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26 septembre 2024
La communauté d'idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne saurait le priver de la qualité de syndicat dès lors qu'il agit dans l'intérêt qu'il considère être celui des salariés, précise la Cour de cassation dans un arrêt publié du 25 septembre 2024.

Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense de droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts (C. trav., art. L. 2131-1).

En cas de contestation de la licéité de l’objet d’un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite.

La Cour de cassation a eu l'occasion de le répéter dans un arrêt du 12 juillet 2024 (n° 24-60.173 - voir notre article du 25 juillet 2024). Cet arrêt censurait une décision du tribunal judiciaire déclarant la candidature à l'élection professionnelle « TPE » de l'union syndicale des Gilets Jaunes (USGJ) irrecevable en raison, notamment, de la nature politique de son objet.

Remarque

les juges du fond s’appuyaient sur des articles publiés sur le site internet de l’USGJ relatifs aux questions sanitaires et sur les potentiels effets secondaires des vaccins contre la Covid-19, sujet très éloigné de la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des salariés. Ces articles permettaient, selon eux, de caractériser la nature purement politique de l’USGJ. Mais pour la Cour de cassation, les juges n’avaient pas recherché l’existence d’autres articles en lien avec la défense des droits ou des intérêts matériels et moraux des membres du syndicat. Un article dénonçant la suspension du contrat de travail des professionnels de santé ayant refusé de se faire vacciner contre la Covid-19 avait pourtant été versé aux débats.

Dans un arrêt du 25 septembre, elle a l'occasion d'affiner sa position en approuvant un tribunal judiciaire d'avoir jugé que l'USGJ a la qualité de syndicat lui permettant de désigner un représentant de section syndicale (RSS).

Un positionnement idéologique ne suffit pas à contester la licéité de l'objet d'un syndicat

Dans cette affaire, l'USGJ désigne un RSS au sein d'une société le 15 septembre 2022. Douze jours plus tard, se fondant sur l'article L. 2131-1 précité, la société saisit la justice aux fins d'annulation de cette désignation. Pour elle, l'objet de l'USGJ était illicite. 

En effet, l'union revendiquait dans ses statuts son affiliation au mouvement des Gilets Jaunes dont l'objet est exclusivement politique et menait, de fait, des actions à but éminemment politique telles que l'organisation de manifestations pour la sortie de la France de l'OTAN ou de l'UE, la destitution du Président de la République ou bien encore l'introduction d'un référendum d'initiative citoyenne.

Tous ces éléments permettaient de prouver que l'USGJ menait des actions, sinon exclusivement, du moins principalement politiques, peu important qu'elle ne soit pas l'émanation ou l'instrument d'un parti politique. Cette union ne pouvait donc revendiquer la qualité de syndicat professionnel et, en conséquence, désigner un RSS.

Les juges du fond ne suivent pas cette argumentation. Le mouvement des Gilets Jaunes n'est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune forme juridique. Dès lors, la référence du syndicat à ce mouvement « ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve de ce que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et serait la marionnette d'un parti politique ».

La décision des juges du fond est approuvée par la Cour de cassation.

Après avoir rappelé que la liberté syndicale est garantie par l'OIT (Convention n° 87) tout comme le droit syndical (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, art. 11 ; Préambule de la Constitution, 27 oct. 1946, al. 6), le contenu de l'article L. 2131-1 et le rôle du juge en cas de contestation de la licéité de l'objet d'un syndicat, la Cour de cassation fait sienne l'argumentation du tribunal judiciaire en affirmant que :

  • la référence du syndicat au mouvement des Gilets Jaunes (qui n'est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune forme juridique) ne constitue «  qu'un positionnement idéologique et non la preuve que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l'émanation d'un parti politique »  ;
  • la communauté d'idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne le prive pas de sa qualité dès lors qu'il agit dans l'intérêt qu'il considère être celui des salariés.

Si l'objet du syndicat ne doit pas être exclusivement politique, reste que l'activité syndicale a une connotation politique essentielle.

L'administration reconnaît d'ailleurs que la « négation de tout aspect politique dans l'activité des syndicats » n'est pas possible, et qu'ainsi « il ne saurait être reproché à une organisation syndicale de se livrer à une analyse des conséquences des choix politiques sur les intérêts économiques et sociaux de ses membres » (Circ. DRT n° 13, 30 nov. 1984 : BO trav., n° 84/11 bis).

La Cour de cassation rejoint donc cette position.

Un syndicat ne viole pas les valeurs républicaines en contestant le fonctionnement des institutions démocratiques

La société soutenait également le défaut par le syndicat du respect des valeurs républicaines.

Remarque

rappelons que le syndicat à l'origine de la désignation d'un RSS n'a pas besoin d'établir sa représentativité. Il doit seulement remplir à la date de désignation les conditions spécifiques d'ancienneté, de champ géographique et professionnel, de respect des valeurs républicaines et de constitution d'une section syndicale (Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-60.599 ; Cass. soc., 31 mars 2010, n° 09-60.227). C'est à l'employeur, qui conteste le respect par un syndicat des conditions exigées par les articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail, d'établir en quoi le syndicat ne répond pas au critère de respect des valeurs républicaines  (Cass. soc., 8 juill. 2009, préc. ; Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 09-60.226).

Pour elle, le syndicat diffusait régulièrement sur les réseaux sociaux et sur internet des publications « haineuses » et une contestation du fonctionnement des institutions démocratiques. Elle donne pour exemple la présence sur la page d'accueil du site internet du syndicat de la revendication suivante : « nous allons nous rendre justice grâce à des actions auxquelles les multinationales et les institutions ne sont pas préparées » et l'appel à la destitution du chef de l'Etat.

Là encore, les juges du fond réfutent l'argumentation. La preuve d'un défaut du respect des valeurs républicaines n'est pas rapportée. Si l'appel à destitution du chef de l'Etat peut être mal fondé, la procédure de destitution est prévue par la Constitution et il n'est pas fait appel à un coup de force ou à la violence.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond avaient légitimement considéré que l'organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l'appel à la destitution du chef de l'Etat ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines.

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