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10 octobre 2024
L'accélération des catastrophes naturelles, autant que leur ampleur, est une source de préoccupation croissante. Directement liées au dérèglement climatique, leurs conséquences, notamment assurantielles, doivent être prises en compte lors des transactions immobilières et projets d'aménagement. C'est ce qui a été rappelé lors du 120e congrès des notaires le 26 octobre dernier.

Article issu du Code permanent Environnement et nuisances

Le 120ème congrès des notaires de France s’est déroulé à Bordeaux du 25 au 27 septembre 2024 sur le vaste sujet de l’urbanisme durable et de l’accompagnement des projets face aux défis environnementaux avec la participation de l’ADEME, de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP), de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) et du CEREMA. La 1ère commission « Anticiper » a eu pour objectif d’expliquer les conséquences, pour la société et particulièrement pour le notariat, du changement climatique, ainsi que l’articulation entre le droit de l’environnement et le droit de l’urbanisme. Il est dès le début rappelé le triste constat de la hausse des catastrophes naturelles en fréquence et en intensité, car les intempéries sont plus violentes dans un climat qui se réchauffe. La raison est claire : plus un flux d’air est chaud plus il va contenir de la vapeur d’eau, et cela de manière exponentielle. Par exemple, une masse d’air à 60°C peut contenir jusqu’à 10 fois plus d’eau qu’une masse d’air à 20°C. Quand la masse d’air chaud se refroidit c’est d’autant plus de vapeur d’eau qui se condense, ce qui provoque des précipitations aux airs de tempêtes tropicales. Exemple récent de ce phénomène il y a quelques jours avec la tempête Boris qui s’est abattue sur l’Europe centrale. S’il ne s’agit pas de demander aux notaires d’être climatologues, il est impératif qu’ils s’intéressent aux conséquences des catastrophes naturelles. Leur récurrence a des conséquences, notamment sur le régime de l’assurance pour le secteur de la construction, du logement, et plus largement pour les projets d’aménagements urbains. Et le risque climatique augmente le nombre de biens impossibles à assurer ou alors à des coûts prohibitifs. Point sur ce sujet plus que jamais d’actualité.

Exemple de risque assurantiel avec le RGA

Sur ce point soulignons l’intervention de François Lanavère, directeur de partenariat chez Axa Climate, filiale d’une compagnie d’assurance. Il rappelle qu’aujourd’hui la trajectoire la plus probable est un réchauffement d’environ 2°C en 2050. Quels sont les risques assurantiels ? Selon lui, dans le RGA (retrait gonflement des argiles), il y a quelque chose d’assez tangible qui permet de bien comprendre pourquoi 1°C change beaucoup la donne. En 2050 on estime qu’il y aura +59 % de sinistres sur le RGA dans un environnement à + 2°C. On passerait à + 190 % si on passe à = 2,5°C. On voit bien qu’un petit demi-degré de plus d’ici 2050 fera très fortement augmenter la sinistralité RGA de + 131 % ! Ce RGA de 190 % sera-t-il encore assurable en 2050 ? Cela semble compliqué, or ce qui n’est pas assurable n’est pas viable. Tout le secteur de la construction est donc impacté par ce dérèglement climatique. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) prévoit une hausse des prix des primes d’assurance de 130 à 200 % d’ici 2050. On le sait : au 1er janvier nos primes d’assurance vont automatiquement augmenter afin de renflouer le système catastrophe naturelle, on a fait passer la surprime catastrophe naturelle de 12 à 20 %. Chaque contrat d’assurance sera donc prélevé davantage pour financer ce régime.

Les acteurs publics du secteur ont-ils conscience de ces risques et les ont-ils intégrés en pratique ?

Il se trouve que l’Etat tarde à sortir la troisième version de son plan national d’adaptation au changement climatique, alors que les deux premiers plans n’ont pas eu beaucoup d’impacts. Le Conseil national de la transition écologique a toutefois défini en mai 2023 une trajectoire de référence d’adaptation de + 4°C en 2100 pour la France métropolitaine et demandé des analyses de vulnérabilité sur des infrastructures portuaires et aéroportuaires. Mais ce n’est encore qu’un stade d’analyse.

On peut citer également la plateforme Infraclimat un nouvel outil pour visualiser les impacts climatiques sur les routes et les ponts lancée par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), à destination des élus et des collectivités françaises, ainsi que l’actualisation du Guide des actions adaptatives au changement climatique par l'Observatoire de l'Immobilier Durable.

Les gestionnaires des risques planchent de plus en plus sur les risques naturels

Autres acteurs rencontrés chez Axa climate : les entreprises. Un risk manager qui passait 5 à 10 % de son temps sur les catastrophes naturelles en passe maintenant 40 % selon Michel Josset, administrateur et référent Climat de l'AMRAE, Administrateur du CNPP et directeur Assurances et Prévention de Forvia.Enfin concernant les investisseurs et les banquiers, ils commandent en masse des études sur les analyses concernant les impacts immobiliers. Il y a vraiment un sujet !

Quels sont les rôles des juristes et plus particulièrement des notaires sur ces enjeux ?

Les notaires font partie des métiers de la protection du patrimoine mais aussi de la gestion du risque, deux problématiques allant ensemble. Ils ont un lien avec le métier des assurancesLe Congrès des notaires envoie un signal très fort en montrant cet intérêt pour ce sujet et en sachant avoir un rôle à jouer. Et de rappeler que pour bien appréhender le réchauffement climatique sur les territoires il faut bien connaitre ses territoires. On ne le fait pas pour nous, mais pour nos enfants ! Il faut gérer l’inévitable et éviter l’ingérable.

Importance croissante de l’état des risques et pollutions dans les transactions immobilières

Point crucial des débats : le fait que l’état des risques et pollutions des biens immobilier devant être fournit à l’acheteur ou un locataire d’un bien va prendre de plus en plus d’importance.  Le notaire va se retrouver à vendre des biens inassurables, or l’état des risques actuel est sujet à deux grands problèmes selon le président de la Commission, Maître Eric Meiller :- il est souvent mal fait. Parfois toute la commune est coloriée pour dire qu’elle est en zone inondable alors que en réalité cela ne concerne qu’une petite partie des biens. L’excès d’informations est donc trompeur pour l’acquéreur. On ne peut pas toucher à ce que l’administration a fait. De plus il n’y a jamais le règlement qui devrait expliquer les conséquences du zonage ;- actuellement les plans de prévention des risques ont d’abord été fait pour créer et identifier des servitudes d’urbanisme, pour restreindre voir interdire la constructibilité. L’état des risques vient informer par rapport à ces PPR. La nuance est capitale car cela veut dire que l’état des risques n’informe pas sur un risque mais sur un document administratif qui est lui-même une servitude d’urbanisme/

Exemple : un plan de prévention des risques miniers (PPRM) de la vallée de l'Ondaine a été annulé par le tribunal administratif de Lyon et rien n’a été fait depuis alors que les mines sont toujours là.

On ne va donc plus pouvoir se contenter d’une information sur des plans de prévention il faut basculer à une information sur le risque ! C’est pour cela que la proposition notariale annexe systématiquement le Géorisques qui est actuellement le meilleur document d’informations. 

C’est pour cela que considérant que les informations pour établir un état des risques fiables nécessite une recherche documentaire particulière sans lien avec les diagnostics techniques du bâtiment, que l’état des risques actuel est plus une information réglementaire qu’une information réelle sur les risques, et que Géorisques est aujourd’hui la meilleure base de données sur l’information des risques, le congrès des notaires propose de légaliser la pratique notariale actuelle annexant le rapport Géorisques aux actes notariés. La réalisation de l’état des risques doit donc également être confié à un organisme dédié. A suivre ! 

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