« Au-delà de l’obligation de reporting, la directive CSRD vise les entreprises à mener une stratégie approfondie et, en tant que superviseur, l’AMF insiste sur la qualité des analyses internes », a déclaré Astrid Milsan, secrétaire générale adjointe de l’Autorité, à l’occasion d’un webinaire qui s’est déroulé le 6 juin dernier. Pour accompagner les émetteurs dans la mise en œuvre des ESRS, l’AMF a commenté les récents travaux menés par la Commission consultative finance durable (CCFD). Publié le 9 février, le guide a été conçu comme « un mode d’emploi ». Il vise « à donner une vision plus claire des dispositions de la directive CSRD » et présente « des éléments additionnels voués à enrichir la pertinence des rapports de durabilité », précise Astrid Milsan.
Engagement à long terme, actions à court terme
Dans son rapport, l’AMF mise d’abord sur la pédagogie. Divisé en plusieurs chapitres, le rapport cible des points clés. « Plus que l’engagement à long terme sur le net zéro, l’essentiel réside dans la transformation de l’entreprise avec des actions à court terme », insiste Viet-Linh Nguyen, responsable de l’unité Stratégie et Finance durable à l’AMF.
La première thématique concerne ainsi la définition des objectifs de décarbonation qui doivent être inclus dans un plan de transition. Deuxième sujet : rendre compte des leviers de décarbonation. Il s’agit, pour l’Autorité, du « centre du plan de transition » qui doit comporter une description qualitative et quantitative des leviers ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre.
A cela s’ajoutent la thématique du traitement des émissions verrouillées et celle de rendre compte des moyens financiers alloués au plan. Pour cette dernière, l’AMF reconnaît qu’il s’agit de la « plus haute marche à franchir ». « Encore peu d’émetteurs rendent compte des investissements affectés à leur plan de transition », souligne Mathieu Garnero, membre de la CCFD de l’AMF et co-rapporteur du groupe de travail CCFD Transition à l’Ademe. Or, c’est un enjeu de taille puisque « si le plan n’est pas associé à des moyens financiers, il n’est pas crédible », prévient-il.
Enfin, dernier sujet crucial : la gouvernance et le suivi. A cet égard, le rapport de l’AMF insiste sur l’accueil du plan de transition par les organes de gouvernance de l’entreprise, sa prise en compte dans les rémunérations des instances et notamment du conseil d’administration. De même, l’Autorité soulève l’importance de mettre en place des indicateurs de suivi. »
Une vision panoramique et collégiale
Et pour que l’accompagnement soit efficace, l’AMF s’astreint ensuite à un effort méthodologique. Ainsi, pour chacune des thématiques exposées précédemment, le guide suit une structure identique :
- une introduction réglementaire ;
- les attentes des investisseurs ;
- les pratiques et défis des entreprises ;
- un état des lieux des cadres méthodologiques qui ne constituent pas une attente réglementaire.
« Le guide n’est pas parachuté », explique Viet-Linh Nguyen. « Nous sommes partis de questionnaires envoyés aux investisseurs et aux émetteurs », précise-t-il, ce qui a permis « d’avoir une première vision des attentes des utilisateurs et des retours d’expérience des préparateurs. A ces contributions, ont été ajoutées :
- une analyse de 22 méthodologies existantes qui servent à l’évaluation des plans ou à des standards de reporting, comme le SBTi ;
- et une analyse de 31 déclarations de performances extra-financière (DPEF) publiées par des entreprises ayant obtenu une note A au Carbon Disclosure Project (CDP) et/ou soumis des résolutions climatiques sur leur plan de transition auprès des actionnaires.
Toutes ces contributions ont ainsi permis « de bâtir une vision panoramique et collégiale », déclare Viet-Linh Nguyen.
Enfin, au-delà de l’accompagnement, l’AMF rappelle son rôle de superviseur. Ce pouvoir sera « encadré et harmonisé au niveau européen via l’adoption des prochaines lignes directrices sur le développement durable adoptées au niveau de l’ESMA », précise Astrid Milsan. En cours de finalisation, ces lignes directrices auront pour objet d’encadrer l’organisation et l’expertise du régulateur. « Il s’agira aussi de discuter avec les homologues à l’ESMA des cas d’utilisation concrets », conclut la secrétaire générale.