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8 mars 2022
L’organisation du travail déterminée par l’employeur, titulaire du pouvoir de direction, s’impose aux salariés, y compris ceux qui bénéficient d’une convention de forfait annuel en jours. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation.
Le salarié au forfait jours ne doit pas confondre autonomie et liberté totale
©Gettyimages

La plupart des litiges concernant des salariés titulaires d’une convention de forfait annuel en jours sont relatifs au caractère raisonnable ou non de leur charge de travail et au respect de leur droit au repos. L’originalité de l’affaire jugée par la Cour de cassation le 2 février 2022 est qu’elle concernait un salarié auquel l’employeur reprochait de travailler trop peu.

Le forfait en jours suppose l’autonomie du salarié…

La conclusion d’une convention de forfait en jours sur l’année est réservée (C. trav. art. L 3121-58) :

  • aux cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de travail ;
  • aux salariés dont la durée du temps de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

En l’espèce, la qualité de cadre autonome de la salariée, qui occupait des fonctions de vétérinaire au sein d’une clinique dans laquelle elle soignait des animaux sur rendez-vous avec leurs propriétaires, n’était pas discutée. La salariée avait été engagée dans le cadre d’une convention de forfait fixée à 216 jours par an, réduite à 198 jours par un avenant postérieur. L’employeur lui avait alors adressé un planning de ses jours de présence à la clinique, organisé en journées ou demi-journées.

Ce planning n’ayant pas été respecté par la salariée, l’employeur l’avait licenciée pour faute grave. Soutenant que sa qualité de cadre au forfait jours lui permettait une liberté totale dans l’organisation de son travail, l’intéressée avait saisi le juge prud’homal pour faire constater l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

… mais n’est pas synonyme d’une totale indépendance

La Cour de cassation répond à la salariée par un attendu de principe ferme : une convention individuelle de forfait annuel en jours n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail, indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

A noter :

La Cour reprend à l’identique un principe déjà retenu à propos d’un salarié titulaire d’une convention de forfait annuel en heures, licencié pour faute grave pour avoir refusé de se voir appliquer la nouvelle organisation du travail décidée par l’employeur (Cass. soc. 2-7-2014 n° 13-11.904 FS-PB).

Pour la cour d’appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation, l’employeur pouvait légitimement imposer à la salariée d’être présente sur le lieu de travail selon des demi-journées ou journées de travail fixes. Une telle organisation est en effet inhérente à l’activité exercée par une clinique vétérinaire, qui reçoit des patients sur rendez-vous dont l’horaire est fixé par avance.

La cour d’appel a relevé, en l’espèce, que ce mode d’organisation du travail était compatible avec la qualité de cadre autonome de la salariée, qui était libre d’organiser sa journée de travail comme elle l’entendait en dehors de ces contraintes. En particulier, la salariée restait libre de ses horaires et pouvait organiser ses interventions à sa guise.

Les juges en concluent que l’employeur était fondé à lui reprocher ses absences.

A noter :

La Cour de cassation a jugé, à plusieurs reprises, que le salarié dont l'emploi du temps et le planning des interventions sont déterminés par sa hiérarchie ne peut pas conclure une convention de forfait en jours (Cass. soc. 31-10-2007 n° 06-43.876 FS-PBR ; Cass. soc. 23-1-2013 n° 11-12.323 F-D ; Cass. soc. 15-12-2016 n° 15-17.568 F-D). Le statut de cadre autonome et un planning contraignant sont en effet antinomiques. En l’espèce, la validité de la convention de forfait jours n’était pas discutée. La salariée soutenait seulement que, du fait de cette convention, l’employeur ne pouvait pas lui imposer de respecter un planning de travail et, donc, que le non-respect de ce planning ne pouvait pas lui être reproché. C’est pourquoi les juges ont pris soin de mettre en évidence la compatibilité de l’organisation proposée par l’employeur avec le statut de cadre autonome accordé à la salariée.

Restait à se prononcer sur la qualification de la faute reprochée à la salariée. Les juges du fond ont constaté qu’elle ne respectait pas les jours de présence fixés dans son emploi du temps, se présentait à son poste de travail selon ses envies et le quittait sans prévenir ses collaborateurs. Ils en ont déduit que, compte tenu de la spécificité de son activité au sein d'une clinique recevant des clients sur rendez-vous, sa faute était suffisamment grave pour justifier la rupture immédiate de son contrat de travail. Leur analyse est approuvée par la Cour de cassation.

A noter :

La solution est, à notre connaissance, inédite, mais la qualification de la faute par les juges ne surprend pas. La Cour de cassation a déjà retenu à plusieurs reprises la faute grave de salariés dont les absences ont désorganisé l’entreprise (voir, par exemple, Cass. soc. 17-11-2015 n° 14-19.554 F-D).

Cass. soc. 2-2-2022 n° 20-15.744 F-D, K. c/ Sté Mon véto

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