Actualité
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26 avril 2022
Se prononçant à nouveau sur la nature du contrat liant un chauffeur VTC à une plateforme numérique, la Cour de cassation considère cette fois qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail en l’absence de caractérisation des éléments du lien de subordination.
Chauffeur VTC d’une plateforme numérique : pas de contrat de travail sans lien de subordination !
©Gettyimages

Aux termes de l'article L 8221-6 du Code du travail, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

En l’espèce, un chauffeur ayant signé avec une société un contrat de location longue durée d’un véhicule ainsi qu’un contrat d’adhésion à la plateforme numérique Le Cab de mise en relation avec une clientèle de chauffeurs VTC saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la requalification de sa relation contractuelle avec la société en un contrat de travail.

A noter :

On rappellera en effet que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle (Cass. soc. 17-4-1991 n° 88-40.121 P ; Cass. soc. 19-12-2000 n° 98-40.572 FS-PBRI ; Cass. soc. 9-5-2001 n° 98-46.158 FS-P).

Les juges du fond ne peuvent requalifier une relation contractuelle en un contrat de travail…

Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel retient que le chauffeur n’avait pas le libre choix de son véhicule, qu’il y avait interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme, que le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur. En outre, la société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, et elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires. Enfin, la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées prévu par le contrat d’adhésion.

… que si l’existence d’un lien de subordination est établie

La chambre sociale de la Cour de cassation ne partage pas l’analyse des juges du fond. Après avoir rappelé les dispositions de l’article L 8221-6 du Code du travail, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution (Cass. soc. 13-11-1996 n° 94-13.187 PBR), la Cour de cassation censure leur décision.

Pour elle, la cour d’appel a considéré qu’il existait un contrat de travail entre le chauffeur et la plateforme sans avoir établi l’existence d’un lien de subordination entre eux. Elle a rendu sa décision en se fondant sur des motifs insuffisants à caractériser l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société, sans avoir constaté que cette dernière avait adressé au chauffeur des directives sur les modalités d’exécution du travail, qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation.

Dès lors, la Cour de cassation ne pouvait que casser et annuler cette décision.

A noter :

L’arrêt de la cour d’appel n’avait, à première lecture, aucune raison d’encourir la censure, compte tenu du contrôle léger exercé par la Cour de cassation sur les éléments de fait susceptibles de caractériser le lien de subordination : les juges du fond avaient en effet relevé l’existence d’un pouvoir de contrôle et de sanction du chauffeur par la plateforme, et de l’intégration de celui-ci dans un service organisé par elle. La Haute Juridiction casse néanmoins l’arrêt des juges du fond et rappelle à cette occasion la nature du lien de subordination définissant le contrat de travail. La cour d’appel a certes relevé l’existence d’un contrôle de l’activité du chauffeur par le recours à sa géolocalisation, mais il ne s’agit pas là, comme la chambre sociale le souligne, d’un contrôle des directives délivrées en vue de l’exécution d’un travail. Elle a également relevé l’existence d’un pouvoir de sanction, à travers le système de notation, mais il ne s’agit pas, là non plus, du pouvoir de sanction inhérent au lien de subordination, c’est-à-dire la sanction du non-respect, par le salarié, du pouvoir de direction de l’employeur. En outre, ces circonstances, la géolocalisation et l’évaluation de la prestation conditionnant le maintien du contrat, sont communes à toutes les plateformes de mobilité et de livraison puisqu’elles en assurent tant le fonctionnement que l’efficacité. Enfin, les éléments relevés par la cour d’appel, s’agissant de l’exercice d’un travail dans un service organisé par la plateforme et selon des conditions déterminées unilatéralement par elle, ne relevaient que d’une dépendance économique ou du positionnement de la plateforme Le Cab sur un secteur haut de gamme (absence de libre choix du véhicule, détermination du prix des courses par la plateforme…) et n’étaient pas de nature, à eux seuls, à constituer un indice du lien de subordination juridique du chauffeur à l’égard de la plateforme.

On relèvera que la Cour de cassation a déjà jugé, dans une précédente affaire qui opposait un chauffeur VTC à la société Uber utilisant une plateforme numérique et une application afin de mettre en relation avec des clients, en vue d'un transport urbain, des chauffeurs VTC exerçant leur activité sous un statut d'indépendant, qu’il existait un contrat de travail entre les parties s'il était établi que la société avait adressé au chauffeur des directives, en avait contrôlé l'exécution et avait exercé un pouvoir de sanction. Toutefois, à la différence de la solution retenue dans l’arrêt du 13 avril 2022, elle avait reconnu l’existence d’un contrat de travail entre la plateforme et le chauffeur, considérant que les éléments du lien de subordination étaient caractérisés (Cass. soc. 4-3-2020 n° 19-13.316 FP-PBRI).

Documents et liens associés

Cass. soc. 13-4-2022 n° 20-14.870 FS-B, Sté Yang-Ting ès qual. c/ T.

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