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26 avril 2023
Le délégué syndical doit être choisi en priorité parmi les élus et candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections. Mais ils peuvent y renoncer. La Cour de cassation précise dans deux arrêts que cette renonciation n'est pas définitive, et qu'elle n'est pas exigée des candidats ne versant plus leurs cotisations syndicales.

La semaine dernière, la Cour de cassation a publié un arrêt mettant au clair les règles selon lesquelles un syndicat représentatif peut désigner un adhérent comme délégué syndical (DS). Ainsi, cela devient possible, en application de l'article L. 2143-3 du code du travail, si les candidats présentés par le syndicat ayant obtenu 10 % des suffrages à titre personnel lors des élections professionnelles renoncent au droit d'être désignés comme délégué syndical (Cass. soc., 5 avr. 2023, 21-24.752, v. notre article).

Par deux arrêts du 17 avril 2023, la Cour de cassation tranche sur deux questions relatives à cette renonciation :

  • la renonciation au droit d'être désigné comme DS vaut-elle pour tout le cycle électoral ?
  • faut-il obtenir cette renonciation des candidats présentés par le syndicat ayant obtenu 10%, mais qui ont depuis cessé de payer leurs cotisations syndicales ?

La renonciation d'un candidat n'est pas forcément définitive

Dans cette affaire (n° 21-23.348), une candidate présentée par la CFE-CGC et ayant obtenu au moins 10 % des suffrages à titre personnel est désignée comme DS à l'issue des élections professionnelles. Quelques mois plus tard, elle renonce à cette désignation par écrit, comme il se doit. Le lendemain, le syndicat désigne un de ses adhérents comme DS.

Remarque

rappelons que la renonciation écrite d'un candidat ayant obtenu 10 % doit être préalable à la désignation d'un adhérent (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-24.678).

Mais quelques mois plus tard, c'est un autre DS qu'il faut remplacer. Et le syndicat désigne à nouveau cette salariée ayant précédemment renoncé au mandat.

L'employeur conteste cette désignation, au motif que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical valait pour tout le cycle électoral.

Mais le tribunal et la Cour de cassation ne sont pas d'accord. 

Et la chambre sociale précise, pour la première fois que « la renonciation par l'élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE, au droit d'être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 précité, n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical ».

En d'autres termes, le salarié peut revenir sur sa renonciation au cours du cycle électoral.

Remarque

à noter qu'il n'est cependant pas nécessaire d'obtenir la renonciation des candidats ayant obtenu 10 % à chaque nouvelle désignation de DS. En effet, l'avocate générale, dans son avis publié avec l'arrêt, considère « important de souligner qu’il convient de ne pas soumettre l’exception de l’article L. 2143-3 du code du travail à un formalisme excessif ». Elle précise ensuite que « les syndicats peuvent rencontrer des difficultés pratiques à rassembler les renonciations afin de pouvoir désigner un adhérent ». Elle en conclut, « qu'admettre qu’une renonciation n’exclut pas la possibilité pour une organisation syndicale de désigner ultérieurement un salarié, ayant renoncé à exercer un mandat, ne signifie pas que le syndicat ait l’obligation, pour chaque nouvelle désignation, de redemander aux candidats de renoncer à nouveau à être désigné. En ce sens, la renonciation vaut bien en principe pour tout l’ensemble du cycle, sauf pour le salarié et le syndicat a en décider autrement ».  Elle rappelle que la Cour de cassation a d'ailleurs déjà statué en ce sens « en estimant qu’il n’était pas nécessaire, à l’occasion d’une nouvelle désignation d’un délégué syndical, de produire une nouvelle renonciation des personnes susceptibles d’être désignées, dès lors qu’elles avaient déjà renoncé à leur droit à l’occasion d’une précédente désignation »  (Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-60.187).
Cette renonciation écrite vaut donc pour le cycle électoral, mais elle ne prive son auteur du droit de changer d'avis et d'être désigné ultérieurement comme délégué syndical pendant ce cycle électoral.

La renonciation n'est pas requise d'un candidat ne payant plus ses cotisations syndicales

Dans cette seconde affaire (n° 21-60.127), lors des dernières élections professionnelles, en janvier 2018, la CGT a présenté 4 candidats :

  •  2 candidats ont ensuite quitté l’entreprise ;
  • la 3ème a démissionné de son mandat de délégué syndical en juillet 2020, et a renoncé par écrit à son droit d'être désigné comme DS le 5 août ;
  • le 4ème n’est pas à jour de ses cotisations syndicales.

Le 6 août 2020, le syndicat désigne un adhérent comme délégué syndical.

L'employeur conteste cette désignation, le syndicat n'ayant pas de renonciation écrite du 4e candidat. Il avance que le paiement des cotisations syndicales n'est pas une condition légale à retenir pour exonérer le syndicat de cette renonciation. Le tribunal annule la désignation de l'adhérent.

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord. Elle rappelle que par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises, puis elle rappelle ces règles permettant la désignation d'un adhérent.

Puis, elle cite un de ses arrêts antérieurs décidant que les candidats de la liste présentée par le syndicat en cause dans cette affaire, soit ne cotisent plus depuis plus d'une année, soit ne sont plus dans les effectifs de la société, « ce dont il résultait que l'organisation syndicale ne disposait plus de candidats en mesure d'exercer un mandat de délégué syndical à son profit, (...) la désignation d'un adhérent qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles était valide » (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 13-20.398).

En conséquence, elle exige du tribunal de rechercher, comme il était soutenu, si le 4e candidat présenté par le syndicat et ayant obtenu 10 % à titre personnel, « avait renoncé à l'activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l'union locale ».

Ainsi, un adhérent peut être désigné si tous les candidats ayant obtenu au moins 10 % présentés par le syndicat renoncent par écrit. Mais un tel candidat qui n'a pas payé ses cotisations syndicales n'est plus considéré comme « étant en mesure d'exercer un tel mandat pour le syndicat qui l'a présenté sur sa liste pour les élections professionnelles ». Celui-ci est considéré comme ayant, de ce fait, renoncé à ses activités syndicales, il ne peut donc être exigé sa renonciation écrite préalable pour ouvrir au syndicat le droit de désigner un de ses adhérents. En effet, comme le souligne l'avocate générale dans son avis publié avec l'arrêt : « en réalité, l’absence de cotisation syndicale démontre que le salarié en cause n’est plus membre du syndicat ».

Remarque

plus largement, on peut dire, à l'instar de l'avocate générale que « dès lors que le syndicat peut démontrer que le salarié, candidat à l’élection et ayant obtenu 10 % des voix, n’est plus membre du syndicat, l’organisation syndicale représentative n’est pas tenue de le désigner », et n'a donc pas à obtenir sa renonciation pour désigner un de ses adhérents. Il n'y a donc pas de règle précise quant à la durée d'absence de paiement des cotisations, cette démission du syndicat pouvant être entérinée par d'autres faits (par exemple, si le syndicat peut prouver qu''il milite pour un autre syndicat, ou s'il a fait savoir publiquement qu'il n'est plus membre de son syndicat d'origine...).

A nouveau cette décision permet de protéger la liberté syndicale, en n'exigeant pas d'un syndicat qu'il désigne un salarié qui ne serait plus membre de l'organisation.

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