Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Paie
- En cas de travail dissimulé, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale et de contributions n'est seulement partielle que dans deux cas, celui de la dissimulation relative à des travailleurs indûment présentés comme travailleurs indépendants, transporteurs routiers indépendants ou dirigeants ou salariés d'une autre entreprise et celui où cette dissimulation représente une proportion limitée de l'activité. Ainsi, l'employeur à l'égard duquel a été constatée l'infraction d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ne peut pas bénéficier de cette modulation de la sanction d'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale (Cass. 2e civ. 20-3-2025 n° 23-15.729 F-B).
- Lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations de contrôle, la lettre d'observations doit être revêtue de la signature de chacun d'eux, à peine de nullité. En cas de contrôles concertés et simultanés de plusieurs sociétés d'un même groupe, la lettre d'observations adressée à chaque société doit être signée par l'inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune. Dès lors, une cour d’appel ne saurait annuler le redressement notifié à la société en retenant que le contrôle a été conduit de manière conjointe par les quatre inspecteurs qui se sont présentés aux sièges des différentes sociétés regroupées en un lieu unique et qu'à défaut de leur signature sur la lettre d'observations, les opérations de contrôle sont entachées d'irrégularité, alors qu'il lui appartenait de vérifier si d'autres inspecteurs que le signataire de la lettre d'observations avaient effectivement participé au contrôle de la situation individuelle de la société (Cass. 2e civ. 20-3-2025 n° 23-10.061 F-B).
Durée du travail
- Ayant retenu que la salariée était soumise dès son embauche à l'annualisation de son temps de travail en vertu de l'accord dit « 35 heures » signé dans l'entreprise et préalablement constaté que le contrat de travail prévoyait, en son article 7 concernant les horaires de travail, que celle-ci serait assujettie à la durée légale du travail en vigueur et pourrait ponctuellement faire des heures supplémentaires, la cour d'appel, qui a relevé l'absence de toute mention sur les bulletins de paie des 1 400 heures supplémentaires effectuées par la salariée sur une période de 2 ans et demi, a ainsi caractérisé tant l'élément matériel que l'élément intentionnel du travail dissimulé (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-19.120 F-D).
- Ayant relevé que les stipulations de l'accord d'entreprise ne fixaient qu'une limite de 218 jours de travail par an, outre une contrepartie de réduction de temps de travail de 10 jours ouvrés par an, et prévoyaient seulement une négociation sur les missions confiées dans le cadre des objectifs annuels ou d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuel, faisant ainsi ressortir l'absence de suivi effectif et régulier de la charge de travail de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la cour d’appel en a exactement déduit que la convention de forfait en jours conclue par l'intéressé était nulle (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-17.482 F-D).
Rupture du contrat
- La cour d'appel ayant relevé que le seul manquement de l'employeur établi tenait à la conclusion de CDD saisonniers irréguliers, qu'elle avait requalifié en un contrat à durée indéterminée, elle a pu décider que ce manquement n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d'acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-23.029 F-D).
Santé et sécurité
- La rupture du contrat de travail en raison de l’inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n’est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud’hommes sur le recours formé contre l’avis de ce médecin (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-19.813 FS-B).
- La caisse primaire d’assurance maladie n’appartient pas à un groupe au sens des dispositions du Code du travail définissant le périmètre du groupe à prendre en considération au titre de la recherche de reclassement d’un salarié inapte (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-21.210 FS-B).
- Le salarié dont l'inaptitude est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et dont le contrat de travail fait l'objet d'une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est en droit de prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement doublée. Il appartient donc au juge de se prononcer sur la demande formée à titre principal par le salarié en reconnaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude et sur les demandes indemnitaires subséquentes qui lui sont soumises (Cass. soc. 19-3-2025 n° 22-17.315 FP-B).
- La décision de la caisse primaire d'assurance maladie sur le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard (Cass. 2e civ. 20-3-2025 n° 22-24.353 F-B).
Contrôle-contentieux
- Si, en principe, le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par la partie qui les produit, lorsque sont versés aux débats d'autres éléments aux fins de corroborer ces témoignages et de permettre au juge d'en analyser la crédibilité et la pertinence. En l'absence de tels éléments, il appartient au juge, dans un procès civil, d'apprécier si la production d'un témoignage dont l'identité de son auteur n'est pas portée à la connaissance de celui à qui ce témoignage est opposé, porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le principe d'égalité des armes et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte au principe d'égalité des armes à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 19-3-2025 n° 23-19.154 FP-BR).
- Le décret 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré (Cass. soc. 19-3-2025 n° 22-17.315 FP-B).
- L'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ou qu'il a été convenu que le travail s'effectue sous la forme du télétravail. L'action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d'exécution du contrat de travail est soumise au délai biennal de prescription relatif à l'exécution du contrat de travail (Cass. soc. 19-3-2025 n° 22-17.315 FP-B).