La présence au sein d’une même entreprise d’un CSE central et de plusieurs CSE d’établissement a toujours posé un problème de répartition des compétences entre ces différents comités. Quel comité doit être consulté ? Qui peut se faire assister par un expert-comptable ou par un expert habilité en santé, sécurité et conditions de travail ?
Un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2022 permet d’y voir plus clair à propos de l’assistance du CSE d’établissement par un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, l’emploi et les conditions de travail.
Par délibération du 25 mai 2020, le CSE de l'établissement de Fauverney de la société FM France, spécialisée dans l'entreposage et le stockage non frigorifique, vote une expertise portant sur la politique sociale de l'établissement.
Remarque : sauf si un accord prévoit une périodicité différente, laquelle ne peut pas aller au-delà de 3 ans, le CSE est consulté tous les ans sur la politique sociale de l’entreprise, l’emploi et les conditions de travail. A cette occasion, il peut se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l’employeur (C. trav., art. L. 2315-91). Dans les entreprises dotées d’un CSE central et de CSE d’établissement, sauf accord différent, la consultation est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d'adaptation spécifiques à ces établissements (C. trav., art. L. 2312-22).
La direction de FM France conteste et demande au tribunal judiciaire de Dijon d’annuler la délibération en question.
Demande rejetée.
Pour les magistrats de la Cour de cassation, dès lors que le CSE d’établissement doit être consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise, il est en droit se faire assister par un expert-comptable (C. trav., art. L. 2316-21). Or, comme cela est rappelé dans l’arrêt du 16 février 2022, « le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement » et « est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement » (C. trav., art. L. 2316-20).
Ainsi, droit à consultation et droit à expertise sont liés. Si consultation il y a, expertise il peut y avoir.
Remarque : la consultation du CSE ne portant que sur les mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, l’expertise ne devrait pas aller, en théorie, au-delà du périmètre de l’établissement et ne devrait porter que sur les mesures d’adaptation. Cependant, l’expert aura inévitablement besoin des informations sur la politique sociale de l’entreprise. Ajoutons que même si le CSE central n'a pas jugé bon de se faire assister par un expert-comptable, le CSE d'établissement pourra, lors de la consultation sur les mesures d'adaptation, faire jouer son droit à assistance par un expert-comptable.
Dans notre affaire, le tribunal judiciaire de Dijon avait relevé que le CSE de l'établissement de Fauverney « avait été consulté sur l'ordre des départs en congés pour l'année 2020, sur un plan de formation des salariés de l'établissement, que les délégués syndicaux de l'établissement avaient été conviés à la négociation d'un avenant relatif à l'intéressement propre à l'établissement … et qu'il avait été décidé de la constitution d'un groupe de travail sur une prime exceptionnelle au sein de l'établissement ».
La société FM France avait donc bien prévu des mesures d'adaptation de la politique sociale de l'entreprise spécifiques à l’établissement de Fauverney, « justifiant un droit à consultation et, dès lors, à expertise ».
Remarque : dans le cadre des consultations récurrentes, le CSE doit également être consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur sa situation économique et financière (C. trav., art. L. 2312-17). Sauf si l'employeur en décide autrement, ces deux consultations sont conduites au niveau de l'entreprise (C. trav., art. L. 2312-22). En conséquence, seul le CSE central aura le droit de se faire assister par un expert-comptable.