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28 septembre 2022
Dans une foire aux questions publiée le 13 septembre sur son site, le ministère du travail apporte des précisions sur le dispositif de déblocage exceptionnel de l’intéressement et de la participation ouvert jusqu’à la fin de l’année.
Déblocage exceptionnel de l’épargne salariale : les précisions du ministère du travail
©Gettyimages

QR min. trav. du 13-9-2022

La loi Pouvoir d’achat du 16 août dernier a ouvert une possibilité de déblocage anticipé exceptionnel des droits issus de l’intéressement et de la participation, sur demande du bénéficiaire présentée d’ici au 31 décembre 2022 (Loi 2022-1158 art. 5 ; voir notre actualité du 19-9-2022).

Le ministère du travail vient de publier le 13 septembre sur son site internet un questions-réponses (QR) détaillant sur une vingtaine de points les modalités du dispositif et répondant à certaines interrogations portant sur le texte de loi ou sa mise en œuvre.

Tous les régimes de participation ou d’intéressement sont concernés, peu important les modalités de mise en place

S’agissant du champ d’application de la mesure, le ministère du travail indique que toutes les entreprises disposant d’un régime de participation sont concernées, que le régime ait été institué par voie d’accord d’entreprise, de groupe ou par adhésion à un accord de branche, ou qu’il ait été mis en place par intervention de l’inspecteur du travail (régime d’autorité) (QR n° 1).

Les entreprises de moins de 50 salariés qui ont mis en place un régime de participation volontaire sont également concernées (QR n° 2).

De même, toutes les entreprises disposant d’un accord d’intéressement et d’un plan d’épargne d’entreprise (plan d’épargne d’entreprise, de groupe ou interentreprises) sont dans le champ d’application de la mesure (QR n° 1).

Les salariés, anciens salariés, et certains dirigeants et conjoints peuvent demander le retrait des sommes

Le texte de loi mentionne les « bénéficiaires » de la participation et de l’intéressement comme pouvant demander le déblocage exceptionnel. Le ministère du travail précise qu’il s’agit des salariés de l’entreprise quelle que soit la nature de leur contrat de travail, mais aussi des anciens salariés ainsi que des autres bénéficiaires prévus à l’article L 3332-2 du Code du travail à savoir les chefs d’entreprise, les directeurs généraux, les gérants ou les membres du directoire, le conjoint ou le partenaire lié par un Pacs du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé (QR n° 3).

Pas de déblocage des comptes courants bloqués hors Scop et régime d’autorité

Pour rappel, le déblocage exceptionnel concerne principalement la participation et l’intéressement investis dans un plan d’épargne d’entreprise, interentreprises ou de groupe et bloqués pour 5 ans (C. trav. art. L 3324-10 et L 3332-25) (QR n° 4).

Les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué (CCB) mis en place au sein d’une Scop sont concernées par le déblocage exceptionnel mais sous condition d’un accord. Est également concernée la participation bloquée pour 8 ans dans un CCB dans le cadre d’un « régime d’autorité », cette fois sans condition d’un accord dans l’entreprise (QR n° 8).

En dehors de ces deux cas, l’administration précise que les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué mis en place par accord avant la loi du 22 mai 2019 (loi Pacte) ne sont pas concernées par le déblocage (QR n° 5 et n° 8). Le QR répond ainsi à une incertitude des entreprises qui ont maintenu un compte courant bloqué après la loi Pacte.

Par ailleurs, l’administration indique que sont exclues du déblocage exceptionnel les actions de l’entreprise ou d’entreprises liées souscrites ou acquises à la suite de l’exercice d’options sur titres (stock-options) dans le cadre d’un plan d’épargne salariale, et auxquelles s’applique un délai d’indisponibilité spécifique de 5 ans mentionné à l’article L 3332-25 alinéa 2 du Code du travail (QR n° 5).

Pour le reste, le QR mentionne les exceptions figurant explicitement dans la loi Pouvoir d’achat (QR n° 5).

Pour rappel, le déblocage ne peut pas porter sur les sommes :

- investies dans un plan d’épargne retraite d’entreprise (Perco, Pereco ou Pero) ;

- investies dans un fonds solidaire en application de l’article L 3332-17 alinéa 1er du Code du travail.

L’abondement complétant l’intéressement ou la participation peut être débloqué, mais pas les versements volontaires ni leur abondement

S’agissant des droits bloqués concernés, le texte de loi vise les droits au titre de la participation ou de l’intéressement affectés avant le 1er janvier 2022.

L’administration estime que l’ensemble des sommes issues de la participation et de l’intéressement sont concernées par le déblocage, y compris l’abondement de l’employeur qui s’y rattache le cas échéant (QR n° 4) et le supplément de participation ou d’intéressement (QR n° 9).

Les revenus provenant des sommes attribuées et ayant reçu la même affectation sont déblocables au même titre que les intérêts des sommes investies (QR n° 4).

En outre, la participation résultant d’une formule de calcul dérogeant à la formule légale (participation « dérogatoire ») peut également être débloquée (QR n° 6).

En revanche, ne sont pas éligibles au déblocage (QR n° 5) :

- les sommes issues de versements volontaires (ou « libres » ) du bénéficiaire et l’abondement qui s’y rattache ;

- les versements unilatéraux de l’employeur sur le PEE effectués en l’absence de contribution du bénéficiaire, mentionnés à l’article L 3332-11 du Code du travail.

Dans le cas d’un transfert de sommes, si les sommes ont été globalisées par année sans traçabilité de leur origine, le ministère du travail considère que le bénéficiaire ne peut pas en être tenu pour responsable et sera de facto autorisé à disposer de l’ensemble des sommes transférées (QR n° 5).

Par ailleurs, le questions-réponses indique que la répartition de l’investissement du bénéficiaire entre les différents supports de placement sur le PEE est appréciée au moment de sa demande (QR n° 4).

Si la loi ne vise que les sommes investies avant le 1er janvier 2022, l’administration admet que les sommes, habituellement investies avant le premier jour de l’année puissent faire l’objet du déblocage exceptionnel lorsqu’elles n’ont pu être affectées qu’après le 1er janvier 2022 en raison de problèmes techniques comme un traitement informatique défaillant (QR n° 4).

Certains déblocages soumis à un accord dans l’entreprise conclu si possible avant fin novembre

La loi Pouvoir d’achat subordonne le déblocage de certains droits à un accord conclu soit selon les modalités de conclusion d’un accord de participation d’entreprise ou de groupe (pour les droits issus de la participation), soit selon les modalités de mise en place du PEE ou du PEI (pour les droits issus de l’intéressement).

Si le PEE a été mis en place par décision unilatérale, elle prévoit que l’autorisation puisse être donnée par l’employeur par décision unilatérale, sans passer par un accord avec le personnel.

Ces règles concernent les droits :

- affectés à des comptes courants bloqués par application d’un accord au sein d’une Scop ;

- affectés à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise liée au sens de l’article L 3344-1, alinéa 2 du Code du travail, ou de parts ou actions de FCPE ou de Sicav d’actionnariat salarié.

A noter :

Cet accord ou cette décision peut limiter le déblocage de certaines catégories de droits à une partie seulement des avoirs en cause.

L’administration précise que, dans le cas d’un accord de participation de groupe ou d’un plan d’épargne de groupe (PEG) proposant les titres de l’entreprise dominante, un accord conclu au sein de celle-ci peut permettre le déblocage au profit de l’ensemble des salariés du groupe (QR n° 7). Cette tolérance évite de devoir conclure un accord dans chacune des entités du groupe concernée.

De plus, si les affectations en titres de l’entreprise, d’entreprises liées ou en FCPE ou Sicav d’actionnariat salarié concernent la participation et l’intéressement, il est possible de conclure et déposer un accord unique pour autoriser le double déblocage (QR n° 20).

Concernant la date de conclusion de l’accord, l’administration précise qu’il peut être conclu dès l’information que l’entreprise doit donner aux bénéficiaires (voir ci-dessous) (QR n° 7). 

En théorie, les entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2022 pour conclure l’accord, mais pour que les bénéficiaires soient réellement en capacité de demander le déblocage, le ministère du travail juge qu’il serait raisonnable que les négociations se concluent au plus tard fin novembre. Ce qui laisse un mois aux bénéficiaires pour faire leur demande.

L’administration indique enfin que ces accords doivent être déposés, comme tout accord d’intéressement ou de participation, sur la plateforme Téléaccords (QR n° 19).

A noter :

Aucune précision n’est donnée sur l’obligation de déposer la décision unilatérale de l’employeur permettant le déblocage de certains droits, dans le cas d’un PEE mis en place par décision unilatérale.

Le plafond de 10 000 € s’apprécie après les prélèvements sociaux

Le plafond global du déblocage est de 10 000 euros net de prélèvements sociaux, d’après le texte de loi. L’administration précise qu’il se calcule sur les montants perçus par les salariés ou autres bénéficiaires après déduction des prélèvements sociaux sur les revenus de placement qui sont à la charge du bénéficiaire. Le plafond de 10 000 € s’apprécie en considération de la dernière valeur liquidative connue (QR n° 10).

La demande du bénéficiaire doit préciser les sommes à débloquer par support

Le ministère du travail rappelle que le déblocage exceptionnel n’intervient que sur demande du salarié. Une seule demande est possible, entre le 18 août et le 31 décembre 2022, sauf dans le cas où il y a plusieurs organismes gestionnaires : il peut alors y avoir une demande par organisme, dans la limite du plafond de 10 000 € dont le respect incombe au bénéficiaire (QR n° 11 et n° 14).

La demande s’effectue, selon les cas, auprès de l’entreprise ou de l’organisme gestionnaire, sur tout support proposé par le gestionnaire du dispositif ou sur papier libre (QR n° 12).

L’administration recommande au bénéficiaire d’indiquer que sa demande s’inscrit dans le cadre de la loi Pouvoir d’achat du 16 août 2022. Il doit indiquer le montant qu’il souhaite débloquer, qui peut porter sur tout ou partie des sommes épargnées avant le 1er janvier 2022, ainsi que les supports d’investissement qu’il souhaite liquider en priorité. Pour un même support, ce sont les droits les plus anciens qui sont réputés être versés. La demande est datée et signée (QR n° 13).

Si les avoirs du bénéficiaire n’excèdent pas 10 000 €, il peut demander la liquidation de la totalité de ses avoirs acquis au titre de la participation et de l’intéressement sans préciser les supports d’investissement visés (QR n° 13).

Un déblocage en une fois

Le déblocage est de droit et ne peut pas être refusé par l’employeur ou le teneur de compte, dans la limite du plafond prévu par la loi (QR n° 15) et dans la mesure, évidemment, où la demande porte sur des sommes concernées par le mécanisme. 

Si le déblocage d’une partie des sommes est conditionné à la conclusion d’un accord, alors le versement de l’intégralité des sommes demandées par le bénéficiaire ne pourra être réalisé qu’après conclusion de l’accord. En effet, le déblocage n’intervient qu’en une seule fois (QR n° 14). 

En principe, le déblocage doit avoir lieu entre le 18 août et le 31 décembre 2022, mais l’administration admet que si la demande du bénéficiaire est présentée à la fin de l’année 2022, le déblocage des fonds ne soit réalisé qu’au cours du mois de janvier 2023 (QR n° 17).

L’entreprise n’est pas tenue de prendre en charge les frais du déblocage

Le questions-réponses indique que les frais de déblocage peuvent être pris en charge par l’entreprise, sans obligation. Les modalités de prise en charge peuvent être décidées d’un commun accord entre l’entreprise et le teneur de compte, après information des bénéficiaires. Le cas échéant, elles peuvent être détaillées dans l’accord qui autorise le déblocage. A défaut, les frais seront facturés aux bénéficiaires et déduits des sommes débloquées (QR n° 18).

Un déblocage destiné à soutenir la consommation, pas l’épargne

La loi Pouvoir d’achat prévoit que le montant débloqué doit financer l’achat d’un ou de plusieurs biens ou la fourniture d’une ou de plusieurs prestations de services.

L’administration souligne que le législateur destine ces sommes uniquement au soutien à la consommation des ménages (les frais de scolarité sont acceptés) et non au soutien à l’épargne.

Les sommes ne doivent donc pas être réinvesties, par exemple dans des biens immobiliers locatifs ou des produits de placement ou des valeurs mobilières de quelque nature que ce soit (livrets, assurance-vie, actions…) ni servir au solde d’un crédit ou à la clôture d’un prêt par anticipation. De même, le paiement des impôts est exclu du champ de la mesure (QR n° 11).

A noter :

Aucune précision n’est donnée sur la date à laquelle ces achats doivent être effectués : dans quel délai après la demande ou la date du déblocage effectif ? Un achat effectué avant ces dates est-il toléré et, si oui, dans quelle limite ?

Lors de sa demande, le bénéficiaire n’est pas tenu de préciser le bien ou le service qu’il souhaite acquérir, mais les pièces justificatives devront être tenues à la disposition de l’administration fiscale (QR n° 13) pendant 3 ans, délai de contrôle de droit commun de l’administration fiscale (QR n° 23).

Un régime social et fiscal favorable

Le déblocage exceptionnel autorisé par la loi ne remet pas en cause les exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dont ont déjà bénéficié les bénéficiaires au moment de l’affectation des droits à la réserve spéciale pour la participation ou sur un PEE pour l’intéressement (QR n° 21).

Les revenus des sommes placées et la plus-value constatée lors de la délivrance des droits sont assujettis aux prélèvements sociaux sur les produits de placement au taux de 17,2 %. Ces prélèvements s’effectuent dans les conditions prévues à l’article L 136-7, II-7° du CSS, auquel renvoient les articles 1600-0 D (CSG sur produits de placement), 1600-0 H (CRDS sur produits de placement) et 235 ter du CGI (prélèvement de solidarité) (QR n° 21). Ces prélèvements sont précomptés par le teneur de compte et réservés par ce dernier aux services fiscaux (QR n° 22).

S’agissant du revenu attaché à des sommes versées sur le PEE avant le 1er janvier 2018, les taux historiques de prélèvements sociaux s’appliquent à la part des revenus et plus-values acquise ou constatée avant cette date ou au cours des 5 premières années suivant les versements intervenus entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 (QR n° 21).

A noter :

La loi Pouvoir d’achat dispose que c’est l’organisme gestionnaire ou, à défaut, l’employeur qui déclare le montant débloqué à l’administration fiscale (Loi 2022-1158 art. 5, VII). Le salarié est quant à lui seulement tenu de tenir à la disposition du fisc les pièces justifiant de l’utilisation des sommes.

Une obligation d’information de l’employeur sur le dispositif

La loi Pouvoir d’achat prévoit que les employeurs concernés doivent informer les bénéficiaires de ce dispositif exceptionnel de déblocage dans un délai de 2 mois après la promulgation de la loi, soit au plus tard le 16 octobre 2022 (Loi 2022-1158 art 5, VI).

Pour le ministère du travail, cette information peut être effectuée par tout moyen ; elle doit préciser notamment si le déblocage est soumis au préalable à la conclusion d’un accord et si l’entreprise a l’intention de signer un accord en ce sens, ainsi que le régime fiscal et social des sommes concernées (QR n° 16). Selon nous, il en est de même si le déblocage est soumis à décision unilatérale de l'employeur. 

A notre avis :

L’employeur doit informer les bénéficiaires de l’existence du dispositif même dans l’hypothèse où il ne souhaite pas négocier ou permettre par décision unilatérale le déblocage des sommes, et qu’aucun déblocage ne sera possible de fait pour les bénéficiaires.

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