On pourra dire que ce budget aura été attendu. Ficelé en deux semaines par le nouveau Gouvernement, en « un temps record » selon les propos mêmes du ministre de l'économie, Antoine Armand, il est amené à évoluer. « Le projet de loi de finances est évidemment perfectible et aux mains des parlementaires » dans le cadre d'un débat que le ministre de l'économie « espère sincère et constructif » . Le Gouvernement lui-même le complètera par le dépôt d'amendements. Il faut dire que le défi est de taille pour le Gouvernement Barnier : « la dette publique [est] colossale » , reconnait Antoine Armand. Et elle « n’est pas seulement une question financière mais aussi politique qui concerne tous les Français » , la France étant « le troisième pays le plus endetté de la zone euro ».
Des prélèvements exceptionnels sur les entreprises
L'effort demandé sera partagé par tous, insiste-t-on à Bercy. Par les entreprises d'abord qui ont été soutenues pendant les crises et au cours des 7dernières années, comme le rappelle Antoine Armand. Le projet de loi de finances prévoit ainsi un prélèvement exceptionnel temporaire en 2025 pour les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 1Md€. Le texte prévoit deux niveaux d'imposition :
- pour un chiffre d'affaires compris entre 1 et 3 Md€ : 20,6 % de l'impôt sur les sociétés (IS) dû au titre de 2024 ;
- pour un chiffre d'affaires supérieur à 3Md€ : 41,2 % de l'IS dû au titre de 2024.
Cette contribution exceptionnelle serait réduite de moitié en 2026 et prendra fin en 2027.
L'Etat participerait également à cet effort qui doit conduire à un redressement de 60 milliards d’euros, soit 2 points de PIB pour ramener le déficit à 5 % l’an prochain. Cet effort sur les dépenses publiques serait partagé entre les ministères à hauteur de 40Md€ (et 20Md€ porté par les contributions fiscales).
Sur les 2 200 suppressions de postes annoncées, environ 1 000 concerneront le ministère du travail dont 500 ETP chez France Travail. La politique de l'offre a porté ses fruits et le chômage a beaucoup baissé donc France Travail a besoin de moins de personnes pour les accompagner, explique le locataire de Bercy. Ce qui n'est pas sans poser question alors que les bénéficiaires du RSA seront tous inscrits à France Travail à compter du 1er janvier 2025. L'organisme bénéficierait toutefois d'une stabilisation de la subvention pour charge de service public à 1,35 Md€ et d'un accroissement de + 0,16 Md€ de la contribution de l'Unédic, précise le dossier de presse de Bercy.
Les primes à l'apprentissage révisées
Côté social, plusieurs mesures sont envisagées dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. A commencer par les aides à l'apprentissage. Ces dernières seraient « ajustées » sans toutefois « grever la dynamique », assure Laurent Saint-Martin, le ministre délégué au budget. Elles feraient l'objet d'adaptations par la voie réglementaire, pour des économies de l'ordre de 1,2Md€, estime la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Si aucune décision n'est encore arbitrée, la prime pourrait passer de 6 000 à 4 500 euros. Une enveloppe de 3,5 Md€ serait d'ores et déjà prévue à cet effet. Reste à savoir si le bénéfice de la prime tiendra compte du critère du niveau de qualification, de celui la taille de l'entreprise ou du critère de simplicité. Là encore, rien n'est décidé.
Le seuil d’exonération de cotisations sociales des apprentis passerait de 79 % à 50 % du Smic et ces derniers seraient assujettis à la CSG et à la CRDS dès lors que leur rémunération se situerait au-delà de 50 % du Smic. Pour éviter une perte de rémunération nette, notamment pour les salaires les plus bas, le ministère du travail assure que le barème de rémunération sera réévalué.
Les allègements de cotisations sociales rationalisés
Les allègements de cotisations sociales seraient révisés afin d'éviter l'effet « trappes à bas salaire ». L'objectif est d'inciter les employeurs à rehausser les salaires et d'aller vers une « désmicardisation », thème cher à l'ancien Premier ministre, Gabriel Attal. Cette révision se ferait en deux temps afin de permettre aux entreprises de s'adapter, indique la ministre du travail.
Les exonérations de cotisations patronales baisseraient ainsi au niveau du Smic, de 2 points en 2025 et de 2 points supplémentaires en 2026 jusqu'à 1,3 Smic. Elles seraient ensuite renforcées entre 1,3 et 1,8 Smic et baisseraient ensuite jusqu'à 3 Smic.
Avant la fusion des trois dispositifs de réduction de cotisations, des modifications seraient envisagées à compter de 2025 :
- le montant maximal d’exonération de la réduction générale serait diminué de 2 points ;
- la réduction du taux de cotisations patronales maladie viserait les salariés dont la rémunération ne dépasse pas 2,2 Smic, contre 2,5 actuellement ;
- la réduction du taux de cotisations patronales allocations familiales concernerait les salariés dont la rémunération ne dépasse pas 3,2 Smic, contre 3,5 actuellement.
Par ailleurs, la prime de partage de la valeur (PPV) serait prise en compte dans l'assiette de calcul de la réduction générale de cotisations sociales. Cette intégration s'appliquerait aux primes versées à compter du 10 octobre 2024, indique le dossier de presse de Bercy.
La suppression des emplois francs
Toujours dans un souci d'économies budgétaire, les emplois francs vont être supprimés faute d'avoir fait leurs preuves. L'évaluation par la Dares en 2023 avait mis en lumière des effets d'aubaine dans 80 % des cas, explique-t-on au ministère du travail. Ce dispositif avait été prolongé jusqu'au 31 décembre 2024. Il s'éteindra donc à cette date.
Une baisse du plafond des indemnités journalières de sécurité sociale
Le montant du plafond pour le calcul des indemnités journalières est actuellement de 1,8 Smic. Il serait abaissé à 1,4 Smic, par voie réglementaire. Toutefois, Astrid Panosyan-Bouvet n'entend pas se contenter de cette mesure technique et veut « mettre sur la table les conditions de travail, l'absentéisme... ».
L'incertitude sur les évolutions en matière de retraite
Le PLFSS pour 2025 ne contient actuellement aucune disposition sur les retraites. Et pour cause, la balle est pour l'heure dans le camp des partenaires sociaux à qui la ministre du travail vient d'adresser un courrier pour une réouverture de la négociation sur l'assurance chômage et l'emploi des seniors. Des mesures pourraient toutefois être introduites dans le PLFSS par la voie d'amendements.
Une certitude toutefois, comme précédemment annoncé, les pensions de retraite resteront indexées sur l’inflation mais avec un décalage de 6 mois (soit une revalorisation en juillet au lieu de janvier).
Retrouvez toute l'actualité sociale décryptée et commentée par la rédaction Lefebvre Dalloz dans votre Navis Social.
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Social à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Social pendant 10 jours.