En 2020, le numérique comptait déjà pour 2,5 % de l’empreinte carbone annuelle de la France, soit l’équivalent du secteur des déchets, et 10 % de la consommation électrique. Avec le développement de l’intelligence artificielle (IA) et des usages numériques ces dernières années, les besoins en puissance informatique et en équipements explosent.
Dans une démarche de sobriété, l’impact environnemental des outils numériques doit être réduit au maximum que ce soit pour leur fabrication, leur usage ou leur fin de vie. C’est dans ce contexte que l’Ademe a récemment publié deux travaux sur le sujet avec un avis d’experts sur les data centers ou centre de données et une étude sur les besoins en métaux dans le secteur numérique.
Les data centers au centre de la transition numérique
Les data centers sont des bâtiments contenant des serveurs dans lesquels sont stockées et traitées les données. Ils représentent la partie intelligente du cloud et 16 % de l’empreinte carbone du numérique en France selon l’Ademe et l’Arcep, une part vouée à augmenter avec l’essor de l’IA notamment. Les data centers requièrent une consommation d’électricité importante mais aussi de l'eau pour leur refroidissement. A l'heure actuelle, ils ne valorisent qu’assez peu la chaleur fatale provenant de leur fonctionnement.
Implantation territoriale
L’implantation d’un datacenter entraîne divers impacts sur le territoire concerné que ce soit en matière d’électricité ou de ressources en eau. Pour minimiser ces conséquences, il est important :
- d’accompagner l’implantation d’un data center sur un territoire afin d’anticiper les impacts et maximiser les bénéfices (économiques et énergétiques) ;
- de prendre en compte la possibilité de valoriser la chaleur fatale à proximité du choix d’implantation (chauffage d’une piscine, d’industries, d’une résidence, etc.) pour ensuite s’engager sur des volumes de chaleur et faciliter les modalités contractuelles avec les opérateurs de réseaux de chaleur ;
- d’inscrire l’implantation du data center dans les objectifs « ZAN » (zéro artificialisation nette) qui consistent à diviser par deux la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestier d’ici 2031 par rapport à la période 2011-2021 et atteindre le ZAN en 2050.
Remarque
Remarque : selon l’Ademe, le potentiel de chaleur fatale récupérable via les data centers en France serait de 3,5 TWh à horizon 2030.
Efficacité énergétique
D’après les projections, les data centers représenteraient, en 2050, 6 % de la consommation électrique française. Pour atténuer cette hausse de plus de 50 %, l’Ademe suggère de recourir prioritairement à des mesures d’efficacité énergétique au niveau des serveurs, du refroidissement et des alimentations de secours. Par exemple, les actions peuvent concerner :
- la prise en compte du PUE (Power usage effectiveness), dans le cadre du dispositif éco-énergie tertiaire en France, qui est l’indicateur de l’efficience du data center concernant sa consommation d’énergie. Actuellement de 1,5 en moyenne en France, il doit tendre vers 1,2 pour les nouveaux data centers ;
- le recours au free cooling, rafraîchissement du data center sans impliquer de système de refroidissement mais grâce à l’air extérieur ;
- la mise en place d’un refroidissement liquide ou par immersion s’il est impossible d’utiliser le procédé de free cooling ;
- l’installation de nouvelles capacités de production d’électricité (photovoltaïque sur site) plutôt que l’achat d’électricité d’origine renouvelable.
Remarque
Remarque : sur le même principe que le PUE, il existe le WUE (water usage effectiveness) qui est l’indicateur de l’efficience du data center en matière de consommation d’eau et qui doit lui aussi être réduit au maximum.
Autre bonne pratique à mettre en place, les batteries de secours des data centers peuvent contribuer à la flexibilité de demande en électricité. Pour ce qui est des serveurs informatiques, il est judicieux qu’ils soient éco-conçus dans l’optique de faciliter leur réutilisation lorsqu’ils seront remplacés.
Enjeu de la consommation des métaux
La consommation de matière dans les équipements numériques, et plus précisément la consommation de métaux divers, est identifiée comme un des enjeux majeurs du secteur numérique. Dans son étude, l’Ademe a sélectionné 20 équipements numériques (écrans, box, casques, consoles, objets connectés, ordinateurs, serveurs, smartphones, tablettes, télévisions, etc.) afin d’en établir la composition selon 25 métaux différents.
Remarque
Remarque : l’Ademe met à disposition un recueil de fiches sur les 25 métaux ainsi qu’un recueil de fiches sur les 20 équipements analysés.
La Chine, premier producteur mondial
Les métaux s’avèrent précieux et stratégiques dans nos appareils numériques puisqu’ils existent en quantité limitée sur Terre. Les appareils numériques sont majoritairement fabriqués à l’étranger et sont composés de métaux produits exclusivement dans certains pays. Ainsi, la France fait face à une forte dépendance à la stabilité politique et économique de quelques pays regroupant la majorité de la production de métaux.
A titre d’exemples, la Chine est le premier producteur mondial de 15 métaux stratégiques dont 7 quasiment avec le monopole, à savoir le gallium (98 %), le magnésium (88 %), le tungstène (84 %), le dysprosium (70 %), le néodyme (70 %), le praséodyme (70 %) et l’yttrium (70 %). D’autres pays sont également les premiers producteurs de certains métaux. Citons entre autres :
- la Russie avec le palladium (43 %) ;
- l’Australie avec le lithium (47 %) ;
- l’Indonésie avec le nickel (48 %) ;
- l’Afrique du Sud avec le ruthénium (90 %), le platine (74 %) et le manganèse (36 %) ;
- la République démocratique du Congo avec le cobalt (68 %) et le tantale (43 %) ;
- le Chili avec le cuivre (24 %) ;
- le Mexique avec l’argent (24 %).
Remarque : la Chine est également le premier pays producteur du germanium (68 %), du silicium (68 %), de l’indium (59 %), de l’aluminium (58 %), de l’antimoine (54 %), du zinc (32 %), de l’étain (30 %) et de l’or (11 %).
Ce monopole s’explique aussi par le faible nombre de pays à réaliser les opérations d’affinage des métaux permettant d’élever leur niveau de pureté nécessaire. De plus, la production des équipements numériques eux-mêmes est ensuite majoritairement réalisée en Asie de l’Est.
Métaux critiques
Dans le périmètre de l’étude, 5 métaux sont identifiés comme étant les plus critiques - l’argent, le ruthénium, l’antimoine, l’étain et le nickel - du fait de risques sociaux, environnementaux ou géopolitiques. Ils sont pourtant indispensables pour la connectivité, le stockage de l’énergie et la possibilité de rendre les objets légers et résistants.
Remarque : les critères pris en compte pour évaluer la criticité des métaux sont les risques sur la longévité des réserves connues, les incertitudes sur la disponibilité du métal, les risques géopolitiques de l’approvisionnement, la volatilité du prix du métal, l’impact environnemental de l’extraction et son impact sociétal.
Pas de filière de recyclage pour 50 % des métaux
En matière de fin de vie des équipements du secteur numérique, le devenir des métaux une fois collectés reste encore incertain. En effet, environ 50 % des métaux recherchés dans l’étude n’ont pas de filière de recyclage à l’échelle industrielle en France et dans l’Union européenne, ce qui est notamment justifié par une absence de demande. Cela concerne le dysprosium, le gallium, le germanium, l’indium, le magnésium, le manganèse, le néodyme, le praséodyme, le silicium, le tantale, le tungstène et l’yttrium.
Les freins au recyclage portent sur des difficultés de collecte des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), des difficultés de tri et d’extraction des composants mais aussi des difficultés pour extraire les métaux eux-mêmes.
Au contraire, certains métaux sont bien recyclés par des filières structurées. Ce sont souvent les métaux les plus chers et les plus utilisés en quantité : or, argent, cuivre, platine, palladium, aluminium, nickel, fer et cobalt. Le nickel et le cobalt étant essentiellement récupérés dans les batteries. Malheureusement, il n’existe pas de preuve que les métaux récupérés soient ensuite réincorporés dans de nouveaux équipements numériques.
Transparence, souveraineté et sobriété
Le future de la consommation de métaux par les équipements numériques dépendra des équipements achetés par les particuliers, les entreprises, les collectivités, etc. (garder ses équipements plus longtemps) mais surtout des choix technologiques et sociétaux qui seront effectués : internet des objets (IoT), 5G, 6G, IA, écoconception, etc.
Pour terminer, l’Ademe émet 3 recommandations principales à destination des acteurs économiques fabricants et utilisateurs et des pouvoirs publics. Elle suggère :
- de rendre les chaînes de valeur plus transparentes (acteurs économiques, impacts socio-environnementaux) ;
- de mettre en place une stratégie de souveraineté (relocalisation à court et moyen terme, investissements, savoir-faire) ;
- d'amorcer une réflexion sur la mise en place de bonnes pratiques de sobriété (usages et conception).
Le respect de ces recommandations permettrait de réduire les impacts négatifs de la chaîne de valeur des métaux, notamment au cours de la phase d’extraction minière. Ceci réduirait potentiellement les enjeux environnementaux (consommation d’énergie, d’eau, de ressources, pollutions, production de déchets, etc.) et sociaux (non-respect des règles santé sécurité au travail, difficultés dans les relations avec les communautés locales, corruption, etc.).