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30 octobre 2023
L'avis d'inaptitude erroné, à défaut de contestation dans les 15 jours, ne remet pas en cause le licenciement pour inaptitude. S'il est contesté dans le délai requis, le juge saisi ne peut pas annuler l'avis initial rendu par le médecin du travail mais doit prendre une décision qui remplacera cet avis.

L'avis d'inaptitude ou d'aptitude émis par le médecin du travail peut faire l'objet d'une contestation devant le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond ( en la forme des référés entre le 12 mai 2017 et le 1 er janvier 2020) dans le délai de 15 jours  (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-45). 

Au cours de cette procédure de contestation de l'avis d'(in)aptitude, le juge prud'homal saisi  peut examiner les éléments  sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-42). 

Cette procédure de contestation soulève deux questions auxquelles répondent deux arrêts de la Cour de cassation rendus  le 25 octobre 2023 :

  • l'avis d'inaptitude erroné (erreur sur la dénomination du poste occupé par le salarié déclaré inapte en l'espèce) mais non contesté dans le délai de 15 jours peut il être contesté ultérieurement devant le conseil de prud'hommes saisi d'un litige portant sur la remise en cause du licenciement pour inaptitude ?
  • la juridiction prud’homale, saisie d’une contestation sur un avis d’inaptitude dans le délai requis de 15 jours, peut-elle prononcer son annulation et si oui, peut elle se limiter à cette annulation ? 

L'avis d'inaptitude erroné ne remet pas en cause le licenciement pour inaptitude, à défaut de contestation dans les 15 jours (Cass. soc., 25 oct. 2023, n° 22-12.833)

Les faits et les arguments des juges du fond

Un salarié,  occupant le poste de responsable d’activité préparation A340, a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 26 avril 2018. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 29 mai 2018, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour voir prononcer la nullité de son licenciement au motif que l'avis d'inaptitude est irrégulier car il fait référence à une dénomination de poste erroné. En effet, il a été déclaré inapte au poste de coordinateur. La déclaration d'inaptitude a donc été prononcée sur la base d'une étude d'un poste de travail erroné. 

Les juges lui font droit après avoir admis au préalable que le salarié pouvait constester la validité de l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une contestation du licenciement pour inaptitude en se fondant sur le non-respect de la procédure de constat d'inaptitude. Ils considèrent que la contestation de l'avis d'(in)aptitude selon la procédure spécifique prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 , tels qu'ils étaient rédigés au moment des faits, ne visaient que la contestation de l'avis portant sur des éléments de nature médicale et ne prévoyaient rien sur la contestation portant sur les éléments non médicaux. 

Ils considèrent ensuite que la procédure du constat d'inaptitude n'avait pas été respectée par le médecin du travail et que l'analyse du poste occupé était déterminante pour ce constat. Ils en déduisent que le licenciement prononcé en appui de cet avis d'inaptitude erroné est sans cause réelle et sérieuse et condamnent l'employeur à des dommages-intérêts et autres sommes découlant du prononcé du licenciement abusif.

La Cour de cassation n'est pas de cet avis.

L'avis d'inaptitude ne peut être constesté que dans les 15 jours

L'employeur forme un pourvoi au motif que le salarié n'avait pas contesté l'avis d'inaptitude dans le délai de 15 jours selon la procédure prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail.

La Cour de cassation va dans son sens. Elle rappelle que l'avis émis par le médecin du travail peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes selon la procédure prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, précise bien la Cour de cassation, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement.

Elle en déduit  que  « le salarié ne pouvait contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail » .  

Passé le délai de 15 jours à compter du constat d'inaptitude, un salarié ne peut pas contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail

La contestation de l'avis peut aussi porter sur des éléments non médicaux

La Cour de cassation écarte l'argument de la cour d'appel selon lequel la procédure de contestation prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 ne vise pas la contestation des éléments non médicaux du constat d'inaptitude rendu par le médecin du travail. 

Elle considère ainsi que la seule voie possible en cas de contestation sur le non-respect par le médecin du travail des procédures et diligences prescrites par l'article R. 4624-42 du code du travail, c'est de contester l'avis dans les 15 jours devant le conseil des prud'hommes.  Plus précisemment, dès lors que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail mentionne les voies et délais de recours et n'a fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours, la régularité de l'avis ne peut plus être contestée et cet avis s'impose aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste. 

C 'est ce qu'avait déjà tranché la Cour de cassation dans un arrêt du 7 décembre 2022 (Cass. soc., 7 déc. 2022, n° 21-23.662).

L'avis d'inaptitude erroné, contesté dans les 15 jours, ne peut pas être annulé mais est remplacé  par la décision du juge  (Cass. soc., 25 oct. 2023, n°22-18.303)

Les faits et la décision des juges du fond

Une salariée déclarée inapte conteste, dans le délai requis, l'avis rendu par le médecin du travail au motif que cet avis comportait une erreur sur la dénomination du poste occupé : il était fait référence au poste de gommeuse alors qu'elle occupait un poste de responsable hygiène des locaux et coordinatrice. Plus précisemment l'avis du médecin du travail déclarait la salariée inapte au poste de « 562- GOMMEUSE » et précisait  que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Remarque

la procédure de constat de l'inaptitude par le médecin du travail est encadrée par l'article R. 4624-42 du code du travail. Il doit notamment réaliser une étude de poste.

La cour d'appel lui fait droit et annule l'avis d'inaptitude contesté : «compte tenu de la référence erronée au poste occupé portée par le médecin du travail sur son avis d'inaptitude et de l'absence d'élément pertinent dans la réponse qu'il apporte aux interrogations de la salariée en éludant toute référence à la nature de l'emploi occupé ayant fait l'objet de l'étude de poste, il y a lieu d'annuler l'avis d'inaptitude litigieux manifestement irrégulier». 

L'employeur forme un pourvoi.

La position de la Cour de cassation  

La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel pour avoir méconnu  l'étendue de ses pouvoirs. Elle considère que les juges du fond ne peuvent pas annuler l'avis du médecin du travail. Ils doivent substituer à cet avis leur propre décision après avoir, le cas échéant, confié toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence.

L'affaire est tranmise à une cour d'appel de renvoi qui devra alors prendre une décision sur l'aptitude ou non du salarié à occuper son poste . 

Les conséquences

Le recours en contestation de l'avis d'(in)aptitude ne constitue pas un recours en annulation de l'avis du médecin du travail mais porte sur le sens de cet avis qui doit conduire à une décision sur l'aptitude ou l'inaptitude confirmant ou non l'avis initial.  Les juges saisis de la contestation restent libres d'apprécier l'opportunité ou non de désigner un expert et de tirer les conséquences d'une irrégularité des conditions dans lesquelles l'avis a été rendu (telle  que l'erreur sur la dénomination du poste occupé qui sous entend l'absence d'étude de poste). 

En ce sens, les juges du fond peuvent estimer que la réalisation d'une étude de poste et des conditions de travail n'aurait pas eu d'influence sur le sens de l'avis émis par le médecin du travail et que l'absence de cette étape de la procédure ne remet pas en cause le sens de cet l'avis (Cass. soc., 7 déc. 2022, n° 21-17.927). 

Ils peuvent aussi rejeter la contestation de l'avis d'inaptitude fondée sur l'erreur sur la dénomination du poste occupé par le salarié en considérant que cette erreur ne remet pas en cause le constat d'inaptitude après avoir relevé que le médecin s'était rendu dans l'entreprise, avait réalisé une étude de poste en vérifiant concrètement les conditions d'exercice des fonctions et échangé avec l'employeur. (Cass. soc., 16 juin 2021, n°20-10.386). 

Remarque

à titre de rappel, la saisine du conseil des prud’hommes ne suspend pas le caractère exécutoire et impératif de l’avis initial du médecin du travail (© C. trav., art. L. 4624-6). S'il s'agit d'un avis d'inaptitude, la procédure pour inaptitude est déclenchée et doit se poursuivre malgré la saisine du conseil de prud'hommes . Il faudra attendre le jugement pour, le cas échéant, régulariser la situation. 

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Nathalie LEBRETON
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