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25 juillet 2024
Vers un acte II du Green Deal ? Jeudi 18 juillet, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a été reconduite pour 5 ans par le Parlement en promettant non seulement de ne pas détricoter le Pacte Vert - cette soixantaine de textes législatifs déployés par l’UE depuis 2020 pour réduire les émissions de CO2 de 55 % d’ici à 2030 -, mais d’aller plus loin. Les défenseurs de la politique climatique en Europe ont a priori de quoi être rassurés...

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Sur la seule base des voix des trois composantes de sa coalition, le PPE (droite), le groupe S&D (sociodémocrates) et Renew (centre), la conservatrice allemande ne disposait pas de réserves suffisantes pour être réélue avec certitude ; certains l'imaginaient, dès lors, ravaler ses convictions pour obtenir l’appui des élus de la droite radicale, le groupe ECR, mené par la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni. Ce ne fut pas le cas, au contraire : l’ancienne ministre d’Angela Merkel s’est finalement tournée du côté des eurodéputés Verts, faisant, en bout de course, de multiple les concessions.

Dans son discours de politique générale, livré juste avant le vote, elle a entre autres réaffirmé sa volonté d’inscrire dans la loi européenne sur le climat l’objectif d’une baisse des émissions de CO2 de 90 % d’ici à 2040, alors que le règlement de 2021 ne pose que le jalon intermédiaire de 55 % de réduction d’ici à 2030 ; la présidente de la Commission a en outre évoqué de futurs plans pour l’adaptation au changement climatique et un « pacte pour l’océan », sans toutefois donner de précisions. L’ébauche de programme publiée en parallèle par la Commission mentionne aussi « un nouvel acte législatif sur l’économie circulaire, qui contribuera à créer une demande de marché pour des matières secondaires et un marché unique des déchets, notamment pour ce qui concerne les matières premières critiques ».

Mais globalement, ces engagements n’ont qu’à moitié convaincu les écologistes. « S’agit-il d’un programme vert ? Je peux vous dire que la réponse est non », a réagi Terry Reintke, la coprésidente des Verts au Parlement européen, qui a avant tout justifié le soutien finalement accordé par son groupe par la volonté de faire barrage à l’extrême droite.

La tendance n’est en tout cas plus, comme en 2019, à la multiplication de régulations environnementales ; en 2024, la « première priorité » d’Ursula von der Leyen est devenue « la prospérité et la compétitivité durable » de l’économie. Ainsi, la candidate von der Leyen s’est plus volontiers appesantie sur le volet industriel du Pact vert : le « nouveau pacte pour une industrie propre » qu’elle propose est censé, via des investissements massifs dans les modes de production décarbonnée, contribuer tant au renforcement de la compétitivité - grâce notamment à une « réduction des prix de l’énergie » - qu’à la lutte contre le réchauffement climatique. Le nouveau mantra : « concilier la protection du climat et une économie prospère ».

Des doutes sur le volet ESG ?

En réalité, de potentielles reculades ne sont pas écartées, a fortiori pour la dimension ESG de la politique européenne. Pour répondre à une exigence de la droite, Ursula von der Leyen s’est fermement engagée à « réduire les obligations de déclaration, [à] alléger la bureaucratie » pesant sur les entreprises. De quoi laisser présager des affaiblissements sur le contenu de la directive CSRD ou du devoir de vigilance européen ?

Ces deux directives européennes sont accusées depuis plusieurs mois par la droite de l’hémicycle et notamment par le PPE, la famille politique de la présidente de la Commission, d’infliger des charges excessives aux entreprises. Ces deux textes n’ont pas été mentionnés dans le discours d’Ursula von der Leyen pas plus que dans son document programmatique.

Certains à Bruxelles estiment que la main tendue aux Verts relève plus du virage tactique que d’un réel engagement dans la durée. Pendant sa campagne, Ursula von der Leyen a laissé entendre qu’en tant que cheffe de la Commission, elle ne pourrait pas empêcher le PPE de nouer des alliances de circonstances avec l’extrême droite au Parlement européen ; sur des dossiers comme la politique verte et la migration, une coalition des droites peut parfois sembler plus naturelle, et arithmétiquement, un tel attelage représente une majorité absolue. Sur la quasi-totalité des textes du Pacte Vert, en effet, le Parlement fait jeu égal avec le Conseil de l’UE, car aucun des deux n’a le dernier mot. Les députés votent donc à la majorité simple, qui peut être trouvée à la droite du Parlement. Ce qui pourrait parfois l’emporter face à la coalition historique « droite-gauche ».

Nouvelle coalition des droites ?

Les avis sont partagés sur le sujet : « Pour le pacte vert, à part en matière agricole, j’ai le sentiment que le scénario d’une alliance totale de la droite et des extrêmes droites restera une exception », pronostique le macroniste Pascal Canfin, président sortant de la commission Environnement du Parlement européen.

En tout état de cause, amender des textes déjà adoptés nécessite une proposition de la Commission européenne, qui détient un quasi-monopole de l’initiative législative selon l’article 17 du Traité sur l’Union européenne. L’engagement pris par Ursula von der Leyen auprès de la gauche de faire de la ministre espagnole à la transition écologique, la socialiste Teresa Ribera, sa vice-présidente exécutive chargée du Pacte vert, ne pointe pas dans cette direction.

Mais le Parlement n’est pas le seul à décider. Il faudra aussi compter avec le Conseil de l’UE, la puissante institution qui réunit les ministres, où les représentants du PPE sont dominants. Ils pourraient l’être encore davantage après les élections fédérales allemandes de septembre 2025. Un nouvel alignement en vue entre Parlement et Conseil ?

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Clément Solal, journaliste Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur au laboratoire VIP