Les demandes d’expertise de gestion portant sur des conventions entre deux sociétés ayant les mêmes dirigeants et/ou des associés communs sont fréquentes lorsqu’un climat conflictuel s’installe. La décision illustre qu’elles ont toutes les chances d’aboutir lorsque la procédure des conventions réglementées n’a pas été respectée.
Le conflit a pris naissance ici entre deux époux associés. En sa qualité de gérante de la SARL, madame donne le fonds de commerce en location-gérance à une autre société, qu’elle dirige également. Son époux l’assigne en référé ainsi que la SARL pour voir ordonner une expertise de gestion. Mais sa demande est rejetée : si la convention litigieuse est certes irrégulière en ce qu’elle n’a pas été soumise à l’approbation des associés requise en application du régime des conventions réglementées, rien n’indique qu’elle a été préjudiciable à la société.
La Cour de cassation casse l’arrêt : en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'opération de mise en location-gérance était irrégulière, la cour d'appel, qui n'avait pas à se faire juge de cette opération, alors qu'était demandé la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport relatif à celle-ci, a violé l’article L. 223-37 alinéa 1er du code de commerce.
Ce faisant, elle réaffirme une solution constante selon laquelle la juridiction saisie d’une demande d’expertise de gestion est tenue de l’ordonner dès lors qu’elle relève des présomptions d’irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées (Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-17.040, P ; Cass. com., 27 janv. 2009, n° 07-16.771). En l’espèce, l’irrégularité provenait du fait que la convention de location-gérance n’avait pas été soumise à l’approbation de l’assemblée requise en application de l’article L. 223-19 du code de commerce. Rappelons, qu’à l’opposé, le respect de la procédure des conventions réglementées n’est pas de nature à exclure une mesure d’expertise (Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-15.313, P+B).
La solution vaut pour toutes les formes sociales qui imposent le respect d’une procédure en matière de conventions règlementées, notamment les SARL (C. com., art. L. 223-19), comme en l’espèce, mais aussi les SA (C. com., L. 225-38 et L. 225-86), les SAS (C. com., L. 227-10) et les sociétés civiles ayant une activité économique (C. civ., art. L. 612-5).