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23 novembre 2022
A partir du 1er janvier 2023, pour appliquer la DFS pour frais professionnels, le salarié devra supporter effectivement des frais professionnels. Une nouvelle condition qui limite considérablement le bénéfice de la déduction dans certains secteurs. Deux d'entre eux ont toutefois obtenu une sortie progressive du dispositif : la propreté et le BTP.

Pour éviter les effets économiques et sociaux délétères d'un arrêt brutal de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) pour frais professionnels faisant suite à la nécessité nouvelle pour les salariés de supporter effectivement des frais professionnels, une solution de compromis a été admise par le ministre des comptes publics pour les secteurs de la propreté et du BTP.

Ce compromis a été signé, pour le secteur de la propreté, en février 2020 et a été formalisé, pour le BTP, dans un courrier du 22 avril 2022 signé par le ministre délégué chargé des comptes publics. Les dérogations accordées ont été intégrées au Bulletin officiel de la Sécurité sociale, à l'occasion d'une mise à jour diffusée le 18 novembre 2022.

Remarque

pour rappel, le secteur de la propreté ne figurant pas dans la liste réglementaire des professions éligible à la DFS, les salariés rattachés à ce secteur ne doivent pas, en théorie, en bénéficier. Toutefois, une réponse ministérielle datant de 1972 a ouvert le droit à déduction aux ouvriers du secteur de la propreté par analogie avec ceux du bâtiment dont la profession est, elle, éligible (Rép. min., 18 mai 1972). La Cour de cassation a toutefois rappelé à plusieurs reprises que cette catégorie de salariés n'était pas nommément visée par le CGI. En outre, elle a ajouté que si ces ouvriers sont assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte, c'est à la condition que, comme ces derniers, ils travaillent sur plusieurs chantiers pour le compte d'un même employeur (Cass. 2e civ., 6 oct. 2016, n° 15-25.435 ; Cass. 2e civ., 20 janv. 2012, n° 10-26.092). Dans une lettre circulaire ministérielle du 8 novembre 2012, l'administration a demandé aux contrôleurs Urssaf de ne pas tenir compte de cette condition d'un travail sur plusieurs sites posée par la Cour de cassation. En contrepartie, l'administration a abaissé la DFS dans le secteur de la propreté de 10 % à 9 % pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013, puis au taux de 8 % pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014.

Les dérogations accordées ont été intégrées au Bulletin officiel de la Sécurité sociale, à l'occasion d'une mise à jour diffusée le 18 novembre 2022. La mise à jour du BOSS est, en principe, opposable aux organismes de recouvrement à compter du 1er novembre 2022 mais, pour le secteur du BTP en tout cas, les Urssaf ont été invitées par le ministère des comptes publics à prendre en compte ces dérogations à compter du 22 avril 2022.

Conditions requises pour appliquer la DFS pour frais professionnels : bref rappel

Pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, les salariés doivent :

  • faire partie d'une des professions listées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts en vigueur au 31 décembre 2000 ;
  • et, à partir du 1er janvier 2023, supporter effectivement des frais lors de leur activité professionnelle, ce qui suppose, pour appliquer cette déduction, que l'employeur dispose des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels : initialement, le bénéfice de la déduction n'étant pas subordonnée au fait que le salarié supporte effectivement des frais professionnels, l'employeur était autorisé à l'appliquer dès lors que le salarié exerçait une profession éligible. 

Remarque

cette nouvelle condition, qui durcit considérablement l'application de la DFS, s'applique en principe depuis le 1er avril 2021. Toutefois, en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu'au 31 décembre 2022, l'administration a demandé à l'Urssaf de procéder uniquement à une demande de mise en conformité pour l'avenir. Autrement dit, l'employeur ne doit réellement appliquer cette nouvelle condition, sous peine de redressement, qu'à compter du 1er janvier 2023.

Cette déduction forfaitaire spécifique est liée à l'activité professionnelle du salarié et non à l'activité générale de l'entreprise. Elle oscille entre 5 et 40 % selon les professions, dans la limite de 7 600 euros par année civile.

Dans nombre de secteurs, la nouvelle condition marque la fin du bénéfice de la DFS pour frais professionnels ou, en tout cas, en limite considérablement l'application. Pour éviter aux entreprises les conséquences économiques et sociales d'un arrêt brutal de la DFS, les secteurs du BTP et de la propreté ont négocié avec le ministère des comptes publics une sortie progressive du dispositif. 

Dérogations accordées aux secteurs de la propreté et du BTP

La nécessité de supporter réellement des frais professionnels n'est pas requise

A compter du 1er janvier 2021 pour le secteur de la propreté et à compter du 1er janvier 2022 pour le secteur de la construction, le bénéfice de la DFS est admis, même en l’absence de frais professionnel réellement supporté par un salarié (par exemple, en cas d'application par une caisse de congés payés du secteur de la DFS sur les indemnités de congés payés) (BOSS-FP-2310). 

En revanche, précise le BOSS, l’ensemble des autres conditions nécessaires au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique doivent être vérifiées.

Les remboursements pour frais professionnels n'ont pas à être intégrés avant application de la DFS

Par tolérance, pour accompagner l’extinction du dispositif et la mise en place de modalités de remboursement des frais professionnels de droit commun, l’ensemble des remboursements de frais professionnels définis par l’arrêté du 20 décembre 2002 peuvent faire l’objet d’un cumul avec la DFS. Cette tolérance sectorielle est applicable, pour le secteur de la propreté, à compter du 1er janvier 2021 et, pour le secteur du BTP, à compter du 1er janvier 2022 (BOSS-FP-2320).

Remarque

ainsi, certains remboursements de frais professionnels et des prises en charge directes par l’employeur continueront de ne pas à être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales avant l’application de la déduction forfaitaire spécifique. Dans les autres secteurs, cette autorisation de cumul prendra fin le 1er janvier 2023. Pour rappel, les frais et prises en charges visées sont la prise en charge directe par l'employeur auprès d'un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi...) des frais de son salarié en situation de déplacement professionnel (frais d'hébergement, frais de repas, frais de taxi...), le remboursement des dépenses d'entretien des vêtements de travail, le remboursement des dépenses engagées par le salarié dans le cadre de sa participation à la demande de son employeur à titre exceptionnel à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise  et le remboursement des dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur à l'occasion des repas d'affaires dûment justifiés sauf abus manifeste.

La réduction du taux de la DFS sera progressive

Les taux de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, fixés originellement à 8 % pour le secteur de la propreté et à 10 % pour le secteur du BTP, sont réduits chaque année comme suit (BOSS-FP-2300) :

  • secteur de la propreté : depuis le 1er janvier 2022, le taux de déduction forfaitaire spécifique est réduit d'un point chaque année, jusqu’à sa disparition à compter du 1er janvier 2029 ;
  • secteur de la construction : à compter du 1er janvier 2024, le taux de déduction forfaitaire spécifique sera réduit d'un point chaque année puis de 1,5 % les deux dernières années, jusqu’à sa disparition à partir du 1er janvier 2032.

Remarque

le conseil d'administration de la CNETP a pris acte de cette évolution par un décalage du 1er avril 2022 au 1er avril 2023 de l'augmentation du taux de la cotisation congés payés, ramenée de 0,20 point à 0,10 point. Une seconde hausse de 0,10 point devra être envisagée à échéance 2030/2031.

Période concernée

Taux de DFS dans le secteur de la propreté

Taux de DFS dans le secteur du BTP

01/01/2022

7 % 

10 %

01/01/2023

6 %

10 %

01/01/2024

5 %

9 %

01/01/2025

4 %

8 %

01/01/2026

3 %

7 %

01/01/2027

2 %

6 %

01/01/2028

1 %

5 %

01/01/2029

0 % (suppression de la DFS)

4 %

01/01/2030

-

3 %

01/01/2031

-

1,5 %

01/01/2032

-

0 % (suppression de la DFS)

Les modalités de recueil du consentement du salarié sont assouplies

Pour faciliter les modalités de gestion des informations concernant les salariés bénéficiaires de cette sortie progressive, l'administration admet que le consentement des salariés recueilli par l’employeur en 2023 pour le secteur de la propreté et avant 2023 pour le secteur de la construction, couvre la totalité de la période restant à courir jusqu’à l’extinction du dispositif dans le secteur concerné (BOSS-FP-2330).

Remarque

ainsi, le consentement recueilli est valable jusqu’au 31 décembre 2028 pour le secteur de la propreté et jusqu’au 31 décembre 2031 pour le secteur de la construction. 

Néanmoins, indique le BOSS, « en cas d’embauche à compter du 1er janvier 2023, l’application de la DFS à tout salarié nouvellement embauché est conditionnée au recueil de son consentement », sans autre précision. Pourtant, selon l'accord négocié par le secteur du BTP avec le ministre des comptes publics,  le consentement donné à l'application de la DFS par les salariés nouvellement embauchés à compter du 1er janvier 2023 devait valoir pour l'ensemble de la période transitoire (2024-2031). Cette tolérance n'a pas été reprise par le BOSS. S'agit-il d'un oubli ?

D'autres secteurs vont-ils obtenir une dérogation ?

D'autres secteurs risquent d'être fortement impactés par le durcissement des conditions requises pour appliquer la DFS pour frais professionnels, à commencer par le secteur de la presse.

Un recours en excès de pouvoir avait d'ailleurs été porté devant les juridictions administratives par l'Alliance de la presse d'information générale, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine et la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée à l'encontre de la condition supplémentaire à l'application de la DFS. Mais le Conseil d'État avait rejeté toutes les conclusions présentées par les organisations professionnelles et considéré la demande d'annulation des dispositions attaquées infondée (CE, 14 mars 2022, n° 453073).

Ces secteurs tenteront-ils de négocier, à leur tour, une sortie progressive du dispositif avec le ministère des comptes publics ? Affaire à suivre.

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