Lorsqu'une infraction routière (excès de vitesse, notamment) constatée par un radar automatique a été commise par un véhicule immatriculé au nom d’une société ou détenu par celle-ci, le représentant légal de cette société doit (sauf cas d’exonération) transmettre, auprès des autorités compétentes, l’identité et l’adresse du conducteur du véhicule dans un délai de 45 jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, sous peine d’amende (C. route, art. L. 121-6).
Une société et son gérant sont déclarés coupables d’avoir commis, le 12 octobre 2018, l’infraction de non-désignation du conducteur. Ils demandent la relaxe en contestant la date d'envoi de l’avis de la contravention initiale retenue comme point de départ du délai de désignation de 45 jours (date fixée au 30 juillet 2018) pour les motifs suivants :
- le procès-verbal de constatation de l'infraction de non-désignation ne mentionne pas la date de l'envoi ou de la remise de la contravention initiale, n'indiquant pour seule date que celle de l'établissement de l'avis de contravention ;
- « la cour d'appel, en se fondant sur un tableau au dossier, non daté, non signé, non probant pour indiquer que l'avis a bien été envoyé le 30 juillet 2018, a dénaturé les faits rapportés par le procès-verbal alors même qu'il est indiqué que le « procès-verbal » (…) vaut jusqu'à preuve contraire. »
Cependant, la Cour de cassation considère qu’en l'absence de mention sur le procès-verbal de la date d'envoi de l'avis de la contravention initiale, les juges ont valablement pu retenir, comme point de départ du délai de 45 jours, la date d’envoi de cet avis mentionnée sur un document, versé par le ministère public aux débats, intitulé « information sur l'infraction initiale ». Il appartenait en effet aux juges « d’apprécier souverainement la portée » de ce document « généré automatiquement à titre de fiche de renseignement dans le cadre du traitement des infractions relevant de l'article L. 130-9 du code de la route ».
On sait que si l’administration constate la commission de l’infraction de non-désignation du conducteur avant l’expiration du délai de 45 jours dont dispose la représentant légal pour effectuer cette désignation, la relaxe doit être prononcée (Cass. crim., 9 nov. 2021, n° 20-85.020, FS B ; Cass. crim., 10 janv. 2023, n° 22-81.476). La date d’envoi de l’avis de la contravention initiale, qui constitue le point départ du délai de 45 jours, est présumée correspondre à la date d’émission de cet avis figurant dans le procès-verbal constatant l’infraction de non-désignation du conducteur (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-83.179 ; Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-83.180 ; Cass. crim. avis, 16 juin 2020, n° 20-96.003). Cependant, les énonciations de ce procès-verbal ne font foi que jusqu’à preuve du contraire (C. proc. pén., art. 537) et il demeure loisible aux intéressés de contester en justice la date d’envoi, ou l’envoi lui-même, de l’avis de la contravention initiale. Dans ce cas, les juges sont tenus d’ordonner des investigations complémentaires aux fins de vérifier la date de réception, et donc d'envoi, de l'avis initial de contravention routière ou, le cas échéant, celle à laquelle l'amende correspondant à l'infraction initiale a été payée ; à défaut de mesure d’instruction complémentaire, la relaxe est exclue (Cass. crim., 10 mars 2020, n° 19-83.222 ; Cass. crim., 13 avr. 2021, n° 20-85.795 ; Cass. crim., 8 juin 2021, n° 20-85.792). Il ressort du présent arrêt que, dans le cadre de ces investigations, le ministère public peut valablement établir la date d’envoi de l’avis de la contravention initiale en se référant à celle mentionnée comme telle sur un document de l’administration intitulé « information sur l'infraction initiale ». Pour peu que ce document soit systématiquement produit et conservé, il devrait à l'avenir déterminer le sort des contestations mettant en cause le respect par l'administration du délai de désignation de 45 jours.