Les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn) et leur utilisation par les salariés posent non seulement la question de leur accès durant le temps de travail au moyen d'outils informatiques mis à disposition par l'employeur mais également, et de manière de plus en plus récurrente, la question du contrôle patronal des propos et échanges émis par les salariés impliquant l'entreprise ou des membres de son personnel et encore plus globalement la question de l'utilisation par l'employeur des informations partagées par le salarié sur ces réseaux comme moyen de preuve licite.
La jurisprudence s'attelle à la tâche depuis quelques années déjà. Dans les décisions rendues récemment, les juges font preuve d'un pragmatisme certain et tiennent compte de l'évolution des moyens et des pratiques de communication.
Un arrêt rendu par la Cour de cassation 30 mars dernier en offre une nouvelle illustration.
Dans cette affaire, un salarié licencié pour insuffisance professionnelle le 10 septembre 2014 conteste son licenciement en justice. La cour d'appel de Versailles lui donne raison en requalifiant son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais, en dépit des éléments de preuve apportés par le plaignant et s'appuyant sur un extrait de son profil LinkedIn produit par son ancien employeur, elle limite le montant des dommages et intérêts qui doivent lui être versés à 10 000 euros.
L'ex-employeur avait en effet versé aux débats un extrait du profil LinkedIn du salarié mentionnant que, d'octobre 2014 à février 2016, le plaignant avait « réalisé une étude et effectué des démarches en vue de la reprise d'une entreprise ». Ces travaux avait consisté en des « négociations commerciales et promesses d'achat avec les cédants, études et bilans comptables, études de marché, réalisation du business plan, dépôt et présentation du projet auprès des organismes bancaires ». Pour les juges du fond, cette pièce établissait que le salarié avait retrouvé un emploi depuis octobre 2014 et justifiait, en dépit d'autres pièces produites par le salarié établissant son statut de chômeur, la limitation du montant des dommages et intérêts qui lui étaient octroyés.
Remarque
le salarié avait versé aux débats une attestation délivrée par Pôle emploi de ses périodes d'inscription en continue comme demandeur d'emploi du 19 novembre 2014 au 18 mars 2018 et l'attestation Pôle emploi établie par l'employeur mentionnant qu'il avait effectué son préavis du 12 septembre au 10 novembre 2014.
Considérant que les juges du fond avaient dénaturé les documents produits par l'employeur, le salarié se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation ne revient pas sur la licéité de l'élément de preuve produit par l'employeur mais considère effectivement que la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'extrait du profil LinkedIn du salarié. Cet extrait mentionnait que le salarié avait réalisé une étude et effectué des démarches en vue de la reprise d'une entreprise, et non qu'il avait retrouvé un emploi.
L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Versailles (autrement composée) qui devra statuer à nouveau sur le montant des dommages et intérêts.
Même si la Cour de cassation donne raison au salarié, elle entérine tout de même l'emploi du profil LinkedIn comme élément de preuve.
Un élément de preuve qui peut être intéressant pour les employeurs, d'autant que, sur le profil LinkedIn d'une personne, de nombreuses informations sont libres d'accès. Compte tenu de cet accès libre, la reconnaissance du droit à la preuve s'en trouve grandement facilité.