La Cour de cassation, dans une décision rendue le 13 décembre 2023, répond à cette question.
Les éléments factuels étaient les suivants : une société prend en location-gérance un fonds de commerce pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction. Après l’acquisition de ce fonds, elle est mise en demeure puis assignée au paiement d’une somme au titre du stock impayé et des arriérés de loyers relatifs au contrat de location-gérance.
Dans un arrêt rendu le 23 juin 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence condamne la société cessionnaire à ce paiement.
Elle se pourvoit en cassation en considérant, sur le fondement de l’article 1103 du code civil, que la cour d’appel n’a pas recherché la commune intention des parties, l’acte d’acquisition du fonds de commerce stipulant : « la présente convention constitue dès lors l'entier et unique accord entre les parties relativement à l'objet des présentes et annule et remplace toute convention antérieure » ;
La société cessionnaire soutient que l’intention des parties était de solder l’ensemble de leurs relations. En effet :
- l’acte d’acquisition du fonds de commerce ne faisait mention d’aucun arriéré au titre du contrat de location-gérance, et le prix de cession avait été volontairement surévalué pour prendre en compte le solde de loyers dû au titre du contrat de location-gérance.
- aucune mise en demeure préalable ou sommation de payer n’avait été délivrée avant la conclusion de l’acte d’acquisition du fonds de commerce.
La décision de la cour d’appel est infirmée.
Selon la Haute juridiction, la cour d’appel ne pouvait pas considérer que l’acte d’acquisition du fonds de commerce n'a pas mis fin aux effets juridiques de la location-gérance nés antérieurement à l’acte d’acquisition du fonds de commerce.
Elle devait rechercher, comme il lui était demandé :
- s'il ne résultait pas du rapprochement de la stipulation ci-dessus précisée, de l'absence de mention d’un arriéré, et de l’absence de mise en demeure ou sommation de payer que la clause était ambiguë,
- et si cette stipulation ne pouvait signifier que les parties s'étaient mises d'accord pour qu'aucune réclamation ne soit formée au titre du contrat de location-gérance après conclusion de l’acte d’acquisition.
L’arrêt d’appel, faute de base légale, est donc cassé.
Observations : cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante (voir par exemple Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, n° 02-11.142 n° 899 FS-PB), rendue au visa de l’article 1103 du code civil (ancien article 1134 du code civil) :
« La force obligatoire du contrat est la force attachée par la loi aux conventions légalement formées, en vertu de laquelle ce que les parties ont voulu dans la convention s'impose à elles, dans les conditions où elles l'ont voulu. »
En vertu du principe de la force obligatoire, seul l'accord des parties permet de modifier leur convention. Les parties sont liées jusqu'à complète exécution. Elles ne peuvent pas revenir sur leur engagement.
Ainsi, le juge ne saurait réécrire les stipulations contractuelles qui lui sont soumises, sauf à s’exposer à la sanction de la Haute juridiction. Sa mission consiste exclusivement à vérifier les conditions de validité de la convention ainsi que sa bonne exécution.
En l’espèce, la cour d’appel a « outrepassé » son rôle en condamnant la société cessionnaire au paiement.
Elle a ignoré la Loi des parties selon laquelle : « la présente convention constitue dès lors l'entier et unique accord entre les parties relativement à l'objet des présentes et annule et remplace toute convention antérieure ».
Il convient, lors de la rédaction de l’acte d’acquisition du fonds de commerce, d’organiser les effets du contrat de location-gérance préalablement consentie.