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29 mars 2024
Un rapport de l'UNESCO alerte sur le risque imminent d'une crise mondiale de l'eau alors qu'un quart de la population mondiale est privée d'accès à l'eau potable et presque la moitié de système d'assainissement.

Le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, publié par l'UNESCO au nom d’ONU-Eau, propose une évaluation complète et officielle de l’état général, de l’utilisation et de la gestion des ressources mondiales en eau douce et vise à fournir aux décideurs des outils pour formuler et mettre en œuvre des politiques durables de l’eau. Lancé à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau du 22 mars 2023, le rapport fournit aux décideurs des connaissances et des outils pour formuler et mettre en œuvre des politiques de l’eau durables. Il offre également des exemples de meilleures pratiques et des analyses approfondies afin de stimuler les idées et les actions pour une meilleure gestion dans le secteur de l’eau et au-delà.

La crise mondiale de l'eau approche

Le rapport rappelle que dans le monde, 2 milliards de personnes (soit 26 % de la population) sont privées d’accès à l’eau potable et 3,6 milliards de personnes (46 %) n’ont pas accès à un système d’assainissement géré de manière sûre. Par ailleurs, entre deux et trois milliards de personnes connaissent des pénuries d’eau pendant au moins un mois par an, ce qui fait peser de graves risques sur leurs moyens de subsistance, à travers la sécurité alimentaire et l’accès à l’électricité notamment. Or, l'eau est vitale pour l'économie : environ 80 % des emplois dépendent de l’eau dans les pays à faible revenu où l’agriculture est la principale source de revenus. Ainsi, au niveau mondial, 70 % des volumes d’eau douce prélevés sont exploités par l’agriculture. Le manque d'eau produit également des chocs sociaux majeurs : ainsi, une augmentation de 10 % de la migration mondiale était liée aux déficits hydriques entre 1970 et 2000. Le pire reste cependant à venir : la population urbaine mondiale confrontée au manque d’eau devrait doubler, passant de 930 millions en 2016 à 1,7 – 2,4 milliards de personnes en 2050. Les sécheresses extrêmes et prolongées auront également une incidence croissante sur les écosystèmes et entraîneront des conséquences désastreuses pour les espèces végétales et animales : le rapport estime que 1,4 milliard de personnes ont été touchées par les sécheresses entre 2002 et 2021 tout comme les inondations qui, sur la même période, ont causé des pertes économiques à hauteur de 832 milliards de dollars.

La stabilité sociale menacée

L’eau peut contribuer à la paix en favorisant la coopération et la diplomatie. Toutefois, les inégalités dans la répartition des ressources en eau, dans l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement et dans le partage des bénéfices sociaux, économiques et environnementaux ainsi apportés peuvent compromettre la paix et la stabilité sociale. Les conflits relatifs à l’eau peuvent survenir lorsque la demande dépasse la fourniture, lorsque la disponibilité de la ressource est compromise par la pollution, lorsque l’accès à l’eau (et sa répartition) est objet de différends, lorsque les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement sont perturbés, ou encore lorsque les institutions chargées de la gestion des ressources en eau sont inadéquates. L’eau n’est généralement pas la cause de la guerre mais elle a souvent constitué une arme, une cible, voire un objet de destruction en temps de guerre. C’est le cas lorsque se produisent des attaques ciblant les infrastructures civiles d’approvisionnement en eau, notamment les stations de traitement des eaux, les systèmes de distribution ainsi que les barrages. Le droit international humanitaire garantit explicitement la protection d’un large éventail d’infrastructures civiles, y compris celle des systèmes de distribution d’eau.

La coopération internationale : la clé de l’accès à l’eau pour tous

Presque toutes les interventions liées à l’eau impliquent une certaine forme de coopération. Cultiver la terre requiert l’usage de systèmes d’irrigation partagés par les agriculteurs. L’approvisionnement en eau potable à un coût abordable des villes et des zones rurales n’est possible que par une gestion commune des systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau. Et la coopération entre ces communautés urbaines et rurales est essentielle pour garantir à la fois la sécurité alimentaire et le maintien des revenus des agriculteurs. La gestion des fleuves et des aquifères qui traversent des frontières internationales rend la question d’autant plus complexe. S’il a été démontré que la coopération en matière de bassins et d’aquifères transfrontaliers présente de nombreux avantages au-delà de la sécurité de l’eau, notamment l’ouverture de canaux diplomatiques supplémentaires, seuls 6 des 468 aquifères internationaux partagés dans le monde font l’objet d’accords de coopération officiels.

 Les rapporteurs appellent à renforcer la coopération internationale en matière d’utilisation et de gestion de l’eau. C’est le seul moyen selon eux d’éviter une crise mondiale de l’eau dans les décennies à venir.

Les partenariats et la participation citoyenne permettent d’accroître les bénéfices

Les services environnementaux, tels que la lutte contre la pollution et l’enrichissement de la biodiversité, figurent parmi les avantages partagés les plus souvent soulignés dans le rapport, de même que les possibilités de partage de données, d’informations et de cofinancement. A ce titre, les « fonds pour l’eau » sont des systèmes de financement qui rassemblent les utilisateurs en aval, tels que les villes, les entreprises et les services publics, pour investir collectivement dans la protection des habitats en amont et la gestion des terres agricoles afin d'améliorer la qualité de l'eau ou sa quantité globale.

Exemple : le Fonds pour l’eau de Monterrey au Mexique, lancé en 2013, a permis de préserver la qualité de l’eau, de réduire les inondations, d’améliorer l’infiltration et de réhabiliter les habitats naturels grâce au cofinancement. La réussite d’approches similaires en Afrique subsaharienne, notamment dans le bassin versant de la rivière Tana-Nairobi, qui fournit 95 % de l’eau douce de Nairobi et 50 % de l’électricité du Kenya, illustre le potentiel mondial de ces partenariats.

La participation des parties prenantes concernées favorise également l’adhésion et l’appropriation. L’implication des utilisateurs finaux dans la planification et la mise en œuvre des systèmes d’eau permet de créer des services qui correspondent davantage aux besoins et aux ressources des communautés démunies, et d’accroître l’acceptation et l’appropriation par le public. Elle favorise également la responsabilisation et la transparence.

Exemple : dans les camps de déplacés de la région de Gedo en Somalie, les résidents élisent des comités de l’eau qui gèrent et entretiennent les points d’eau qui approvisionnent des dizaines de milliers de personnes. Les membres du comité s’associent aux autorités locales en charge de l’eau au sein des communautés d’accueil afin de partager et de gérer les ressources en eau.

Olivier CIZEL, Code permanent Environnement et nuisances