En principe, l'employeur, une fois informé des faits commis par un salarié, doit, s'il souhaite le licencier pour faute grave, engager les poursuites à son encontre dans un « délai restreint ». A défaut, les juges pourront remettre en cause la gravité des faits reprochés. En effet, la faute grave est, rappelons-le, une faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Les juges considèrent néanmoins que « le maintien dans l'entreprise du salarié qui fait l'objet d'une procédure de licenciement, pendant le temps nécessaire à l'accomplissement des formalités légales incombant à l'employeur, n'est pas exclusif du droit pour celui-ci d'invoquer l'existence d'une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail. »
L'employeur peut également prononcer un licenciement pour faute grave lorsque les faits reprochés au salarié ont été commis depuis un certain temps dans certaines hypothèses, notamment lorsque :
- l'employeur n'a pas eu connaissance de la faute à l'époque où elle a été commise, mais postérieurement : c'est alors à l'époque où elle parviendra à la connaissance de l'employeur que la faute pourra justifier un licenciement immédiat ou, si le salarié est déjà en cours de préavis, le refus de payer l'indemnité de préavis restant à courir ;
- un délai a été nécessaire à l'employeur après révélation de la faute commise par le salarié pour s'assurer de l'existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité.
Le délai restreint dans lequel l'employeur doit engager la procédure de licenciement pour faute grave est ainsi apprécié par les juges du fond en fonction des circonstances de l'espèce.
Dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 9 mars dernier, la salariée, engagée en 1982, est placée en arrêt de travail en 2013. En novembre 2014, elle est convoquée à un entretien préalable au licenciement pour des faits remontant à 2011 et 2012, puis licenciée pour faute grave.
Selon la cour d'appel, l'employeur avait acquis une connaissance exacte des faits le 17 octobre 2014 et avait convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave le 14 novembre suivant (soit 4 semaines plus tard), et la salariée, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, était absente de l'entreprise.
Ainsi, estime la Cour de cassation, « le fait pour l'employeur de laisser s'écouler un délai entre la révélation des faits et l'engagement de la procédure de licenciement ne retire pas à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l'entreprise ».