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10 mars 2022
Une contestation portant sur le résultat des élections est recevable lorsqu’elle est introduite dans les 15 jours suivant la proclamation nominative des élus au CSE, même si elle est la conséquence d’une contestation préexistante portant sur le périmètre dans lequel les élections ont eu lieu.
Le point de départ du délai pour contester l’élection est sans exception la proclamation des résultats
©Gettyimages

Selon une jurisprudence constante, le délai de 15 jours prescrit à peine de forclusion par l’article R 2314-24 du Code du travail pour contester les résultats des élections (Cass. crim. 22-10-1991 n° 89-85.768 P : RJS 2/92 n° 174 ; Cass. soc. 26-1-2000 n° 98-60.534 D) ne court qu’à compter :

  • de leur proclamation par le bureau de vote, c’est-à-dire de la proclamation nominative des élus du comité social et économique (CSE) et du nombre de voix obtenues par chacun (notamment, Cass. soc. 26-5-1977 n° 77-60.001 P ; Cass. soc. 26-2-2003 n° 01-60.752 F-D ; Cass. soc. 26-3-2014 n° 13-20.674 F-D). Cette proclamation peut intervenir à l’issue du premier (Cass. soc. 18-2-1988 n° 87-60.093 D) ou du second tour (Cass. Soc. 7-5-2002 n° 00-60.229 FS-P) ;
  • ou, le cas échéant, de la publication du procès-verbal de carence (Cass. soc. 31-1-2012 n° 11-60.139 FS-PB). 

A noter :

Plus précisément, l’application des règles de computation des délais fixées par le Code de procédure civile conduit à faire courir le délai de contestation à compter du lendemain de la proclamation des résultats (Cass. soc. 10-3-2016 n° 15-20.937 F-D) ou de la publication du procès-verbal de carence établi, le cas échéant.

Même lorsqu’un second tour a été organisé, des contestations peuvent s’élever à l’égard des résultats du premier tour. Ainsi, lorsqu’un requérant conteste l’élection d’un candidat proclamé élu dès le premier tour au motif que le quorum n’a pas été atteint, il doit agir dans les 15 jours de ce premier scrutin et non pas attendre le second tour (Cass. soc. 18-2-1988 n° 87-60.093 D). De même, la contestation des résultats du premier tour, en ce qu'ils permettent de déterminer le nombre de suffrages recueillis par les syndicats et donc leur représentativité, n'est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivants ce premier tour, même si un second tour a eu lieu (Cass. soc. 26-5-2010 n° 09-60.453 F-PB).

Dans un arrêt du 19 janvier 2022 destiné à être publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, la Haute Juridiction indique ne pas remettre en cause sa jurisprudence, même lorsque la contestation portant sur le résultat des élections s’appuie sur un motif antérieur à la proclamation des résultats, en l’occurrence sur une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu.

Une remise en cause du périmètre des élections dès le premier tour…

En l’espèce, dans la perspective de l’organisation des élections professionnelles pour la mise en place du CSE et après échec des négociations avec les organisations syndicales sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, l’employeur fixe ce nombre à 3. Sa décision unilatérale est approuvée par l’administration mais pas par le tribunal d’instance qui, par un jugement du 2 août 2019, fixe à 12 le nombre d’établissements distincts. L’employeur se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Le 25 septembre 2019, un protocole préélectoral est signé. Le quorum n’ayant pas été atteint lors du premier tour, et aucun candidat n’ayant été élu à ce stade, un second tour est organisé, à l’issue duquel des candidats sont finalement élus.

Le 23 décembre 2019, l’employeur saisit le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections ayant eu lieu au sein de l’un de ses établissements au motif que ces élections ont été organisées dans le cadre d’un établissement distinct dont il conteste l’existence dans le cadre d’une instance judiciaire en cours. En parallèle, il demande un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation sur cette question.

Pour ce faire, il dépose sa requête introductive d’instance dans le délai de 15 jours suivant la proclamation des résultats du second tour, conformément à la jurisprudence classique de la Cour de cassation rendue en la matière.

Mais sa requête est déclarée irrecevable par le tribunal judiciaire qui lui reproche de ne pas l’avoir remise ou adressée dans les 15 jours suivant le premier tour des élections.

Aux termes d’un jugement rendu le 1er juillet 2020, le tribunal judiciaire considère en effet que l’employeur aurait dû, à peine de forclusion, déposer sa requête introductive ou l’adresser au greffe dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats du premier tour, c’est-à-dire au plus tard le 6 décembre 2019, dès lors que le motif d’annulation sur lequel il se fonde, à savoir la remise en cause du périmètre dans lequel les élections ont été organisées, existait dès le premier tour.

Considérant au contraire que sa requête était parfaitement recevable, car faite dans les 15 jours suivant la proclamation nominative des élus, l’employeur forme un second pourvoi. Pour lui, en effet, même si le moyen avancé à l’appui de sa contestation existait dès le premier tour, il n’y avait pas lieu d’en déduire que le point de départ délai de contestation traditionnellement retenu par la jurisprudence devait être avancé pour autant.

Dans un premier arrêt, la Haute Juridiction casse sans renvoi le jugement du 2 août 2019 ayant fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts. Elle considère que le juge d’instance n’était pas compétent pour statuer sur cette question et se substituer à la décision administrative puisqu’il était saisi par des parties dépourvues de la personnalité juridique et donc du droit d’agir, en l’occurrence des sections syndicales (Cass. Soc. 3-3-2021 n° 19-21.086 F-P).

Puis, dans un second arrêt du 19 janvier 2022, elle prononce la cassation sans renvoi du jugement du 1er juillet 2020, considérant que la requête de l’employeur était non seulement recevable mais aussi bien fondée.

… n’a pas pour effet d’avancer le point de départ du délai pour contester leur résultat

Pour déclarer la requête de l’employeur recevable, la Cour de cassation reprend à son actif le moyen avancé à l’appui du pourvoi. Elle juge ainsi au visa de l’article R 2314-24 du Code du travail que le point de départ du délai de 15 jours se situe à la date de la proclamation des résultats, de sorte qu’il ne peut donc pas être avancé à une date antérieure.

Elle en conclut que la contestation de l’employeur portant sur les résultats des élections est recevable dès lors qu’elle a été faite dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats des élections, en l’occurrence suivant le second tour des élections, et ce, même lorsqu’elle est la conséquence d’une contestation du périmètre des élections, dont elle relève qu’il n’est pas un élément spécifique au premier tour.

Elle casse donc le jugement du tribunal qui avait retenu comme point de départ du délai de 15 jours le premier tour des élections.

A noter :

Ce faisant, la Cour de cassation reste fidèle à sa jurisprudence traditionnelle qui fixe le point de départ du délai de contestation du résultat des élections à la proclamation des résultats. Elle confirme aussi que le délai de forclusion ne s’applique qu’à la demande d’annulation des élections, indépendamment des moyens invoqués qui peuvent, comme en l’espèce, s’appuyer sur une contestation antérieure à la proclamation des résultats ou, comme elle l’a jugé en 2006, être invoqués postérieurement à l’audience, soit bien après l’expiration du délai (Cass. soc. 12-7-2006 n° 05-60.353 F-PB).

Sur le fond et en application de son arrêt du 3 mars 2021, elle valide la décision unilatérale de l’employeur sur le nombre d’établissements distincts et constatant que les élections avaient eu lieu sur un périmètre différent, elle décide de les annuler.

Documents et liens associés

Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-17.286 F-B, Sté CGI France c/ Syndicat Fieci CFE-CGC

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