Le recours en excès de pouvoir est un recours contentieux en annulation formé devant le tribunal administratif, ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet, conformément aux principe généraux du droit, le respect de la légalité (interne ou externe).
Ainsi, tout document de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, telles que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peut donner lieu à ce recours lorsqu'il est susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés de les mettre en oeuvre (CE, 12 juin 2020, n° 418142).
Les commentaires publiés par la direction de la Sécurité sociale dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) répondent-ils à la définition donnée par le Conseil d'Etat dans la décision précitée et, à ce titre, peuvent-ils faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant les juridictions administratives ?
Dans une décision du 14 mars 2022, le Conseil d'Etat répond par l'affirmative à cette question, certes implicitement.
En effet, en répondant au recours qui lui était présenté sur le fond, il reconnaît que la contestation portée, en l'espèce, par l'Alliance de la presse d'information générale, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine et la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée à l'encontre des commentaires publiés le 31 mars 2021 au BOSS relatifs au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS), était recevable.
Les organisations professionnelles précitées contestaient devant les juridictions administratives la subordination de l'application de la DFS par l'employeur à la production de justificatifs démontrant que le salarié supporte effectivement des frais professionnels (BOSS-FP-2140, notamment).
Remarque : rappelons que, jusqu'au 31 mars 2021, la seule appartenance à la liste des professions concernées suffisait à appliquer la DFS. Mais aujourd'hui, faire partie de la liste des professions ouvrant droit à la DFS ne suffit plus. Le salarié doit également supporter effectivement des frais lors de son activité professionnelle et pour appliquer cette déduction, l'employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. Cette nouvelle condition, qui durcit considérablement l'application de la DFS, s'applique en principe depuis le 1er avril 2021. Toutefois, en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu'au 31 décembre 2022, l'Urssaf procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l'avenir.
A l'appui de leur demande en annulation des paragraphes 2120 à 2250 (chapitre 9 du BOSS), elles soutenaient entre autres que :
- les commentaires litigieux méconnaissaient le sens et la portée de l'arrêté du 20 décembre 2002 en ajoutant que, pour appliquer la DFS, l'employeur doit démonter, justificatifs à l'appui, que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels ;
- l'abattement fiscal octroyé aux journalistes faisait présumer l'utilisation des frais professionnels de ces professions conforme à leur destination, présomption faisant obstacle à ce que des justificatifs du caractère effectif de l'exposition de tels frais soient requis pour la détermination des cotisations sociales dues ;
- justifier du caractère effectif des frais professionnels est susceptible de porter atteinte à la liberté de la presse ou au secret des sources.
Le Conseil d'Etat rejette toutes les conclusions présentées par les organisations professionnelles et considère la demande d'annulation des dispositions attaquées infondée.