Actualité
5 min de lecture
12 mars 2024
Le Conseil d’État annule au 1er juin 2024 le taux du versement forfaitaire unique ainsi que sa répartition entre les cotisations sociales qu’il couvre pour les auto-entrepreneurs exerçant une profession libérale et relevant du régime de retraite complémentaire des indépendants dans la mesure où ce taux et cette répartition ne permettent pas aux intéressés d’acquérir des droits au titre de ce régime.
Le Conseil d’État annule le taux de cotisations applicable à certains auto-entrepreneurs
©Gettyimages

Auto-entrepreneurs : un taux effectif global de cotisations équivalent à celui des autres indépendants

Les auto-entrepreneurs acquittent leurs cotisations via un versement unique global

Les micro-entrepreneurs, c’est-à-dire les travailleurs indépendants relevant des régimes fiscaux micro-BNC ou micro-BIC, relèvent en principe d’un dispositif simplifié de déclaration de leurs revenus et de paiement de leurs cotisations et contributions sociales, dénommé « régime micro-social ». Leurs cotisations et contributions sociales – maladie-maternité, allocations familiales, retraite de base et complémentaire, invalidité-décès, CSG et CRDS – sont calculées selon un taux forfaitaire global appliqué à leur chiffre d’affaires ou à leurs recettes commerciales réalisés le mois ou le trimestre précédent.

Le taux du versement unique global et sa répartition entre les cotisations révisé par un décret de 2022

Aux termes de l’article L 613-7 du CSS, ce taux forfaitaire global est fixé par décret pour chaque catégorie d’activités relevant des régimes micro-BNC et micro-BIC de manière à garantir, pour chacune de ces catégories, un niveau équivalent entre le taux effectif global des cotisations et contributions sociales versées par les travailleurs indépendants relevant du régime micro-social et celui applicable à ceux n’en relevant pas, c’est-à-dire les travailleurs indépendants de droit commun.

Les taux applicables dans le cadre du régime micro-social, fixés à l’article D 613-4 du CSS, ont été en dernier lieu modifiés par le décret 2022-1529 du 7 décembre 2022. Celui-ci les a abaissés afin de tenir compte du renforcement de la dégressivité du taux de la cotisation maladie-maternité opéré par la loi 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et de maintenir ainsi une équivalence entre le taux effectif applicable aux micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social et celui applicable aux travailleurs indépendants de droit commun.

Ce décret a également révisé les pourcentages de répartition des taux forfaitaires globaux entre les cotisations couvertes par le régime micro-social pour les différentes catégories de micro-entrepreneurs figurant dans les tableaux de l’article D 613-6 du CSS.

Quel taux de cotisation de retraite complémentaire retenir pour la comparaison ?

Une difficulté liée à l’option des professionnels libéraux relevant du RCI pour des taux dérogatoires

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État, un particulier contestait, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, les dispositions des articles D 613-4 et D 613-6 du CSS telles qu’issues du décret précité applicables aux micro-entrepreneurs soumis au régime micro-BNC et relevant du régime de retraite complémentaire des indépendants (RCI) et non de la Cipav, car exerçant une activité libérale non listée à l’article L 640-1 du CSS.

Son recours se fondait sur la méconnaissance par ces dispositions de la règle d’équivalence et sur le fait que celles-ci ne permettent pas aux intéressés de cotiser au RCI et donc de se constituer des droits à retraite à ce titre.

L’article D 613-6 du CSS prévoit en effet la répartition du taux forfaitaire global entre les seules cotisations d’assurance maladie-maternité, invalidité-décès, retraite de base et la CSG et la CRDS.

Pour cette catégorie de micro-entrepreneurs, la règle d’équivalence est particulièrement complexe compte tenu de la pluralité de taux de retraite complémentaire applicables aux travailleurs indépendants de droit commun exerçant la même activité.

L’article 15, XVI-8° de la loi 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 a organisé le transfert progressif des travailleurs indépendants exerçant une profession libérale non listée à l’article L 640-1 du CSS vers les régimes d’assurance vieillesse de base et de retraite complémentaire des artisans, commerçants et industriels.

Cette mesure s’est accompagnée, pour ceux ne relevant pas du régime micro-social, d’une option pour le calcul de leur cotisation de retraite complémentaire à des taux spécifiques fixés par le décret 2019-386 du 29 avril 2019.

Ainsi, les professionnels libéraux ayant exercé cette option cotisent au RCI à un taux nul pour la fraction du revenu inférieure ou égale au plafond annuel de sécurité sociale (Pass) et à un taux de 14 % sur la part du revenu compris entre ce plafond et 4 fois celui-ci. Ceux n’ayant pas exercé cette option cotisent, quant à eux, à un taux de droit commun de 7 % dans la limite d'un plafond spécifique égal à 42 946 € en 2024 et de 8 % pour la part comprise entre ce plafond et 4 Pass.

L’article 18, III de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a mis fin à cette option au 31 décembre 2023.

Le décret a retenu le taux nul dérogatoire alors que celui-ci est très peu appliqué

Le pouvoir réglementaire a retenu le taux nul pour l’application de la règle d’équivalence dans la mesure où cela aboutissait à un taux de versement forfaitaire global plus faible et donc considéré plus favorable aux micro-entrepreneurs.Ainsi, le taux du versement global a été fixé à 21,1 % alors qu’il aurait été de 25,7 % si le taux de droit commun de la cotisation de retraite complémentaire avait été retenu.

Conséquence de ce choix, la répartition de ce taux entre les différentes cotisations couvertes par le régime micro-social n’inclut pas celle de retraite complémentaire. Les intéressés n'acquièrent ainsi aucun droit à retraite complémentaire.

Or, comme l’explique le rapporteur public, Mathieu Le Coq, dans ses conclusions, le taux de cotisation de retraite complémentaire devant être retenu est celui de droit commun dans la mesure où, selon la mesure d’instruction supplémentaire diligentée par le Conseil d’État, seuls 0,1 % des professionnels libéraux ont opté pour le taux nul. Ainsi, même si on applique une approche non théorique, mais réaliste de la règle d’équivalence, c’est le taux de 7 % qu’il convient d’appliquer.

Les dispositions retenant un taux nul de cotisation de retraite complémentaire sont annulées

Le Conseil d’État a suivi les conclusions du rapport public en annulant les dispositions des articles D 613-4 et D 613-6 du CSS applicables aux auto-entrepreneurs exerçant une activité libérale non listée à l’article L 640-1 du même Code.

En revanche, il s’en est éloigné s’agissant des effets dans le temps de cette annulation. Au regard des conséquences potentielles d’une annulation rétroactive de ces dispositions, il reporte au 1er  juin 2024 le prononcé de cette annulation et répute définitifs les effets des dispositions annulées antérieurs à cette date, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision.

A noter :

Le pouvoir réglementaire devra donc, avant cette date, définir par décret un nouveau taux de versement forfaitaire libératoire pour les intéressés, qui sera vraisemblablement plus élevé que le taux actuel.

Documents et liens associés

CE 9-2-2024 n° 471203

Retrouvez toute l'actualité sociale décryptée et commentée par la rédaction Lefebvre Dalloz dans votre Navis Social.

Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Social à distance 

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Social pendant 10 jours.

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Aller plus loin
Formulaire social - Plus de 670 modèles pour toutes les formalités de la vie sociale de l’entreprise
670 modèles d'actes pour : préparer un contrat de travail, procéder à un licenciement, négocier une rupture conventionnelle, organiser l’élection d’un comité social et économique, négocier avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, mettre en place un dispositif d’épargne salariale, une charte sur le télétravail...
452,00 € HT/an
Formulaire social - Plus de 670 modèles pour toutes les formalités de la vie sociale de l’entreprise