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25 avril 2022
Le principe d'individualisation des peines implique que le juge apprécie la proportionnalité de la sanction de l'emploi d'un étranger sans titre. Il peut alors maintenir la contribution spéciale infligée à l'employeur ou l'en décharger.

Dans une décision du 12 avril 2022, le Conseil d’État considère que le principe d'individualisation des peines, résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, implique que la sanction administrative que constitue la contribution spéciale en cas d’emploi d’un étranger sans autorisation de travail ne peut être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Saisi comme juge de plein contentieux, le juge administratif peut alors maintenir la contribution ou en décharger l'employeur.

Caractère disproportionné du montant de la contribution spéciale, selon l’employeur

En l’espèce, à l’issue d’un contrôle de police opéré dans un restaurant, la présence d'un étranger non déclaré travaillant sans autorisation de travail et de séjour a été constatée. Le directeur général de l'Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) a alors mis à la charge de la société :

  • la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail au montant forfaitaire de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 17 700 euros) ;
  • la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du Ceseda.

Estimant que le montant de la contribution forfaitaire était disproportionné au regard des circonstances de l'infraction, notamment de sa brièveté, et de sa propre situation financière, l’employeur a contesté la décision de l’Ofii devant le tribunal administratif. Ce dernier ayant, tout comme la cour administrative d’appel, rejeté sa demande, il s’est pourvu en cassation.

Nécessité pour le juge d’exercer le plein contrôle sur la proportionnalité de la sanction

Dans sa décision, le Conseil d'État souligne d’abord que le principe de nécessité des peines (qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.

Il poursuit en ajoutant qu’il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur la contribution spéciale, « d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration ».

En effet, si cette dernière est tenue d’apprécier, « au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé », le juge « peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire [par les dispositions du code du travail], ou en décharger l'employeur ».

Or, ici, le Conseil d’État estime que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en refusant, pour exercer le plein contrôle sur la proportionnalité de la sanction qui lui incombait, « d'examiner si les autres circonstances propres à l'espèce que la société faisait valoir étaient, au regard de la nature et de la gravité des agissements, d'une particularité telle [...] que la société soit, à titre exceptionnel, dispensée de cette sanction ».

Caractère justifié de la sanction, en l’espèce

Réglant l’affaire au fond, il confirme néanmoins la sanction infligée.

En effet, pour la Haute juridiction, dès lors qu'elle n’avait pas respecté les obligations de vérification de l'existence du titre de travail de l'étranger employé (C. trav., art. L. 5221-8) la société ne pouvait utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi.

Elle ne pouvait pas non plus faire valoir qu'elle accueillerait régulièrement de jeunes personnes en réinsertion, cette circonstance étant sans incidence sur la justification de la sanction.

Enfin, les difficultés financières dont elle fait état ne suffisent pas à justifier, au regard de la nature et de la gravité des agissements sanctionnés et de l'exigence de répression effective des infractions, que les circonstances propres à l'espèce seraient d'une particularité telle qu'elles nécessiteraient, à titre exceptionnel, une dispense de la contribution spéciale.

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Véronique Baudet-Caille, Juriste et auteur en droit social
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