Actualité
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29 mars 2023
La Cour de cassation confirme que le barème d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'impose aux juges, ceux-ci ne pouvant pas s'en écarter en fonction de la situation concrète et personnelle du salarié injustement licencié.
Licenciement sans cause réelle et sérieuse : impossible pour le juge d'aller au-delà du barème d'indemnités
©Gettyimages

La chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa position quant à l’application du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit aussi « barème Macron », introduit à l’article L 1235-3 du Code du travail par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Pour mémoire, ce barème fixe des fourchettes d’indemnisation, exprimées en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, le minimum étant moins élevé pour les 10 premières années d’ancienneté si l’employeur occupe moins de 11 salariés et le maximum étant fixé à 20 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 29 ans d’ancienneté.

Le barème s'impose...

Dans deux arrêts du 11 mai 2022, ayant fait l’objet d’une large publicité et de nombreux commentaires, la chambre sociale, face au refus de nombre de juridictions du fond d’appliquer ce barème, a décidé que celui-ci s’impose dans tous les cas, déniant ainsi aux juges le droit de s’en écarter pour tenir compte des situations personnelles et concrètes de chaque justiciable (méthode « in concreto »). Elle estime, par ailleurs, que les dispositions de la Charte sociale européenne n’ont pas d’effet direct entre particuliers et que, en conséquence, l’invocation devant le juge de son article 24, qui reconnaît le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, ne peut pas conduire à écarter l’application du barème (Cass. soc. 11-5-2022 nos 21-14.490 FP-BR et 21-15.247 FP-BR : voir notre actualité du 13/05/2022).

...quelle que soit la situation du salarié...

Dans la ligne de cette jurisprudence, la chambre sociale casse logiquement, dans un arrêt du 1er février 2023, la décision de la cour d’appel ayant alloué à la salariée injustement licenciée une indemnité d’un montant supérieur à 26 000 € correspondant à 11 mois de salaire. Elle avait, pour cela, tenu compte de la situation familiale, professionnelle et financière de l’intéressée. Elle avait ainsi relevé que cette dernière n'avait pas retrouvé d'emploi, que son indemnité Pôle emploi allait bientôt s'arrêter, que sa fille étudiante était toujours à sa charge et qu’elle n'avait pas bénéficié de formation de la part de son employeur, ce qui rendait sans doute plus difficile son retour à l’emploi. Or, l’intéressée ayant un peu moins de 6 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le montant de l’indemnité pouvant lui être octroyé en application du barème devait être compris entre 3 et 6 mois de salaire. La Haute Juridiction réaffirme donc l’application stricte qui doit être faite de l’article L 1235-3 précité.

...et malgré l'avis du CEDS

Le « barème Macron » est donc aujourd’hui incontournable, malgré l’avis du Comité européen des droits sociaux (CEDS) en charge du contrôle de l’application de la Charte sociale européenne. En effet, dans une décision du 23 mars 2022, celui-ci a jugé le barème contraire à l’article 24 de la Charte estimant notamment que les plafonds prévus sont insuffisants et non dissuasifs pour l’employeur et que le juge ne dispose que de peu de marge de manoeuvre (CEDS 23-3-2022 no 171/2018 : voir notre actualité du 10/10/2022) . Position confirmée dans une décision ultérieure, rendue le 5 juillet 2022 et publiée le 30 novembre suivant, dans laquelle le CEDS souligne que « pour cette raison, le préjudice réel subi par le travailleur en question, lié aux circonstances individuelles de l’affaire [peut] être [pris] en compte de manière inadéquate et, par conséquent, ne pas être [corrigé] » et prend acte, en les critiquant, des arrêts du 11 mai 2022 (CEDS 5-7-2022 no 175/2019).

Seul le législateur pourrait donc modifier le droit, sauf, selon certains auteurs, à obtenir de la Cour européenne des droits de l’Homme qu’elle juge le barème contraire à la Convention européenne des droits l’Homme (J. Mouly et J.P. Marguénaud, « Le barème Macron dans les griffes du droit européen des droits de l’homme » : Dr. soc. 2023 p. 14).

A noter :

En dépit de la position de la Cour de cassation, certaines juridictions du fond résistent encore, à l’instar de la cour d’appel de Douai. Dans un arrêt particulièrement argumenté, celle-ci estime qu’il n’est pas démontré que le barème, dans certains cas particuliers, et donc dans le cadre d’une analyse concrète, puisse assurer, dans tous les cas, une protection suffisante des personnes injustement licenciées et donc qu’il permet une réparation adéquate du préjudice subi. Pour elle, dans ces hypothèses, il doit revenir au juge de déterminer un montant en dehors des limites du barème au vu des éléments précis de la cause ( CA Douai 21-10-2022 no 20/01124).

Documents et liens associés

Cass. soc. 1-2-2023 no 21-21.011 F-D, Sté Immoplus c/ X. 

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