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23 mai 2023
L'intégralité d'une prime d'arrivée subordonnée à l'absence de démission du salarié au cours d'une période donnée ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de travail si la prime est indépendante de la rémunération de l'activité du salarié.

Venue des Etats-unis (comme son pendant, le parachute doré ou « Golden parachute »), la prime d'arrivée ou de bienvenue (également dénommée « Golden hello ») est une indemnité versée à une personne pour l'inciter à rejoindre une entreprise, généralement en tant que dirigeant ou cadre supérieur. Elle peut également servir à attirer et fidéliser certains salariés de très haut niveau ou au profil bien particulier, comme, en l'espèce, les traders.

Très fréquemment, l'acquisition de l'intégralité de cette prime est subordonnée à une condition de présence dans l'entreprise après son versement pendant une durée déterminée fixée par le contrat de travail. En cas de démission du salarié durant cette période, la prime est acquise au prorata du temps passé par le salarié dans l'entreprise et le salarié est tenu de rembourser le solde à l'employeur.

Une telle clause de remboursement porte-t-elle atteinte à la liberté de travailler du salarié ? C'était la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt publié rendu le 11 mai dernier.

Le bénéfice intégral de la prime d'arrivée est subordonné à l'absence de démission pendant 3 ans

Dans cette affaire, un trader est engagé, à compter du 1er janvier 2016. Pour s'assurer sa collaboration dans la durée, son employeur lui octroie une prime d'arrivée d'un montant de 150 000 euros, versée dans les 30 jours de son entrée en fonction. Le contrat de travail du salarié subordonne l'acquisition de l'intégralité de cette prime à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant trois ans après son versement et prévoit le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue.

Le salarié démissionne le 16 mars 2017, soit un peu plus de 13 mois après sa prise de fonction. L'employeur saisit la justice pour obtenir le rempboursement partiel de la prime d'arrivée, soit un peu plus de 79 000 euros.

Les juges du fond ne font pas suite à cette demande. Pour eux, l'octroi définitif de la prime d'arrivée au salarié en janvier 2016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas à une date postérieure à son versement a pour effet de fixer un coût à la démission et porte donc atteinte à la liberté de travailler du salarié.

L'employeur se pourvoit alors en cassation.

En cas de démission durant cette période, son remboursement partiel est licite...

La Cour de cassation valide la clause de remboursement.

Après avoir rappelé qu'une atteinte aux droits et libertés des salariés doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (C. trav., art. L. 1121-1) et qu'un contrat de travail doit être exécuté de bonne foi (C. trav., art. L. 1221-1 ; C. civ., art. 1104 - anciennement 1134), la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d'appel et valide la clause de remboursement partiel.

Ainsi, une clause « dont l'objet est de fidéliser le salarié dont l'employeur souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l'acquisition de l'intégralité d'une prime d'arrivée, indépendante de la rémunération de l'activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l'entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n'aura pas passé dans l'entreprise avant l'échéance prévue ».

... sous réserve que la prime soit indépendante de la rémunération de l'activité du salarié

La Cour de cassation insiste bien sur le caractère indépendant de la rémunération de l'activité salariée de la prime. 

Cette précision est importante. 

En effet, si la prime était liée à la rémunération de l'activité du salarié, son versement ne peut être soumis à une condition de présence à une date postérieure à son versement, sans porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié (et donc à la liberté de travail) (Cass. soc., 18 avr. 2000, n° 97-44.235 ; Cass. soc., 3 avr. 2007, n° 05-45.110 ; Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-21.945 ; Cass. soc., 29 sept. 2021, n° 13-25.549 ; Cass. soc., 6 juill. 2022, n° 21-12.242).

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