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12 mars 2024
L'accord collectif portant reconnaissance d'une UES ne constitue ni un accord interentreprises permettant la mise en place d'un CSE interentreprises spécifique, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises. Ainsi, toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans les entités qui composent l'UES doivent être conviées à la négociation.

L'unité économique et sociale (UES) est le nom que l'on donne à plusieurs sociétés juridiquement distinctes mais présentant des liens étroits et considérées comme une seule entreprise pour l'application du droit du travail et plus particulièrement de la législation sur la représentation du personnel. L'article L. 2313-8 du code du travail prévoit que si une UES regroupant au moins 11 salariés est reconnue par convention ou décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un CSE commun est obligatoire.

Reconnue par la jurisprudence depuis 1970, l'UES est entrée dans le code du travail en 1982. 

Par la suite, le législateur a créé le CSE interentreprises, instance conventionnelle entre des entreprises juridiquement distinctes sur un même site ou une même zone qui partagent des problèmes communs (C. trav., art. L. 2313-9). Créés par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, ces CSE interentreprises remplacent les anciens « délégués de sites ». Tout est prévu dans l'accord de mise en place. Et cet accord, doit être un accord interentreprises. Ce niveau de négociation a été créé, pour sa part, par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (loi Travail), et l'article L. 2232-36 du code du travail le définit comme un accord négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises n'appartenant pas au même groupe, entre d'une part, les employeurs, et d'autre part, les organisations syndicales représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées.

Dans ce maelstrom de règles, comment se définit donc la nature de l'accord de reconnaissance d'une UES ? Quels syndicats doivent être convoqués à la négociation ?

C'est à ces questions que répond la Cour de cassation dans cette décision du 6 mars 2024, laquelle sera publiée au Rapport.

Négociations sur l'extension du périmètre de l'UES

Dans cette affaire, la société Capgemini forme une UES avec plusieurs de ses filiales depuis 1984. Le périmètre de cette UES a été modifié à plusieurs reprises, et suite à l'acquisition du groupe Altran, Capgemini a engagé en 2020 une négociation portant sur l'éventuelle extension du périmètre de l'UES Capgemini aux sociétés du groupe Altran.

Dans ce contexte, un syndicat se plaint de n'avoir pas été convié à la négociation. Il estime qu'en tant que syndicat représentatif dans une des entités composant l'UES il aurait dû l'être. Et la cour d'appel lui donne tort. Elle explique que l'accord a la nature d'un accord interentreprises, et que le syndicat demandeur n'est pas représentatif dans le périmètre de l'UES existante.

Remarque

la représentativité des organisations syndicales dans le périmètre d'un accord interentreprises est appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l'ouverture de la première réunion de négociation (C. trav., art. L. 2232-37). La représentativité dans une des entreprises composant l'UES n'est donc pas suffisante, elle doit être atteinte au niveau consolidé de toutes les entreprises concernées. Ainsi, pourront s'asseoir à la table des négociations, les syndicats disposant de 10 % des suffrages à ce niveau, et pour que l'accord soit valide, c'est encore au niveau consolidé des entreprises concernées que les 50 % (ou 30%) seront appréciés. Rien n'est expressément prévu concernant la révision de ces accords, mais cela devrait se passer de la même façon.

Nature de l'accord de reconnaissance d'une UES 

Ce n'est pas un accord interentreprises...

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord avec la cour d'appel.

Elle commence par rappeler les dispositions de l'article L. 2313-8 du code du travail relatif à la mise en place du CSE au niveau d'une UES, puis celles de l'article L. 2313-9 concernant la mise en place du CSE interentreprises.

Elle en déduit, qu'il « résulte de ces deux dispositions que l'accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l'article L. 2313-9 du code du travail, d'un comité social et économique spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone et dont les attributions seront définies par l'accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail ».

La Cour a donc tranché : l'accord de reconnaissance (ou de révision du périmètre ou modification conventionnelle) de l'UES n'est pas un accord interentreprises, et le CSE mis en place au niveau d'une UES, n'est pas un CSE interentreprises. Les règles spécifiques de représentativité ne s'appliquent donc pas.

... mais un accord collectif signé aux conditions de droit commun

Puis la Cour de cassation rappelle sa propre jurisprudence, laquelle précise « qu'une unité économique et sociale ne pouvant être reconnue qu'entre des entités juridiques distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leur personnel, toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans ces entités doivent être invitées à la négociation portant sur la reconnaissance entre elles d'une unité économique et sociale (Soc., 10 novembre 2010, pourvoi n° 09-60.451, Bull. 2010, V, n° 256) ». 

En outre, « la reconnaissance ou la modification conventionnelle d'une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d'accord préélectoral mais de l'accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette unité économique et sociale (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 13-12.712, Bull. 2013, V, n° 266, publié au Rapport annuel) ».

En conséquence, conclut la Cour, le syndicat représentatif dans une des entités appelées à composer l'UES doit bien être invité à la négociation de l'accord portant révision de l'UES.

Il n'a pas à franchir le seuil de 10 % des suffrages exprimés à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées par l'accord envisagé, les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du code du travail relatifs aux accords interentreprises ne sont en effet pas applicables.

Remarque

cette décision concerne l'accord de reconnaissance d'une UES. Il nous semble toutefois que l'accord interentreprises peut être utilisé afin de conclure des accords collectifs au sein d'une UES constituée. L'audience déterminant la représentativité et le poids des syndicats sera alors déterminée par l'élection du CSE au niveau de l'UES. En effet, avant la loi Travail de 2016, il n'existait aucune possibilité de négocier à ce niveau. Il avait cependant été jugé que l'accord de reconnaissance de l'UES pouvait étendre ses effets au-delà des institutions représentatives du personnel et créer des obligations pour les différentes entités juridiques la composant, mais que cet accord ne pouvait pas faire de cette UES l'employeur des salariés. En effet, l'UES ne se substitue pas aux entités juridiques qui la composent : elle n'a pas la personnalité morale (Cass. soc., 16 déc. 2008, n° 07-43.875). Toutefois, une décision de la Cour de cassation du 13 mars 2024 semble prendre la direction de l'accord d'entreprise pour les accords conclus au sein d'une UES constituée (v. notre article), il faut donc attendre de nouvelles décisions de la Cour de cassation pour trancher cette question.

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