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16 octobre 2024
Le CSE qui s'estime insuffisamment informé sur un projet sur lequel il est consulté peut demander en justice la communication d'informations complémentaires, mais il doit le faire avant l'expiration de son délai de consultation, selon la procédure accélérée au fond. La Cour de cassation précise que c'est la date de l'assignation qui compte pour déterminer si le CSE a agi dans les temps.

Le CSE est consulté sur de nombreux sujets. Pour les consultations récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière, politique sociale et conditions de travail), comme pour les consultations ponctuelles (par exemple sur un projet), le comité doit rendre son avis dans un certain délai. A défaut d'accord, ce délai est d'un mois, porté à 2 mois en cas de recours à un expert.

Ces consultations s'accompagnent d'informations et de documents ( « informations précises et écrites »), afin que le CSE puisse rendre un avis éclairé (C. trav., art. L. 2312-15). C'est leur communication ou mise à disposition qui constitue le point de départ du délai de consultation.

Le code du travail prévoit une procédure afin que le CSE puisse demander en justice de compléter les informations données par l'employeur s'il les estime insuffisantes. A cette occasion, il peut également demander une prolongation du délai de consultation (C. trav., art. L. 2312-15).

Ce recours s'effectue selon la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire.

La saisine du juge ne prolonge en effet pas automatiquement le délai de consultation, et, en toute logique, le juge doit être saisi avant l'expiration dudit délai (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-26.483).

Dans ce cadre, il est important de savoir à quelle date le juge est valablement saisi. C'est l'objet de cet arrêt de la Cour de cassation.

Le CSE qui s'estime insuffisamment informé par l'employeur peut saisir le président du tribunal judiciaire

Dans cette affaire, le CSE est consulté sur un projet de l'entreprise. Il est convoqué le 8 juillet à cet effet. Dès cette réunion, le CSE décide du recours à un expert, ce qui porte son délai de consultation à 2 mois, celui-ci expirant donc le 8 septembre.

Après le dépôt du rapport d'expertise, estimant qu'il ne disposait pas d'informations suffisantes pour rendre un avis, le comité saisit le 3 septembre le président du tribunal judiciaire d'une requête aux fins d'être autorisé à assigner en urgence. Puis, par acte du 6 septembre, le comité fait assigner l'entreprise devant le président du tribunal judiciaire aux fins d'ordonner à celle-ci de lui communiquer certaines informations complémentaires, de prolonger son délai de consultation de deux mois à compter de la transmission de ces informations et d'interdire à la société, sous astreinte, de mettre en œuvre le projet litigieux jusqu'à expiration de ce délai. Mais ce n'est que le 9 septembre, que la copie de l'assignation est remise au greffe du tribunal ( « mise au rôle »).

Remarque

l'assignation est un acte de procédure adressé par le demandeur au défendeur par l'intermédiaire d'un huissier de justice, pour l'inviter à comparaître devant une juridiction de l'ordre judiciaire. Le greffe du tribunal judiciaire reçoit ensuite une copie de cette assignation, il peut donc se passer plusieurs jours entre l'assignation et la délivrance de la copie de l'assignation.

La date de saisine du juge est celle de l'assignation

Le tribunal judiciaire déclare le CSE recevable, même s'il le déboute de ses demandes. Le CSE conteste cette décision, et l'entreprise, dans le cadre d'un appel incident, réclame que la demande du CSE soit déclarée irrecevable car tardive. En effet, à la date du 9 septembre, le délai de consultation est dépassé, or, d'après lui, c'est cette date qui constitue la date de saisine du juge.

La cour d'appel donne raison à l'entreprise. Elle se fonde sur l'article 481-1, 2° du code de procédure civile relatif à la procédure accélérée au fond, lequel prévoit que « le juge est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe » (la « mise au rôle »  ou « enrôlement »). 

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord. Elle commence par rappeler les règles applicables à la consultation du CSE. Puis au visa du même article 481-1, 2° du code de procédure civile, la chambre sociale tranche : « la demande en justice devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, étant formée par assignation, la date de saisine du juge s'entend de celle de l'assignation ».

Elle rejette donc la « double condition »  d'assignation et de remise au greffe d'une copie de cette assignation. L'assignation étant datée du 6 septembre, soit avant l'expiration du délai de consultation (le 8 septembre), la saisine du CSE est valable.

La Cour de cassation confirme la jurisprudence de ses chambres sociale et commerciale

La Cour de cassation confirme ici sa propre décision concernant la forclusion de l'action en contestation de l'expertise du CSE (nécessité, choix de l'expert, coût prévisionnel, étendue et durée de l'expertise). Rappelons que, dans ce cadre, l'employeur a 10 jours pour contester. Et la procédure applicable (hormis pour la contestation de la notification à l'employeur du coût final de l'expertise) est la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire (C. trav., art. L. 2315-86). La chambre sociale a jugé ici aussi que la date de la saisine du juge s'entend de celle de l'assignation (Cass. soc., 6 juin 2018, n°16-28.026).

Sur son site internet, la Cour de cassation vise cet arrêt dans son encadré « rapprochement de jurisprudence ». 

Elle vise également un arrêt de la chambre commerciale, relatif à la contestation d'une décision du juge-commissaire dans le cadre d'une procédure collective. En effet, un créancier a un mois pour contester cette décision, et il a été jugé que la juridiction est réputée saisie dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci est remise au greffe. La date de cette dernière étant indifférente dans la détermination dudit délai (Cass. com., 4 oct. 2023, n° 22-14.439). Ce rapprochement laisse à penser qu'il en va de même pour le recours en demande d'information, ainsi qu'en contestation de l'expertise : la mise au rôle doit bien avoir été effectuée, mais ce n'est pas sa date qui est prise en compte pour déterminer si le juge a été saisi dans les temps, c'est bien celle de l'assignation elle-même.

Enfin, la procédure accélérée au fond est applicable dans d'autres cas en droit du travail, dont certains sont également enserrés dans des délais courts. On peut penser que cette règle sera applicable. Par exemple, toujours concernant les instances représentatives du personnel, les membres de la délégation du personnel du CSE, lorsqu’ils estiment ne pas avoir été suffisamment informés à l’occasion d'une offre publique d'acquisition, peuvent saisir le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond (toujours s'ils agissent alors que le délai de consultation n'a pas expiré) (C. trav., art. L. 2312-46). Ou encore dans un autre domaine : l'action en contestation des modalités de consultation des salariés sur un accord collectif minoritaire doit être introduite selon la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire dans un délai de 8 jours suivant l'information obligatoire des salariés (C. trav., art. D. 2232-7).

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