier 2020) saisi le conseil de prud'hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur.

  • La cour d'appel rejette la demande du salarié au motif que l'obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n'est pas enfermée dans un délai, de sorte que cette lenteur ne peut constituer un manquement de la part de l'employeur à ses obligations contractuelles ou légales.

  • La Cour de cassation n'est pas de cet avis et se fonde sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail (C. trav., art. L. 1222-1) : le salarié avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud'homale. La cour d'appel aurait dû déduire l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations. Elle aurait du, avant d'écarter la demande du salarié, rechercher si un tel manquement est d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La cour de renvoi devra trancher.

  • Cass. soc., 4 déc. 2024, n° 23-15 337

Manquement à l'obligation de sécurité : charge de la preuve

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, notamment s'il a manqué à son obligation de sécurité (jurisprudence constante).

  • C 'est aux juges du fond de caractériser un lien entre l'inaptitude et le manquement de l'employeur.

  • Il ne suffit pas de relever que l'employeur a échoué à rapporter la preuve de ce que l'inaptitude du salarié a une cause totalement étrangère à ces manquements.

  • Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-19.352

Droit à l'indemnité de préavis en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle

Le salarié, licencié pour inaptitude d'origine professionnelle a droit , outre l'indemnité spéciale de licenciement, à une indemnité compensatrice dont le montant est équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis légale prévue à l'article L. 1234-5 (C. trav., art. L. 1226-14).

Le salarié ne peut pas prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle de préavis prévue par la convention collective applicable à l'entreprise (Cass. soc., 20 nov. 2024, n° 23-14.949)

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Nathalie LEBRETON
Aller plus loin
actuEL RH - Le journal en ligne dédié à votre métier
Chaque matin, en 5 minutes, faites le point sur l’actualité sociale, juridique et managériale qui impacte les ressources humaines.
à partir de 80€ HT/mois

actuEL RH - Le journal en ligne dédié à votre métier