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16 février 2022
Le 7 janvier dernier, l’UIMM et trois organisations syndicales de la branche (CFDT, CFE-CGC, FO) ont signé la nouvelle convention collective nationale unique. Grille de classification des emplois et des minima sociaux, temps de travail, protection sociale, emploi, compétences… Le point avec Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM.
"C’est un travail titanesque, sans doute le chantier d’une vie"

Quelle est la genèse du projet ?

La réflexion s’est engagée dès 2014 à l'Union des industries et métiers de la métallurgie. Deux années de travaux préparatoires ont été nécessaires avant de lancer les négociations avec les organisations syndicales. Notre premier objectif était de donner un nouvel élan à la métallurgie pour lui permettre de faire face aux enjeux de l’industrie du 21e siècle, notamment d’accompagner la compétitivité et de développer l’attractivité.

Les années post-crise de 2008 ont fait apparaître de nouveaux enjeux liés à l’arrivée du digital dans les usines, à la transformation des organisations mais aussi aux attentes des chefs d’entreprise comme des salariés. Or, la plupart de nos conventions collectives qui encadraient jusqu’ici les relations sociales des 42 000 entreprises et des 1,6 millions de salariés du secteur étaient devenues obsolètes, décalées voire n’étaient plus conformes au droit positif. La plupart remontait aux années 70 et parfois même aux années 50/60. Une refonte était devenue nécessaire.

Quelle a été votre méthode ?

Nous avons réussi à réécrire les 7 000 pages des différents documents en 231 pages

Nous avons rencontré les organisations syndicales, en 2015 puis nous avons négocié un accord de méthode en juin 2016 pour fixer le cadre des discussions qui ont réellement démarré en septembre 2016.

A l’époque, nous pensions conclure trois ans plus tard. Mais la crise du Covid est passée par là. Nous avons suspendu les discussions pendant toute l’année 2020 pour nous concentrer sur plusieurs initiatives communes destinées à faire face à la crise sanitaire. Nous avons ensuite repris nos travaux en janvier 2021. Nous voulions surtout nous doter d’un cadre social qui se voulait entièrement renouvelé. On était tous d’accord pour partir d’une feuille blanche. Avec l’objectif commun de parvenir à un projet social plus équitable, plus transparent, mais aussi plus lisible.

L’exercice, d’une rare complexité, a été mené à un rythme soutenu, à raison d’une réunion plénière tous les 15 jours, pendant cinq ans.

Nous sommes finalement parvenus à transformer les 78 conventions (76 territoriales, une pour les ingénieurs et cadres, une pour la sidérurgie) qui existaient alors en un seul et unique texte, c’est-à-dire à réécrire les 7 000 pages des différents documents en 231 pages. C’est un travail titanesque, sans doute le chantier d’une vie car entre la préparation, la négociation et le déploiement, cette convention, signée le 7 février, va tous nous occuper 10 ans !

Qui était à la manoeuvre ?

Côté syndical, nous avons commencé avec cinq syndicats mais terminé à quatre

Du côté de l’UIMM, le projet a été piloté par quatre présidents et deux délégués généraux, Jean François Pilliard et moi-même, arrivé au printemps 2016. Les deux tiers des membres qui composent aujourd’hui le Conseil de l’UIMM n’étaient pas là quand nous avons commencé les négociations.

Côté syndical, nous avons commencé avec cinq syndicats mais terminé à quatre : en 2017, la CFTC a perdu sa représentativité au niveau de la branche, à l’issue des élections professionnelles. Puis les leaders syndicaux CGT et CFDT ont changé. Seules la FO et la CFE-CGC ont gardé les mêmes chefs de file.

Quels ont été les points d’achoppement ?

Quatre critères sur six sont totalement nouveaux, comme celui sur les connaissance

L’une des principales difficultés a concerné la refonte complète de la classification des emplois de la branche, c’est-à-dire le squelette de la nouvelle convention. Nous avons négocié sur ce sujet pendant 17 mois. Comme tous les systèmes de classification en vigueur dans le monde et, contrairement à ce que souhaitait la CGT, notre système ne repose sur l’évaluation des compétences et des qualités d’un salarié mais classe l’emploi réellement tenu par ce dernier, à travers 18 classes d’emploi et six critères classants : complexité de l’activité, connaissances, autonomie, contribution, encadrement-coopération et communication. Quatre critères sur six sont totalement nouveaux, comme celui sur les connaissances qui prend en compte les formations initiales, continues mais aussi l’expérience professionnelle.

D’autres sujets ont également constitué des points de difficultés. C’est le cas du temps de travail et notamment du quota et du montant des heures supplémentaires qui sont désormais directement mis à disposition des entreprises, conformément aux ordonnances travail de 2017. Ou encore du contrat de travail. Il a fallu harmoniser les dispositions figurant dans les différentes conventions (traitement de la maladie, durée du préavis, jours de congé pour enfant malade…), en trouvant sur chaque thème un point d’équilibre. Ce qui n’est pas une mince affaire !

Les autres principaux sujets concernent la protection sociale, la rémunération et le dialogue social.

En matière de protection sociale, nous avons créé de toute pièce un régime de branche commun à l’ensemble des 42 000 entreprises. La mise au point de ce dossier a nécessité pratiquement trois ans de travail et de négociation avant de converger vers des solutions qui conviennent à l’UIMM et à la majorité des organisations syndicales.

Les entreprises vont devoir maintenant s’approprier ce texte notamment la nouvelle grille au 1er janvier 2024. Vont-elles jouer le jeu ?

Nous avons lancé un réseau de 80 correspondants pour aider les entreprises à mettre en place les nouvelles classifications

Depuis le début de la négociation, nous réunissons tous les mois un groupe de 20 à 25 DRH de grandes entreprises pour suivre cet immense chantier. Nous avons également testé tout au long de la négociation notre système de classification, à partir d’un échantillon de 150 cas d’entreprises de toute taille, de tout secteur et de toute région. Et nous avons lancé il y a trois ans au sein des chambres territoriales de la métallurgie un réseau de 80 correspondants chargés de les aider à mettre en place les nouvelles classifications. De très nombreux déplacements ont été programmés en territoire pour aller à la rencontre des PME.

Un certain nombre de grands groupes ont d’ores et déjà négocié des accords de méthode et créé des équipes projets en charge du déploiement de la nouvelle convention collective.

En parallèle, les chambres territoriales de la métallurgie et les organisations syndicales locales sont chargées de négocier leur propre accord autonome ?

La nouvelle convention collective n’ayant pas pu traiter toutes les spécificités locales, les territoires ont, en effet, jusqu’au 30 juin 2022 pour négocier sur les différences significatives et signer des accords autonomes. Ils ont également pour mission d’engager une discussion pour opérer une révision-extinction de leur convention collective territoriale afin que la nouvelle convention collective nationale puisse s’appliquer.

Quelle pourrait être la date d’application de cette nouvelle convention ?

Il est convenu que nous ferons la demande officielle d’extension de notre convention collective nationale à la Direction générale du travail dans les prochains mois. En juin, nous ferons avec les organisations syndicales le bilan des négociations territoriales. Le volet protection sociale sera mis en œuvre le 1er janvier 2023 ; les autres dispositions le 1er janvier 2024.

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Anne Bariet
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