En réponse à la crise des « gilets jaunes », une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) (ou « Prime Macron ») a été instaurée en 2019. Elle a été reconduite en 2020, puis réactivée du 1er juin 2021 au 31 mars 2022. Bien qu'elle ne soit plus versée à l’heure où nous rédigeons ces lignes, la PEPA fait partie des mesures annoncées par Emmanuel Macron dans le cadre de sa campagne présidentielle. Il envisagerait de tripler son montant et de la pérenniser.
Rappel des principes de la prime Macron (PEPA)
La PEPA (ou prime Macron) telle que versée jusqu’au 31 mars dernier était versée par tout employeur sur la base du volontariat, et bénéficiait d’une exonération d’impôt sur le revenu et de toute cotisation sociale ou contribution dès lors qu’elle :
- bénéficiait aux salariés dont la rémunération était inférieure à 3 Smic sur les 12 mois précédant son versement ;
- était versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022 ;
- ne se substituait à aucun élément de rémunération.
Son montant exonéré était plafonné à 1 000 € mais pouvait être porté à 2 000 € pour :
- les entreprises ayant signé un accord d’intéressement ;
- les entreprises de moins de 50 salariés, sans conditions ;
- les travailleurs de la deuxième ligne, lorsque des mesures de revalorisation étaient engagées.
Pour mettre la PEPA en place, fixer son montant, le plafond de rémunération et l’éventuelle modulation du niveau de la prime par bénéficiaire, l’employeur pouvait :
- conclure un accord d’entreprise ou de groupe ;
- prendre une décision unilatéralement.
Dans tous les cas, il ne devait créer, par le versement de cette prime, aucune inégalité de traitement entre les salariés. Il devait veiller à justifier, par des raisons objectives et pertinentes, les éventuels critères d’attribution de la prime. C’est ce que rappelle cet arrêt du 16 mars 2022, bien que la Cour de cassation n’ait pas retenu l’inégalité de traitement in fine.
Exemple jurisprudentiel : attention à l'inégalité de traitement
Dans cette affaire, le salarié d’un centre de formation d’apprentis (CFA) saisit les juges de diverses demandes, parmi lesquelles figure une demande de régularisation d’un accord collectif et de paiement d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Les juges d’appel font droit à cette demande et condamnent l’employeur à payer une certaine somme à titre de prime. Les juges d’appel estiment en effet que les conditions de versement de la prime constituent une atteinte à l’égalité de traitement entre les salariés de différentes catégories. L’employeur porte l’affaire devant la Cour de cassation.
Conditions d'éligibilité de la prime en place dans l'entreprise
L’employeur a, par note unilatérale, prévu le versement d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat aux salariés des catégories A à E, à l’exclusion des salariés de classes F à J, soit essentiellement les personnels de formation (classe F) et les cadres (classes G à J). Selon lui, la prime devait être versée en fonction du montant des rémunérations conventionnelles, la prime étant réservée aux plus faibles, et des sujétions particulières en termes de durées du travail auxquelles elles étaient astreintes.
Conditions remises en cause par la cour d'appel
La cour d'appel estime qu’en excluant les salariés de la catégorie F, comprenant essentiellement des personnels de formation, l’employeur aurait violé le principe d’égalité de traitement.
Remarque
selon le principe d’égalité de traitement, tous les salariés placés dans une situation identique doivent bénéficier des mêmes avantages. Il reste toutefois possible de réserver une mesure à certains salariés, mais seulement si la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et si les conditions d’éligibilité à la mesure sont préalablement définies et contrôlables. En outre, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement, d’apporter la preuve d’éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique, afin que l’employeur apporte à son tour la preuve d’éléments objectifs et pertinents justifiant la différence.
Selon elle, plusieurs éléments en témoignent :
- l’employeur aurait fait échouer les négociations ouvertes sur la prime et diffusé par la suite une note unilatérale par laquelle il prenait la décision de verser en lieu et place de la prime en cours de discussion incluant les salariés de la catégorie F, le versement d’une prime qui les excluait, sans argument objectif justifiant cette exclusion ;
- les critères d’attribution de la prime (montant de la rémunération et sujétions liées à la durée du travail) portent atteinte à la liberté du syndicat de régulariser ou non un accord d’entreprise, faute pour l’employeur de fournir des explications sur ces critères ;
- les salariés de la classe F se sont trouvés exclus du versement de la prime alors qu’ils étaient concernés par les accords en cours de négociation.
Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation.
Absence d'inégalité de traitement caractérisée
La Cour de cassation considère que la cour d'appel n’a pas suffisamment caractérisé l’inégalité de traitement. Elle ne montre pas en quoi les salariés de la classe F se trouvaient dans une situation identique, au regard de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, à celle des salariés de la classe A et E. L’arrêt d’appel est donc cassé et renvoyé devant une autre cour d'appel.