L'associé d'une société apporte l'intégralité de ses parts sociales à une société tierce dont il devient salarié. En contrepartie, il reçoit des bons de souscription d'actions émis par cette dernière. L'acte de cession précise que ces bons seront caducs en cas de licenciement de l'apporteur pour faute grave, intervenant dans les 5 ans de l'apport.
Ce licenciement étant intervenu dans ce délai, l'apporteur demande le prononcé de la nullité de l'apport pour absence de contrepartie.
Les juges du fond prononcent cette nullité au motif que le prix de cession des parts est indéterminable et donc inexistant. Ils font valoir que le licenciement pour faute grave de l'apporteur prive la cession de toute contrepartie et que la qualification de faute grave relève de la seule volonté du bénéficiaire de l'apport en sa qualité d’employeur, peu important que cette qualification puisse être contestée devant le conseil des prud’hommes.
Leur arrêt est cassé : certes, le prix de cession doit être déterminé et désigné par les parties (C. civ., art. 1591). Toutefois, ces dispositions n'imposent pas que l'acte porte lui-même l'indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable. Tel est le cas lorsqu'il est lié à la survenance d'un évènement futur ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties, ni d'accords ultérieurs entre elles. Or, le licenciement pour faute grave du cédant dépendait, non de la seule volonté de la société cessionnaire, mais de circonstances objectives susceptibles d'être judiciairement contrôlées. Le prix étant ainsi déterminable, l'acte de cession est valable.
Remarque
on notera avec intérêt qu’en l’espèce la rémunération prévue en contrepartie d’un apport à une société a été soumise aux exigences fixées par les dispositions de l’article 1591 du code civil relatives au droit de la vente, et plus précisément à la détermination du prix. La solution vaut a fortiori en cas de cession de droits sociaux.