Actualité
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23 janvier 2025
La Cour de cassation a apporté des précisions, au cours de l'année 2024, sur la nature des mesures discriminatoires, la protection du salarié dénonçant une discrimination et l’indemnisation en cas de licenciement discriminatoire notamment.

Pour compléter notre panorama de la jurisprudence sur les motifs de la discrimination (voir article publié le 23 janvier) , nous vous présentons, dans le tableau ci-après, une sélection d’arrêts rendus par la Cour de cassation ces 12 derniers mois sur divers aspects du régime de la discrimination : la preuve, les indemnités et la protection contre la dénonciation de faits de discrimination, les réparations pouvant être demandées au salarié victime de discrimination.

Problématiques

Solution

Nature de la mesure pouvant constituer une discrimination

Des propos racistes tenus pendant un repas de noël organisé par le CSE constituent-ils une discrimination au sens de L. 1132-1 et de l'alinéa 3 de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ?

  • Sont constitutifs d’une discrimination raciale au sens de L. 1132-1 et de l'alinéa 3 de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, les propos à caractère raciste tenant à la couleur de peau d’une salariée proférés par sa supérieure hiérarchique, au cours d’un repas de Noël du CSE. Ces propos relevaient de la vie professionnelle et non de la vie personnelle. Ils ouvrent droit à des dommages-intérêts pour harcèlement moral discriminatoire et requalification de la résiliation judiciaire du contrat en licenciement nul.

  • Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.287

Que recouvre le terme de « mesures » discriminatoires au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail et de la loi du 27 mai 2008 ? Peut-il s'agir de la tenue de propos racistes entre collègues ou doit-il s'agir d'une mesure concrète de l'employeur ?

  • Un salarié écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes tenus contre lui depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques, soutenant également que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui, et se plaignant d’avoir été convoqué par le coordinateur et le chef de secteur pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une autre salariée. Il prend acte de la rupture de son contrat et demande la requalification en licenciement nul pour discrimination ;

  • La cour d'appel le déboute en raison de l'absence de mesure discriminatoire à l'encontre du salarié.

  • La Cour de cassation n'est pas de cet avis. Elle déduit de l’article 1, alinéa 3 de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 qu’il n’est pas nécessaire que le salarié ait fait l’objet de « mesures » discriminatoires : tenir des propos racistes caractérisent l’existence d’un agissement discriminatoire. Elle consacre ainsi une conception large des « mesures discriminatoires ».

  • Cass. soc., 14 nov. 2024, n° 23-17.917

L’omission de prendre des mesures appropriées pour garantir le respect de l’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés caractérise-t-elle un « refus » au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail, de nature à constituer une discrimination ?

  • Une salariée, reconnue travailleuse handicapée, licenciée pour inaptitude, considère que son licenciement est discriminatoire en raison de l'absence de mesures prises par l'employeur de reclassement ou d'aménagement du poste. L’employeur prétend, qu’il s’agit d’une simple omission et non d’un « refus » susceptible de constituer une discrimination au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail.

  • La Cour de cassation rejette l'argumentation de l'employeur : l’omission » de prendre les mesures appropriées constitue bien un « refus » au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail et peut donc constituer une mesure discriminatoire. Toutefois, la cour de cassation a renvoyé l'affaire à une cour d'appel de renvoi pour se prononcer sur le caractère discriminatoire de ce refus en donnant un « mode d'emploi »  : voir article publié le 3 juin 2024

  • Cass. soc. 15 mai 2024, n° 22-11.652

Preuve de la discrimination

Comment s’articulent le droit à la preuve du salarié discriminé et le droit à la protection des données personnelles des autres salariés ? Le juge peut-il demander la production de bulletins de paie de collègues notamment ?

  • Un salarié s’estime victime de discrimination syndicale et saisit la juridiction prud’homale. Les juges du fond ordonnent à l’employeur de produire les historiques de carrière et bulletins de salaire de plusieurs autres salariés pour pouvoir constater s'il y a eu ou non une discrimination. L’employeur conteste arguant que la production de ces données serait contraire au RGPD.

  • La Cour de cassation précise le mode d'emploi permettant d'articuler le droit à la preuve et le droit à la protection des données confidentielles que sont les salaires. Ainsi, la production des bulletins de salaires est licite si les juges du fond veillent en veillant au principe de minimisation des données à caractère personnel (occultations des données personnelles non indispensables) et en faisant injonction et de n'utiliser ces données qu'aux seules fins de l'action en discrimination. voir article publié le 15 octobre 2024.

  • Cass. 2e. civ. 3 oct. 2024, n°21-20.979

Comment s’appliquent les règles de preuve en matière de discrimination lorsque survient un transfert d’entreprise ?

  • Après le transfert d'une entreprise, un salarié a saisi le conseil de prud'hommes pour discrimination syndicale au motif que l'entreprise entrante avait refusé le transfert de son contrat de travail parce qu'il était syndiqué quand d'autres salariés non affiliés au syndicat, dont les diplômes n'avaient pas été transmis, avaient néanmoins été repris par l'entreprise entrante. La cour d'appel le déboute au motif que la société entrante n'avait aucun moyen de connaître l'existence du mandat syndical du salarié.

  • La cour de cassation n'est pas de cet avis : les juges du fond doivent préalablement rechercher si les faits présentés par le salarié laissent supposer ou non l’existence d’une discrimination, et si, dans l'affirmative, l'entreprise entrante prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

  • Cass. soc. 11 déc. 2024, n°22-20.689

Indemnisation en cas de discrimination

Quelle est l'indemnité à verser en cas de licenciement nul en raison d’une discrimination ?

  • Lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité pour discrimination, l'indemnité due au salarié ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, outre l'indemnité légale, conventionnelle ou contractuelle. L'application du barème Macron prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écartée.

  • Cass. soc. 7 mai 2024, n°22-23.640

Le harcèlement et la discrimination, sont-ils deux chefs de préjudices distincts au titre de leur indemnisation ?

  • Oui. Pour la Cour de cassation, « les obligations résultant des articles L. 1132-1 du code du travail, au titre du principe de non-discrimination, et L. 1152-1 du même code, au titre de la prohibition du harcèlement moral, sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques » .

  • Cass. soc. 9 oct. 2024, n°23-16.098

Protection en cas de dénonciation de faits de discrimination

La lettre de licenciement qui comporte plusieurs motifs dont celui d’allégations mensongères de discriminations peut-elle être valable ?

  • Une salariée est licenciée. Sa lettre de licenciement reproche à la salariée d'avoir refusé systématiquement l'autorité et imposé ses conditions à tout changement de situation, d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ses hiérarchies successives et d'avoir refusé des opportunités faites par son actuelle hiérarchie. La salariée demande la nullité du licenciement au titre de l'article L. 1132-3 du code du travail sur le fait qu'on lui reproche d'avoir dénoncé des faits de discrimination. La cour d'appel la déboute en estimant que les deux autres motifs évoqués dans la lettre (refus de la nouvelle organisation et refus des autres propositions d'affectation) sont établis et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

  • La Cour de cassation n 'est pas de cet avis. Elle rappelle que la seule présence d’un grief reprochant au salarié d’avoir dénoncé des faits de discrimination emporte la nullité du licenciement conformément à l’article L. 1132-3 du code du travail.

  • Cass. soc. 6 mars 2024, n°22-19.353

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Claudiane JAFFRE
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