Si certaines garanties de prévoyance et de retraite supplémentaire (PSC) mises en place dans l'entreprise ne remplissent pas les conditions d'exonération, l'Urssaf réintègre dans l'assiette des cotisations l'ensemble des contributions patronales assurant le financement de ces garanties.
Cette réintégration totale étant extrêmement pénalisante pour l'entreprise, l'Urssaf peut, à titre dérogatoire et sous conditions, moduler son redressement selon la gravité de l'erreur commise par l'entreprise.
Dans un arrêt du 1er février 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation revient sur les conditions nécessaires au bénéfice de ce redressement réduit en précisant que l'employeur doit reconstituer le différentiel de cotisations dues de façon probante.
Modulation du redressement Urssaf en matière de protection sociale complémentaire : rappel du mécanisme
Pour les contrôles engagés à compter du 1er janvier 2016, les inspecteurs de l'Urssaf peuvent opérer le redressement de cotisations sur les contributions concernant les seuls salariés dont la couverture ne respecte pas les critères relatifs au caractère collectif et obligatoire des régimes de protection sociale complémentaire et proportionner ce redressement en fonction de la gravité du manquement de l'employeur (CSS, art. L. 133-4-8, II ; BOSS-PSC-650 et s.).
Remarque
attention ! Cette modulation n'est pas de droit ; le bénéfice de cette dérogation est subordonné à un accord entre l'entreprise et le contrôleur Urssaf. En outre, toutes les erreurs ne donnent pas droit à l'application de cette modulation. Certains manquements en sont expressément exclus. Il s'agit de manquements au caractère collectif et obligatoire d'une particulière gravité (ex. : couverture offerte exclusivement aux dirigeants ou aux seuls salariés dont les rémunérations sont supérieures à 8 PASS), de manquements conduisant à octroyer un avantage personnel ou volontairement discriminatoire, de situations de travail dissimulé, d'obstacle à contrôle ou d'abus de droit, d'irrégularités relevées lors d'un précédent contrôle dans la limite de 5 années civiles précédant l'année où est initié le contrôle.
Si le manquement constaté est éligible à la modulation et que le contrôleur Urssaf n'y est, a priori, pas opposé, l'employeur doit reconstituer les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture revête un caractère obligatoire et collectif. Il faut que cette reconstitution soit probante, comme le rappelle l'arrêt du 1er février 2024 précité.
Si la reconstitution de l'employeur est probante, le contrôleur Urssaf réduit le montant du redressement de droit commun. Le nouveau redressement est alors calculé sur la base des sommes reconstituées (appelées base de redressement).
Son montant varie selon la nature de l'erreur commise. Il s'élève à :
- 1,5 fois la base de redressement en cas d'erreur formelle (ex. : anomalie de production de justificatifs de dispense d'affiliation) ;
- 3 fois dans les autres cas (sauf erreur d'une particulière gravité, auquel cas le redressement sera calculé selon le droit commun).
Pour en bénéficier, les sommes faisant défaut doivent être reconstituées de façon probante
Dans cette affaire, une société avait mis en place un régime de protection sociale complémentaire couvrant une partie seulement de ses salariés : sur 80 employés, 76 étaient couverts par ce régime, les 4 salariés restants bénéficiaient de garanties supplémentaires. Ce régime ne pouvant pas être considéré comme étant collectif et obligatoire, l'Urssaf, à la suite d'un contrôle, redresse l'entreprise sur la totalité des contributions versées au régime.
La société conteste ce redressement en justice, en vain. Les juges d'appel ne font pas droit à ses demandes. Elle se pourvoit alors en cassation, arguant notamment que :
- c'est uniquement lorsque le manquement à l'origine du redressement révèle une méconnaissance d'une particulière gravité des règles liées au caractère collectif et obligatoire des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire, que le redressement doit porter sur le montant global des cotisations dues sur les contributions patronales versées pour le financement du régime ;
- l'Urssaf ne justifie pas, selon elle, du caractère particulièrement grave de l'atteinte qu'elle a portée au caractère obligatoire et collectif du régime.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Sans répondre à l'argumentation avancée par la société, la deuxième chambre civile insiste sur la nécessité pour le cotisant souhaitant bénéficier de la modulation du redressement Urssaf, de reconstituer de façon probante les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif.
En l'espèce, la société se bornait à produire un tableau mentionnant l'identité des salariés, le financement patronal « garantie frais de santé » et la régularisation base 100 plafonnée, à l'exclusion de tout autre renseignement et notamment des sommes faisant défaut. En outre, ni les conditions de la rédaction de ce document, ni l'identité de son auteur n'étaient précisées et aucun justificatif n'était produit pour étayer les éléments que le document contenait.
Remarque
la cour ne répond pas directement à l'argumentation avancée par la société. Mais c'est à l'entreprise de demander le bénéfice d'un redressement réduit. A l'appui de cette demande, elle doit chiffrer le redressement de façon probante : à défaut, le contrôleur ne fera pas droit à sa demande.