Un entretien préalable en forme de guet-apens
Dans cette affaire, le salarié avait adressé le 20 juillet 2017 un courrier recommandé à son employeur dans lequel il dénonçait des agissements de harcèlement moral. Le 25 juillet son employeur lui a répondu en évoquant une prétendue sollicitation de sa part en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle, alors que le courrier du salarié n'y faisait nullement référence. Puis il l’a convoqué oralement le 28 juillet à un entretien devant se dérouler dès le 31 juillet. Cet entretien allait se révéler être une rencontre en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle.
Lors de cet entretien, les parties ont convenu de la rupture du contrat de travail et ont signé une convention Cerfa de rupture conventionnelle antidatée au 13 juillet. Cette convention mentionnait une date de premier entretien le 13 juillet et un délai de rétractation expirant le 31 juillet suivant. Le salarié expliquait avoir signé les documents qui lui étaient présentés sans réellement en saisir les conséquences.
La fausse date faisait obstacle au droit de rétractation
Compte tenu des pièces versées au débat, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle adressé à la Direccte (devenue Dreets) portait une fausse date et n'avait ainsi pas permis au salarié d'exercer son droit à rétractation dont le délai était expiré au jour où la rupture conventionnelle a été convenue. C’est dans ces conditions qu’elle a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle fondée sur le vice du consentement du salarié résultant de l’impossibilité d’exercer son droit de rétractation.
A noter :
La nullité de la rupture conventionnelle produit en principe les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16-9-2015 n° 14-13.830 FS-PB ; Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-15.273 FS-PB). Toutefois, ayant retenu en l'espèce que le salarié avait été victime de harcèlement, les juges font produire à la rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement nul (voir déjà en ce sens Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-24.296 F-D).
Le délai de rétractation constitue en effet une garantie de l'intégrité du consentement des parties à la rupture. C'est pourquoi la Cour de cassation juge que la convention de rupture est nulle si sa date de signature, non mentionnée, est incertaine et ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation (Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-23.586 FS-D) ou si, à la date de sa signature, le délai de rétractation était déjà expiré (Cass. soc. 19-10-2017 n° 15-27.708 F-D).
A noter :
En revanche, une simple erreur de calcul du délai de rétractation dans la convention de rupture ne justifie son annulation que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit de rétractation (Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-24.539 FS-PB).
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