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24 janvier 2023
Le PLFRSS portant la réforme des retraites a été présenté le 23 janvier en Conseil des ministres. Relèvement de l'âge légal de départ à 64 ans, accélération du calendrier Touraine ou encore création d'un index seniors, nous faisons le point sur le contenu de la réforme qui devrait entrer au vigueur le 1er septembre prochain.

La réforme des retraites poursuit son chemin : après une première présentation par le gouvernement le 10 janvier, deux versions du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 qui la porte ont été transmises au Conseil d’État, et le 23 janvier le texte a été présenté en Conseil des ministres. L'étude d'impact a aussi été diffusée. Retour sur les principales mesures de la réforme telle que nous la connaissons à ce stade.

Vers un âge de départ à 64 ans en 2030 et une durée de cotisation de 43 ans en 2027 (art. 7)

Actuellement un salarié du privé souhaitant partir à la retraite avec une pension complète doit remplir deux conditions cumulatives :

  • avoir atteint l'âge de départ légal requis, à savoir 62 ans ;
  • bénéficier d'une durée de cotisation suffisante. Cette durée augmente régulièrement depuis la réforme Touraine de 2014 et devait atteindre 43 ans d’ici 2035. 

Si l’âge d’annulation de la décote demeure inchangé (67 ans), la réforme modifie ces paramètres à compter du 1er septembre 2023. L'âge légal de départ est relevé de 62 à 64 ans, à raison de 3 mois de plus par année de naissance ; il atteindra donc réellement 64 ans en 2030. Quant à la durée de cotisation, elle reste fixée pour un taux plein à 43 annuités mais le calendrier Touraine est accéléré : ces 43 annuités seront nécessaires dès 2027 (ajout d’un trimestre par année et non plus d’un tous les trois ans). Cela provoque une augmentation de la durée d’assurance dès les générations nées à partir de septembre 1961 (v. tableau ci-après).

Année de naissance

Age légal (hors départs anticipés)

Durée d'assurance requise avant réforme

Durée d'assurance requise après réforme

Nombre de trimestres supplémentaires demandés

1960

62 ans

167 trimestres

167 trimestres

0

1er janvier - 31 août 1961

62 ans

168 trimestres

168 trimestres

0

1er septembre - 31 décembre 1961

62 ans et 3 mois

168 trimestres

169 trimestres

1

1962

62 ans et 6 mois

168 trimestres

169 trimestres

1

1963

62 ans et 9 mois

168 trimestres

170 trimestres

2

1964

63 ans

169 trimestres

171 trimestres

2

1965

63 ans et 3 mois

169 trimestres

172 trimestres

3

1966

63 ans et 6 mois

169 trimestres

172 trimestres

3

1967

63 ans et 9 mois

170 trimestres

172 trimestres

2

1968

64 ans

170 trimestres

172 trimestres

2

1969

64 ans

170 trimestres

172 trimestres

2

1970

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

1

1971

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

1

1972

64 ans

171 trimestres

172 trimestres

1

1973

64 ans

172 trimestres

172 trimestres

0

Modification des dispositifs de départs anticipés (art. 8)

Comme aujourd'hui, plusieurs catégories de personnes continueront de pouvoir partir plus tôt et sont donc exclues du relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans. Le PLFRSS regroupe dans une disposition générique ces dispositifs de départs anticipés, à la fois pour carrière longue, pour retraite progressive et pour des raisons liées à l’état de santé, au handicap ou à l’incapacité permanente des assurés, ainsi qu’au titre du compte professionnel de prévention (C2P). Lors de la présentation du 10 janvier, l'étendue de la réforme sur ces dispositifs, de même que les changements opérés quant aux conditions pour y avoir droit, avaient bien été expliqués (v. le tableau ci-après). En revanche, le projet de loi énonce juste que les modalités de départ anticipé seront définies par décret, « sans que la durée d’anticipation ne puisse être inférieure à deux ans, soit 62 ans » ajoute l’exposé des motifs. Il intègre tout de même d'ores et déjà le fait que le taux d’incapacité nécessaire pour saisir la commission ad hoc au moment du départ anticipé à la retraite des travailleurs handicapés sera abaissé de 80 % à 50%.

Sur les dispositifs « carrières longues », le gouvernement avait aussi fait des annonces précises : les personnes qui remplissent les conditions actuelles pourront toujours partir deux ans avant l’âge légal, donc à 62 ans lorsqu’il sera à 64 ans, un nouveau dispositif « carrières très longues » permettra de partir quatre ans avant l’âge légal, c’est-à-dire à partir de 60 ans, à la condition d’avoir validé quatre ou cinq trimestres avant 18 ans et d’avoir cotisé 44 ans, et pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans, le départ continuera d’être possible à compter de 58 ans, sous réserve d’avoir cotisé la durée d’assurance requise majorée d’une année, et non plus de deux années comme aujourd’hui. Là aussi, ces déclarations devront être confirmées par décret.

Autre nouveauté, notamment à la faveur des femmes, qui devrait être ajoutée par décret : les périodes validées au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) seront désormais prises en compte dans la durée travaillée pour partir au titre des carrières longues, dans la limite de quatre trimestres.

Âge de départ avant la réforme

Âge de départ après la réforme

Bénéficiaires des dispositifs de départs anticipés existants

Travailleurs en situation de handicap

Dès 55 ans à taux plein

Conditions :

*avoir validé un nombre minimum de trimestres, dont un nombre minimum effectivement cotisés

Dès 55 ans à taux plein

Conditions :

*seule la condition d’avoir cotisé un nombre minimum de trimestres est maintenue

Personnes invalides ou en inaptitude

Dès 62 ans à taux plein

Dès 62 ans à taux plein

Personnes atteintes d'une incapacité permanente suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle

Dès 60 ans à taux plein

Conditions :

*avoir une incapacité permanente supérieure à 20 %.

*avoir une incapacité permanente d’au moins 10 % liée à une exposition à des facteurs de pénibilité pendant au moins 17 ans

Dès 62 ans à taux plein

Conditions :

*avoir une incapacité permanente supérieure à 20 %.

*avoir une incapacité permanente d’au moins 10 % liée à une exposition à des facteurs de pénibilité pendant au moins 5 ans

Travailleurs exposés à l’amiante

Préretraite amiante dès 50 ans

Préretraite amiante dès 50 ans

Bénéficiaires des dispositifs « carrières longues »

4-5 trimestres avant 16 ans

Dès 58 ans

Conditions :

durée d’assurance cotisée majorée de deux années

Dès 58 ans

Conditions :

durée d’assurance cotisée majorée d’une année (soit 44 ans)

4-5 trimestres avant 18 ans

Dès 60 ans

Conditions : 

durée d’assurance cotisée

Dès 60 ans

Conditions :

durée d’assurance cotisée majorée d’une année (soit 44 ans)

4-5 trimestres avant 20 ans

Dès 60 ans

Conditions :

durée d’assurance cotisée

Dès 62 ans

Conditions :

durée d’assurance cotisée (soit 43 ans)

Remarque

les conditions pour bénéficier des dispositifs n’ont été intégrées dans notre tableau que si elles évoluent avec la réforme. Les âges de départ après la réforme présentés correspondent par ailleurs à ce qu'ils seront une fois les paramètres arrivés à leur plus haut niveau (64 ans pour l'âge de départ et 43 annunités). Sources : projet de loi et dossier de presse du gouvernement.

Revalorisation des petites pensions (art. 10 et 11)

Le minimum de pension augmentera, sous conditions, pour les personnes partant à la retraite à compter du 1er septembre 2023 ainsi que pour celles dont les pensions (de base du régime général, du régime des salariés agricoles et de la sécurité sociale des indépendants) ont pris effet avant cette date, autrement dit pour les retraités actuels. Le niveau de cette hausse sera fixé par décret mais il est prévu que réforme porte à 85 % du Smic net, soit 1 200 € bruts, la pension minimale des personnes ayant fait une carrière complète au Smic, ce qui équivaudrait à une augmentation de 100 € par mois (augmentation maximale de 25 € du minimum de pension de base et de 75 € de la majoration du minimum de pension). Pour les assurés éligibles mais ne présentant pas une carrière complète, la majoration de 100 € sera proratisée en fonction du nombre de trimestres cotisés.

L’indexation sur le Smic sera inscrite dans la loi afin que le dispositif soit pérenne et, une fois liquidées, les pensions concernées resteront indexées sur l’inflation.

Dans ce même objectif d’augmenter les petites pensions, notamment des femmes ayant eu des carrières hachées, les périodes validées au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) seront comptabilisées dans le calcul du minimum de pension majoré. Une validation de trimestres sera pareillement rendue possible pour tous les aidants familiaux contraints de réduire ou d’interrompre leur activité pour s’occuper d’un proche et pour les personnes ayant effectué des stages dits de « travaux d’utilité collective » (TUC).

Prise en compte de la pénibilité et de l’usure professionnelle (art. 9)

Dans le volet « prévenir l’usure professionnelle », de nombreuses mesures sont été mobilisées :

  • un accès élargi au compte professionnel de prévention (C2P). Les points seront acquis plus rapidement pour les salariés exposés à plusieurs risques et sans limite de nombre (plafond de 100 points actuellement) ; un point au C2P ouvrira un droit de 500 € de financement de formation, contre 375 € aujourd’hui. Les seuils des principaux facteurs d’exposition aux risques professionnels seront abaissés, comme celui sur le travail de nuit, ce qui fera entrer davantage de salariés dans le dispositif. Toutefois, bien que l’exposé des motifs du projet de loi annonce que le seuil de reconnaissance du travail de nuit passera de 120 à 100 nuits par an et celui du travail en équipes successives alternantes de 50 à 30 nuits, cette mesure relève du domaine réglementaire et sera prise de manière autonome par rapport au texte. 
  • la création d’un droit à la reconversion pour faciliter les changements de carrière des bénéficiaires du C2P. 60 points acquis sur le compte permettront ainsi de financer une formation longue et qualifiante de 30 000 €.
  • un nouveau fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, doté d‘un montant fixé chaque année par arrêté (un milliard d’euros sur la durée du quinquennat selon les annonces du gouvernement). Son mode de fonctionnement, ou encore les modalités de gestion et d’affectation de ses ressources seront précisés par décret en Conseil d’État. Créé à destination de salariés exerçant les métiers les plus exposés aux facteurs de risques ergonomiques, il financera des actions de sensibilisation, de prévention, de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle. Ces salariés bénéficieront par ailleurs d’un suivi renforcé de la médecine du travail à compter de la visite médicale de mi-carrière qui intervient aux 45 ans, mais aussi de dispositifs d’adaptation du poste de travail et d’un accès renforcé à la reconversion professionnelle.
  • une visite médicale de fin de carrière pour les salariés les plus exposés aux risques d’usure professionnelle. Elle sera rendue obligatoire à 61 ans pour permettre un départ anticipé à tous ceux qui ne sont pas en mesure de continuer à travailler et sont ainsi reconnus inaptes au travail.

Mesures en faveur de l’emploi des seniors (art. 2 et 13)

Pour que la réforme produise les effets escomptés, le taux d’emploi des seniors, qui est actuellement un des plus bas d'Europe (56 % des 55-64 ans en 2021) doit augmenter. Pour cela, il est prévu que les transitions entre l’activité et la retraite soient favorisées en facilitant l’accès à la retraite progressive et en l’ouvrant à la fonction publique ainsi qu’à l’ensemble des travailleurs indépendants. Notamment, en cas de demande d’accès à la retraite progressive de la part d’un salarié ayant atteint l’âge requis, l’accord de l’employeur sera réputé acquis à défaut de réponse de sa part dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande. Seule l’incompatibilité de la durée souhaitée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise pourra justifier un refus. Un décret viendra définir les conditions dans lesquelles la demande du salarié devra être effectuée. 

Dans la même optique, le cumul emploi-retraites deviendra créateur de droits et ses conditions d’exercice pourraient être déplafonnées en cas de crise. Plus précisément, le projet de loi prévoit la possibilité de suspendre temporairement par décret les plafonds de revenus applicables en matière de cumul emploi-retraite plafonné pour certaines activités lorsque des circonstances d’une exceptionnelle gravité liées à la situation sanitaire, sociale, économique, ou environnementale, ou aux besoins de maintien de l’ordre public, nécessitent en urgence la poursuite ou la reprise d’activité par les assurés susceptibles de les exercer. Ces dérogations pourroent être prises pour une durée maximale d’un an, renouvelable pour 6 mois maximum.

Un index senior sera aussi créé, avec une obligation de publication annuelle pour les entreprises de plus de 1 000 salariés dès le 1er novembre 2023, et celles de plus de 300 salariés dès le 1er juillet 2024. A défaut, elles se verront infliger des sanctions financières d’un montant fixé par l’autorité administrative dans la limite de 1 % de la masse salariale. Les modalités précises de l’index ne sont pas encore connues puisque la liste des indicateurs ainsi que la méthodologie applicable et les modalités de publication et de transmission à l’administration compétente seront fixées par décret, après concertation avec les organisations syndicales. Le projet de loi indique quand même qu’une convention de branche étendue pourra adapter la liste des indicateurs fixée par le décret et s’y substituera pour les entreprises de la branche concernée. L’emploi des seniors deviendra aussi un objet obligatoire de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) en s’appuyant sur les indicateurs de l’index. Cette obligation de négociation suivra le même calendrier que celui de la publication de l’index indique l’exposé des motifs.

Remarque

s'il avait été annoncé qu'une négociation serait ouverte dès 2023 avec les partenaires sociaux pour mettre en place le compte épargne-temps universel (CETU), avec pour but notamment de permettre à tous les actifs de mettre de côté leurs RTT ou jours de congés non pris dans l’année pour pouvoir choisir, plus tard, d’aménager leur temps de travail, cet élément n'est pas repris dans le PLFRSS.

Fermeture des régimes spéciaux (art. 1er)

La réforme acte la fermeture des régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la branche des industries électriques et gazières (IEG), des clercs et employés de notaires, des personnels de la banque de France ainsi que des membres du Conseil économique social et environnemental (CESE). Néanmoins, seuls les nouveaux embauchés recrutés à compter du 1er septembre 2023 dans ces régimes, à l’image de ce qui avait été retenu pour la fermeture du régime spécial de la SNCF, seront affiliés au régime général.

Les régimes autonomes (professions libérales et avocats, marins, Opéra de Paris, Comédie Française) ne seront pas concernés par cette fermeture.

Le décalage progressif de deux ans de l’âge légal et l’accélération du passage à 43 annuités pour un départ à taux plein s’appliqueront aux salariés actuels en tenant compte de leurs spécificités. En conséquence, les dispositions à cette fin seront prises par décret au premier semestre 2023 après consultation des régimes concernés, pour une entrée en vigueur des nouvelles règles relatives à l’âge de départ en 2025.

Le calendrier de l'examen de la réforme

Après la présentation en Conseil des ministres qui a eu lieu le 23 janvier, c'est l'Assemblée nationale qui discutera du projet de loi en commission des affaires sociales à partir du 30 janvier, puis en séance publique du 6 au 17 février 2023.

Comme tout projet de budget de financement de la sécurité sociale ou de budget rectificatif, l'examen du texte est encadré par l’article 47-1 de la Constitution. De fait, si les députés n'adoptent pas dans les 20 jours le texte en première lecture, le gouvernement transmettra son texte initial au Sénat, modifié des éventuels amendements des députés qu'il aura retenus. Le Sénat disposera alors de 15 jours pour le voter. En cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire interviendra. Si elle échoue, le texte devra être examiné en nouvelle lecture.

Si, dans un délai de 50 jours dont l'issue est prévue le 26 mars 2023, le Parlement n'a pas définitivement adopté le projet de loi, la Constitution permet au gouvernement de prendre une ordonnance pour mettre en oeuvre la réforme.

Les conséquences prévues de la réforme

Selon l'étude d'impact jointe au PLFRSS, la hausse de l'âge moyen de départ après la réforme serait « relativement contenue », et s'établirait à « un niveau nettement inférieur à un an malgré le relèvement de deux années de l’âge légal ». Le niveau des pensions se trouverait par ailleurs améliorer, notamment pour les assurés les plus modestes, du fait de la revalorisation du minimum de pension. Enfin, ce serait les femmes qui seraient les plus touchées, avec une augmentation de la pension plus importante, mais aussi un relèvement de l’âge moyen de départ plus notable : + 7 mois contre + 5 mois pour les hommes pour la génération 1966. De nombreuses critiques persistent néanmoins quant aux bénéfices réels de la réforme.

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Elise DRUTINUS
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