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20 septembre 2024
Le règlement qui doit interdire au 30 décembre l’importation et la commercialisation d’une série de produits tels que le soja, le cacao, l’huile de palme ou le papier, s’ils sont issus de terres déboisées fait l'objet d’une pluie de critiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. La dernière en date émane du chancelier allemand Olaf Scholz qui réclame son report… La Commission européenne cédera-t-elle sous la pression ?

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L’instrument « anti-déforestation importée » de l’Union européenne entrera-t-il en application, comme prévu, au 30 décembre 2024 ? La question se pose désormais très sérieusement. Adopté l’année dernière, ce règlement du Parlement européen et du Conseil doit interdire à partir de 2025 l’importation, la commercialisation dans l’UE et l'exportation d’une série de produits (cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc, cuir, ameublement, papier, livres…) (et des produits nourris et fabriqués avec de tels produits, listés en annexe du texte) s’ils proviennent de terres qui ont été déboisées après 2020.

« Si Danone utilise du soja pour l’alimentation de ses vaches en Europe, ou si Ikea utilise du bois dans les meubles qu’il commercialise, ils devront fournir la documentation prouvant que leur sourcing n’a pas causé de déforestation, grâce par exemple à des images satellitaires à l’appui », résume l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin (Renew) qui prend la défense du règlement dans une récente publication sur les réseaux sociaux.

Pluie de critiques

Car ce dernier est depuis plusieurs mois l'objet d’une pluie de critiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Le dernier coup de semonce en date émane d’un poids lourd : le chancelier allemand Olaf Scholz a expliqué le jeudi 12 septembre à la presse qu’il avait prôné auprès de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, « une suspension de cette réglementation ». Et ce « tant que les interrogations émises par l'Association allemande des éditeurs de journaux (BDZV) n’ont pas été clarifiées » ; en mars dernier, ce lobby représentant les éditeurs outre-Rhin a dénoncé les « exigences impraticables » du règlement et « une charge administrative massive pour les entreprises ».

La voix allemande est loin d’être isolée. Fin mars, une vingtaine des ministres de l’Agriculture des États membres, dont ceux de la France, de l’Autriche, de l’Italie, de la Pologne et de la Suède s’alarmait dans une lettre commune des charges générées pour les agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers de l’Union - auxquels s’applique le règlement au même titre qu’aux exploitations basées dans des pays tiers. Leur courrier exigeait de la Commission un délai de mise en œuvre « significativement étendu », une « exemption » pour les plus petites exploitations ainsi que pour toutes celles localisées dans des pays « présentant des risques faibles » en matière de déforestation, ainsi qu’« une simplification drastique » du système de certification afin « d’alléger la charge administrative ».

Ces critiques rejoignent en outre celles formulées par une multitude de partenaires commerciaux de l’UE, qui lui enjoignent de reculer, comme les États-Unis, dont les secteurs du bois et du papier sont concernés, l’Indonésie et la Malaisie, producteurs d’huile de palme, ou encore le Brésil. Le 12 septembre, c’est la directrice de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui a, à son tour, demandé à la Commission européenne un « réexamen ».

Nouvelle proposition législative ?

Problème : un allègement des exigences prévues par le texte, et son report a fortiori, nécessiteraient qu’une nouvelle proposition législative soit présentée par la Commission européenne, puis débattue, amendée et adoptée par les deux co-législateurs, le Parlement européen et le Conseil de l’UE, en passant par un trilogue. Autant dire que la manœuvre pourrait difficilement aboutir d’ici à la date butoir du 30 décembre. Il est toutefois difficile d’imaginer la Commission résister à la pression exercée par les États membres de l’Union – et par nombre de ses partenaires commerciaux.

Ce sera aussi un test de l’orientation de la nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen sur le plan climatique. La conservatrice allemande a été reconduite en juillet à la tête de l’exécutif de l’UE en promettant à la fois de ne pas détricoter le Pacte vert européen (le fameux Green Deal, dont fait partie ce règlement) et en s'engageant à réduire massivement la charge administrative pesant sur les entreprises...

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Clément Solal, journaliste Vincent Couronne, docteur en droit européen