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28 mars 2023
Depuis le 23 mars 2023, le Ramadan a démarré en France pour les musulmans pratiquants. Pendant un mois, les intéressés vont s’abstenir de manger et de boire entre le lever et le coucher du soleil. Cette pratique religieuse doit-elle être prise en compte au niveau de l’entreprise ? Tour d’horizon des principes à respecter.
Ramadan : quels droits et obligations pour le salarié et l'employeur ?
©Gettyimages

De manière générale, l'employeur doit respecter les opinions et les convictions religieuses de ses salariés. Il ne peut apporter de restrictions à cette liberté que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Ce droit est garanti par l'article 9 de la convention européenne des droits de l'Homme, selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion mais également par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi ».

De son côté, l'article L 1121-1 du Code du travail énonce que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». D’ailleurs, la distinction opérée entre les salariés en raison de leurs convictions religieuses constitue une discrimination prohibée (C. trav. art. L 1132-1). En effet, cet article prévoit que le salarié ne peut pas être discriminé en raison de sa religion. En cas contraire, l’employeur s’expose des sanctions pénales : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (C. pén. art. 225-1 et 225-2).

Toutefois, le salarié ne peut pas réclamer un traitement particulier en raison de ses croyances, sauf stipulation contractuelle ou usage en ce sens (Cass. soc. 24-3-1998 n° 95-44.738 PB).

En pratique, les questions liées à la pratique du Ramadan en entreprise ne paraissent pas occasionner de nombreux conflits. Il semble que dans les entreprises, cette question est le plus souvent gérée de façon pragmatique et sereine (Délib. Halde 2011-67 du 28-3-2011). C’est ce qui ressort également du dernier baromètre du fait religieux en entreprise 2020-2021. Si dans plus des deux tiers des entreprises françaises, la présence de faits et comportements religieux est repérée (il s’agit le plus souvent de demandes d’absence, d’aménagement de plannings), « dans la majorité des situations, les faits religieux n’ont pas ou rarement d’effets négatifs » (Institut Montaigne, étude mai 2021 p. 52 s.). L’industrie concentre une part significative des situations marquées par le fait religieux, suivie par le transport et la logistique, le BTP ainsi que le commerce et la grande distribution. Les comportements des salariés pratiquants sont perçus comme peu perturbateurs et ne gênant pas la bonne réalisation du travail (70,1 %) (Institut Montaigne, étude, mai 2021 p. 22) et dans 58 % des situations, les dysfonctionnements liés au fait religieux sont faibles (Institut Montaigne, étude mai 2021 p. 53).

La ligne de conduite à suivre pour l’employeur face à des questions en lien avec le Ramadan doit ainsi reposer sur la conciliation de plusieurs principes :

  • la liberté fondamentale de religion (liberté de croire et de pratiquer) à laquelle seules des restrictions justifiées et proportionnées doivent être apportées ;
  • le pouvoir de direction et d’organisation de l’employeur ;
  • la nécessité de traiter toute demande du salarié sans prise en compte du motif religieux afin d’éviter toute sanction discriminatoire ;
  • le respect des obligations contractuelles du salarié et des accords collectifs ou usages existants ;
  • l’obligation de l’employeur en matière de sécurité et d’hygiène.

Pour apporter des réponses concrètes aux questions que peuvent se poser employeurs et salariés sur le fait religieux en entreprise, le ministère du travail a édité un « Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées », dont la dernière mise à jour date de janvier 2023.

Nous passons en revue les questions pouvant se poser pendant cette période.  

Durée du travail et Ramadan

Le salarié peut-il exiger un aménagement de ses horaires de travail pendant le Ramadan ?

En principe non. L’employeur n’est pas obligé d’aménager les conditions de travail des salariés qui pratiquent le Ramadan car l’organisation du temps de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur, qui définit les horaires correspondant à la bonne marche de l’entreprise (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 36).

Le salarié concerné doit donc, en principe, exécuter son contrat de travail sans modification et ne peut pas invoquer sa religion pour obtenir une telle modification de ses horaires.

Il convient néanmoins de se reporter aux clauses du contrat qui peuvent avoir prévu une telle possibilité. Certaines conventions collectives prévoient également des aménagements.

Le refus de l’employeur ne doit toutefois pas être motivé par les convictions religieuses du salarié mais par la désorganisation de l’entreprise que cela pourrait générer.

En tout état de cause, l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord sur un aménagement temporaire des horaires de travail.

Un salarié peut-il commencer son travail plus tôt pour terminer sa journée plus tôt en supprimant la pause déjeuner ?

En principe, le salarié ne peut pas modifier ses horaires de travail sans l’accord de l’employeur. Dans certains secteurs, par exemple, dans le bâtiment, il peut être toutefois d’usage de supprimer la pause déjeuner et de faire une journée continue.

C’était le cas d’un salarié du bâtiment qui avait été sanctionné par son employeur par un avertissement pour avoir quitté son poste plus tôt. La cour d’appel a admis l’usage pendant la période de Ramadan de travailler sans pause pratiqué par l’employeur comme un motif pouvant justifier le départ anticipé du salarié de son poste de travail (CA Aix-en-Provence 24-11-2017 n° 15/20885).

Congés, autorisations d’absence et Ramadan

Le salarié peut-il réclamer des congés payés au motif qu’il pratique le Ramadan ?

Un salarié n’est pas tenu de justifier du motif religieux de sa demande de congé. S’il le fait, l’employeur n’est pas pour autant dans l’obligation de lui accorder ce congé (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 32). Toutefois, l’employeur ne peut pas refuser des congés payés à un salarié pour motif religieux. Sa réponse doit donc être fondée sur des raisons objectives étrangères à toute discrimination. Il doit prendre sa décision au regard de l’organisation du travail et des nécessités du service et traiter la demande de congés comme toute autre demande.

Le salarié peut-il s’absenter pour motif religieux pendant le Ramadan ?

Oui, à condition d’obtenir l’autorisation préalable de l’employeur. Tout salarié qui s’absente sans autorisation, quel qu’en soit le motif, commet une faute (Guide pratique Min. trav. janv. 2023 n° 11). La sanction prise par l’employeur doit toutefois être proportionnée au contexte et tenir compte de différents critères : l’impact pour les autres salariés, les clients éventuels ; le caractère exceptionnel ou au contraire répété de ces absences. Dans sa décision du 29 juillet 2014, le Défenseur des droits recommande aux employeurs de proscrire toute interdiction générale d’absence pour motifs religieux et au contraire d’apprécier, de façon concrète, le caractère compatible ou non d’une demande d’autorisation d’absence avec les nécessités de service (Déc. Défenseur des droit MLD 2014-061 du 29-7-2014, à propos d’un agent territorial mais cette appréciation au cas par cas nous semble transposable au secteur privé).

Il est tout à fait possible au salarié de négocier dans le cadre de son contrat de travail une clause précisant qu’il peut s’absenter à l’occasion de certaines fêtes religieuses. Il peut également se reporter à un usage ou une convention collective prévoyant de telles possibilités (sur la possibilité de licencier le salarié dans ces hypothèses, voir ci-dessous).

Un employeur doit-il accorder à un salarié le droit de remplacer les jours chômés prévus dans l’entreprise par des jours de fêtes correspondant à la période de Ramadan ?

Si l’entreprise est fermée, par exemple, pendant la période entre Noël et Nouvel An et que le salarié, souhaite reporter les dates de fermeture sur la période du Ramadan, l’employeur n’a pas l’obligation de lui accorder ce droit.

Il peut l’inviter à prendre des congés payés ou une journée de RTT ou, le cas échéant, lui accorder une autorisation exceptionnelle d’absence pour fête religieuse (Guide pratique min. trav. janvier 2023  n° 33).

L’employeur ne doit toutefois pas faire de distinction entre les salariés selon leur religion, sous peine d’être sanctionné pour discrimination.

Un employeur ayant accordé un congé motivé par une obligation religieuse doit-il faire droit à la demande d’un autre salarié pour le même motif ?

Le congé accordé à un salarié par un employeur ne doit jamais être accordé pour un motif religieux, même si le salarié invoque ce motif. Une décision favorable de l’employeur doit être justifiée par le bon fonctionnement de l’entreprise. Attention donc à ne pas laisser planer d’ambiguïté.

La seule circonstance que le salarié qui invoquait un motif religieux ait obtenu ce congé n’impose pas à l’employeur de faire droit à la nouvelle demande dont il est saisi (Guide pratique min. trav. janvier 2023  n° 34).

En cas de demandes simultanées qui ne pourraient toutes être satisfaites au même moment, il faudrait, à notre sens, que l’employeur applique les critères d’ordre des départs en congés conformément à l’article L 3141-16 du Code du travail, selon les critères définis par accord ou, à défaut, par le Code du travail (ancienneté, situation de famille etc.).

Alimentation, repas et Ramadan

Est-ce que le salarié peut refuser de participer à un repas d’affaires pendant le Ramadan ?

Si la participation à un repas d’affaires fait partie intégrante de la fonction du salarié, comme cela peut être le cas pour des commerciaux, il ne semble pas possible pour le salarié de refuser d’y participer (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 12).

En revanche, si sa présence peut être obligatoire, il n’est pas contraint de prendre effectivement le repas. En tout état de cause, il peut être utile d’en parler à son employeur pour tenter d’obtenir un compromis. Et « pour éviter une telle situation, inconfortable pour tous », l’employeur organisant le repas est invité à s’assurer, en amont, des éventuelles contraintes alimentaires des personnes présentes (clients et salariés) (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 12).

En tout état de cause, un refus du salarié pourra être sanctionné pour non-exécution de ses obligations contractuelles pouvant aller jusqu’à une rupture de son contrat de travail.

Le salarié peut-il obtenir l’indemnité repas pendant la période de Ramadan ?

De nombreuses conventions collectives prévoient l’attribution d’indemnités forfaitaires aux salariés exposant des frais, notamment en matière de repas à l’occasion de leur travail.

En principe, le salarié n’a pas à justifier des frais réellement engagés pour en obtenir le paiement (Cass. soc. 19-5-1988 n° 87-41.602 P). Le salarié qui pratique le Ramadan pourrait donc tout à fait continuer à percevoir cette indemnité.

Il est toutefois nécessaire de se reporter à la convention collective applicable. Il a en effet, été jugé que lorsque la convention collective prévoit qu’aucune indemnité de repas n’est due par l’employeur qui fournit gratuitement le repas, les salariés qui se sont volontairement abstenus de manger ne peuvent pas prétendre à une telle indemnité, y compris pendant la période de Ramadan (Cass. soc. 24-4-1990 n° 87-43.248 D ; Cass. soc. 5-6-1986 n° 83-43.454 P ; Cass. soc. 16-2-1994 n° 90-46.077 P). Il en est de même si l’employeur rembourse intégralement la note de restaurant des ouvriers en déplacement. L’ouvrier qui refuse de manger au restaurant afin de se conformer aux règles d’alimentation imposées par sa religion ne peut pas prétendre à une indemnité de repas (Cass. soc. 30-1-2002 n° 00-40.805 F-D).

Le salarié peut-il refuser de travailler dans un lieu où sont servis des repas ?

L’employeur peut sanctionner le salarié qui refuse d’exécuter l’une des tâches pour lesquelles il a été embauché. Si le salarié qui travaille, par exemple, dans une cantine d’entreprise refuse de servir les repas ou de cuisiner les plats, il commet une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 9). La jurisprudence a également considéré que l’employeur pouvait légitimement refuser de muter dans un autre service un salarié, recruté comme boucher, qui refusait en raison de ses convictions religieuses d’être en contact avec de la viande de porc (Cass. soc. 24-3-1998 n° 95-44.738 PB).

Pour autant, pendant la période limitée du Ramadan, l’employeur peut rechercher s’il est possible d’affecter temporairement le salarié à une autre fonction (la plonge, par exemple, dans le cas précité).

Un employeur peut-il imposer à un salarié, animateur, de partager le même régime alimentaire que les jeunes ?

S’il peut paraître justifié de demander aux animateurs des centres de vacances et de loisirs de participer aux repas et de goûter les aliments, notamment avec les jeunes enfants, il en va autrement lorsque l’employeur impose aux animateurs un régime alimentaire en partageant les repas avec les enfants, dans des conditions strictement identiques.

Cette règle a pour effet d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes désireuses de suivre un régime alimentaire, en raison de leurs convictions religieuses ou de leur état de santé (Délib. Halde 2008-10 du 14-1-2008). Le salarié peut donc légitimement refuser de partager les repas des enfants.

L’employeur peut-il contraindre le salarié à rompre le jeûne pendant le Ramadan s’il estime que cela fait obstacle à l’exécution du contrat de travail ?

L’employeur ne peut pas contraindre le salarié à rompre le Ramadan car cette injonction constituerait une restriction à la liberté de religion du salarié qui constitue une liberté fondamentale (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 14).

L’employeur ne peut pas justifier le licenciement pour « désorganisation de l’entreprise » d’un salarié de confession musulmane, qui travaille en équipe de nuit de 20 heures à 4 heures du matin et qui fait une pause d’une demi-heure pendant le Ramadan pour prendre un casse-croûte (CA Paris 6-6-1991 n° 37011/90).

L’employeur doit toutefois tenir compte d’impératifs de santé (voir ci-dessous).

L’employeur peut-il organiser un moment de partage au moment de l’Aïd-El-Kebir ?

Selon le ministère du travail, rien ne l’interdit mais cet « évènement ne doit pas exclure certains salariés. Tous doivent y être conviés et chacun doit pouvoir y participer s’il le souhaite, sans discrimination » (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 25).

Obligation de sécurité de l’employeur et Ramadan

L’employeur peut-il imposer des activités « pénibles » à son salarié pendant le Ramadan ?

L’employeur est tenu à l’égard de ses salariés à une obligation de sécurité en matière de santé et d’hygiène. Si la pratique du Ramadan peut avoir des conséquences sur la santé du salarié, notamment en termes de fatigue et qu’il est par ailleurs affecté à des tâches pénibles ou à risque (travail dans la chaleur, poste dangereux…), l’employeur peut avoir intérêt à prévoir des aménagements : changement de poste temporaire, modifications d’horaires. Salarié comme employeur peuvent consulter le médecin du travail.

Pour se prononcer, l’employeur doit prendre en compte la nature du poste occupé et les horaires de travail. La situation d’un grutier et celle d’un agent administratif ne s’apprécient pas de la même façon (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 14). Il doit également mettre en balance les conséquences du jeûne, de nature à mettre ou non en péril la sécurité du salarié lui-même mais également celle de ses collègues ou de tiers intéressés.

L’employeur dispose de plusieurs solutions :

  • il peut procéder à un changement temporaire d’affectation sans que cela ne constitue une sanction disciplinaire (Cass. ass. plén. 6-1-2012 n° 10-14.688 PBRI) ;
  • il peut retirer le salarié de son poste de travail si cela s’avère nécessaire pour des motifs de précaution et de préservation de la santé et de la sécurité, s’il n’est pas possible de l’affecter ailleurs. Pendant la période non travaillée, il n’est pas tenu de maintenir la rémunération du salarié (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 14) ;
  • il peut aménager les horaires du salarié si cela est compatible avec l’organisation du travail et la bonne marche de l’entreprise (Guide pratique min. trav.  janvier 2023 n° 14).

L’ensemble de ces solutions doit être discuté avec le médecin du travail, et le cas échéant, si plusieurs personnes sont concernées, soumis aux représentants du personnel.

Le salarié peut-il être licencié pour s’être allongé au travail pendant le Ramadan ?

Le seul fait pour un agent de surveillance pris de malaise en raison de la fatigue éprouvée en raison du Ramadan, de s'être allongé par terre, d'avoir retiré ses chaussures et élevé ses jambes à la verticale ne peut pas, au vu de la situation médicale constatée, constituer une faute justifiant son licenciement (CA Douai 30-3-2007 n° 06-1288).

L’employeur peut-il s’exonérer de sa faute en cas d’accident du travail ?

L’employeur se doit de prévenir les accidents du travail pouvant être liés à la pratique du Ramadan : déshydratation, malaise sur le lieu de travail…. Toutefois, il n’est pas toujours évident pour l’employeur de déterminer si le salarié pratique ou non le Ramadan dans la mesure où il ne peut pas l’interroger à ce sujet.

C’est pourquoi, lorsque des accidents du travail surviennent, l’employeur peut être tenté de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’état de faiblesse de la victime pratiquant le jeûne pendant le Ramadan. C’était le cas d’un salarié qui avait fait une chute alors qu'il circulait dans les escaliers de l'entreprise pendant son temps de travail et s'était blessé au bas du dos. La cour d’appel a toutefois écarté l’argument jugeant que « l'attribution du malaise au jeûne du Ramadan est loin d'être pertinente, dès lors que l'accident s'est produit à 8h30 du matin et que le jeûne n'est pratiqué par les musulmans que pendant la période diurne de la journée, laquelle venait de débuter depuis moins de deux heures » (CA Nancy 20-7-2007 n° 06/00375).

De la même façon, la cour d’appel a écarté l’argument de l’employeur tenant à une fatigue du salarié du fait du jeûne qu'il observait en période de Ramadan. L’intéressé avait été victime d'un accident du travail, en accompagnant le déplacement d'un compresseur suspendu par un câble au godet d'un tracto-pelle conduit par un collègue, sa jambe ayant été happée par la roue de l'engin. Pour les juges du fond, l’employeur avait nécessairement conscience du danger pour le salarié dans la mesure où l’utilisation de ce matériel n’était pas appropriée dans cette situation (CA Nîmes 4-4-2002 n° 00/03232). 

À l’inverse, le salarié ne peut pas prétendre être victime d’un accident du travail pour justifier une absence. Si un accident du travail est déclaré, la caisse primaire d’assurance maladie vérifiera la matérialité de l’accident déclaré comme dans toute procédure en la matière. Dans un litige opposant un salarié qui s’estimait victime d’un accident du travail avec son employeur, une cour d’appel a jugé qu’il existait un doute sur la matérialité de l’accident alors que le salarié avait affirmé quelques jours plus tôt vouloir se mettre en arrêt de travail durant la période du Ramadan, suite aux remontrances de son employeur à propos de ces temps de pause pendant cette période et qu’au surplus, il n’y avait aucun témoin et que la lésion n’était pas visible (CA Amiens 14-6-2021 n° 19/03557).  

Licenciement et Ramadan

Un salarié peut-il être licencié pour s’être absenté sans autorisation en période de Ramadan ?

Une absence non autorisée peut, le cas échéant, aboutir à un licenciement (voir ci-dessus) mais la jurisprudence apprécie les faits en fonction des circonstances de chaque espèce.

Le licenciement a, par exemple, été reconnu justifié, mais sans reconnaissance d’une faute grave, à propos :

  • d'une salariée de religion musulmane qui n'était pas venue travailler le jour de la fête de l'Aïd el-Kebir, malgré le refus de son employeur de l'y autoriser (Cass. soc. 16-12-1981 n° 79-41.300 P). Dans cette affaire, la personne qu'elle prétendait avoir avisée 8 jours à l'avance de son intention de s'absenter n'était que la femme de son contremaître et l'employeur soutenait n'avoir été mis au courant que la veille, par des rumeurs ; par ailleurs, l'absence de l'intéressée avait ce jour-là empêché une livraison importante. Toutefois, la faute grave n’a pas été retenue compte tenu des circonstances (absence non autorisée d'un seul jour) ;  
  • d’un employé quittant son travail un vendredi soir avant l'heure normale afin de respecter une obligation impérative imposée par la pratique de sa religion alors qu’il avait refusé l'aménagement d'horaire proposé par l'employeur qui lui aurait permis d'être libre l'après-midi (CA Paris 10-1-1989) ;
  • d’un salarié qui s’est absenté sans autorisation pour préparer le Ramadan (CA Besançon 6-1-1995).

Un salarié peut-il être licencié pour avoir insulté un collègue pratiquant le Ramadan ?

La Cour de cassation considère que les propos racistes tenus par un salarié à l’encontre d’un autre sont nécessairement constitutifs d’une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis (Cass. soc. 25-1-1995 n° 93-42.610 ; Cass. soc. 5-12-2018 n° 17-14.594 F-D ; Cass. soc. 2-6-2004 n° 03-45.269 FS-PBRI).

C’est ce qu’a, par exemple, reconnu une cour d’appel à propos d’un salarié qui avait insulté un de ces collègues de travail de « sales arabes pendant le Ramadan de merde on dirait des zombies derrière des lunettes de soleil, ils dorment debout » (CA Metz 15-1-2021 n° 19/00094).

De même, une faute grave a été reconnue à l’encontre d’un salarié qui, se prononçant à propos de la démission d’un collègue avait dit : « mon seul petit blanc dans l'équipe me lâche aussi et les autres sont plus concernés par le Ramadan que par leur travail » (CA Colmar 29-9-2020 n° 19/04547).

Un salarié fautif peut-il invoquer la pratique du Ramadan à titre de circonstance atténuante ?

Tout salarié doit respecter ses collègues au travail et l’état de fatigue pouvant être induit pas la pratique du Ramadan ne peut pas justifier un acte de violence. La Cour de cassation ne s’est pas, à notre connaissance, prononcée sur cette question, mais on peut raisonner par analogie avec la maternité : la fatigue causée par l’état de grossesse peut être retenue par les juges à titre de circonstance atténuante, lorsqu’ils sont saisis d’un litige relatif au degré de gravité de la faute commise par une femme enceinte. Mais cette circonstance n’est pas de nature à excuser des faits de violence, qui sont généralement qualifiés de faute grave (en ce sens : Cass. soc. 31-3-2016 n° 15-13.069 F-D : RJS 6/16 n° 408 ; Cass. soc. 30-11-2016 n° 14-18.305 F-D).

L’état de fatigue lié à la pratique du jeûne pourrait en revanche être invoqué à titre de circonstance atténuante par un salarié à qui il serait reproché une mauvaise exécution de son travail, dès lors que la faute invoquée est ponctuelle et a été commise pendant la période du Ramadan.

Recours au CDD

Un employeur peut-il avoir recours à un ou plusieurs CDD en période de Ramadan ?

L’employeur peut recruter en CDD pour remplacer des salariés qui s’absenteraient pour pratiquer le Ramadan, ou si cette période occasionne un accroissement temporaire d’activité dans son entreprise. Il doit toutefois pouvoir être en mesure de justifier d’un tel accroissement d’activité sur cette période (en ce sens : CA Aix en Provence 25-9-2020 n° 18/03199).

 Comportement dans l'entreprise

 L'employeur peut-il permettre au salarié de disposer des objets religieux en lien avec le Ramadan dans son espace de travail ?

Selon le guide du ministère du travail, un salarié peut être autorisé à disposer des objets personnels, y compris religieux, dans son espace personnel, à la condition que cela ne provoque pas un trouble objectif dans l'entreprise  (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 21). En pratique, cette possibilité sera à géométrie variable, selon que le salarié dispose d'un bureau individuel ou partagé, ou selon qu'il est en contact ou non avec la clientèle. 

L'entreprise peut toutefois l'interdire dans le cadre d'une politique de neutralité de l'entreprise respectant les exigences posées par la loi et la jurisprudence nationale et européenne. Il est admis, par exemple, une politique de neutralité visant à protéger la sécurité et la santé des salariés. Dans ce cas, une éventuelle interdiction ne doit pas être motivée par un caractère religieux mais en raison de sa conséquence en matière de sécurité, d’hygiène ou d’organisation du travail. Une politique de neutralité peut également être édictée en vue de la prévention des conflits sociaux à condition de démontrer que cette mesure répond à un besoin véritable de l’entreprise, notamment au regard de l’existence de tensions en relation avec des convictions politiques, philosophiques ou religieuses des salariés (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 16).

Si rien n'est prévu dans le règlement intérieur, une interdiction pourrait être possible si elle correspond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, c’est-à-dire si le port d'un signe religieux sur soi ou dans son espace de travail empêche la bonne exécution du travail (Guide pratique min. trav. janvier 2023 n° 17).

Documents et liens associés

Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées 

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