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9 novembre 2023
Le fait pour l’employeur de contester le principe du paiement d’expertises décidées par le CSE au motif qu’elles constituaient des expertises libres dont il n’avait pas à prendre en charge le coût, revient à contester la nécessité même de ces expertises. Il doit alors agir dans un délai de 10 jours à compter du jour où il a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet de ces expertises. Passé ce délai, toute action de sa part sera considérée forclose.

La question de la contestation des expertises du CSE, et avant elles de celles du CHSCT, a fait l’objet d’une abondante jurisprudence. Souvent en cause, les délais de contestation, enfermés dans un strict délai de forclusion.

C’est sur le délai applicable en cas de contestation de la nature de l’expertise que se prononce pour la première fois la Cour de cassation dans cette décision publiée du 18 octobre 2023.

Contestation du principe de paiement des expertises du CSE

Dans cette affaire, un CSE avait décidé en février et mars 2019 de recourir aux services d’une société d’expertise à deux reprises.

La première pour l’assister en vue de la consultation annuelle obligatoire portant sur la situation économique et financière de l’entreprise (sur le fondement de l’article L. 2315-88 du code du travail), la seconde pour l’assister en vue de la consultation récurrente sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (sur le fondement de l’article L. 2315-91 du même code).

Le rapport de l’expert-comptable est commenté lors d’une réunion du CSE en juillet 2019, l’employeur procède au versement d’un acompte et une facture définitive pour un solde d’honoraires lui est adressée fin juillet 2019.

Toutefois l’employeur assigne la société d’expertise en août 2019 en remboursement de l’acompte versé et refuse de payer la facture définitive, au motif que les expertises décidées par son CSE constituaient des expertises libres dont il n’avait pas à assumer le coût.

Remarque

rappelons que dans le cadre des différentes consultations auxquelles ils sont conviés, les élus du CSE peuvent décider de recourir à des expertises pour les accompagner sur des thèmes et sujets techniques. 

Le législateur distingue les expertises intégralement prises en charge par l’employeur de celles qui sont financées à 20% par le CSE et à 80% par l’employeur (C. trav., art. L. 2315-80). L’employeur devra ainsi s’acquitter intégralement du coût des expertises dans le cadre des consultations annuelles portant sur la situation économique et financière de l’entreprise ou sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Mais le CSE peut également faire appel, à tout moment, à des experts pour l’aider dans ses travaux : dès lors, les frais de ces expertises libres seront intégralement à sa charge (C. trav., art. L. 2315-81).

Délai de 10 jours pour agir après avoir eu connaissance de la nature et de l'objet de l'expertise

Le tribunal judiciaire déboute l’employeur de ses demandes pour cause de forclusion et le condamne au paiement intégral des expertises. Ce dernier se pourvoit en cassation.

D’après lui, d’une part, il ne contestait pas la nécessité des expertises mais leur coût et ne pouvait agir qu’à compter de la notification de la facture définitive ; d’autre part, ces expertises devaient être considérées comme des expertises libres dont le coût doit être intégralement assumé par le CSE, car elles avaient été décidées bien avant la tenue des consultations obligatoires.

Ces arguments sont également rejetés par la Cour de cassation, qui valide le raisonnement du tribunal judiciaire.

La chambre sociale précise d’abord que « l'employeur ne critique ni le montant des factures qui lui ont été adressées ni le coût final des expertises mais conteste le principe de son paiement au motif qu'ayant été décidées avant la transmission des comptes et le dépôt des documents d'information utiles à la base des données économiques et sociales, elles étaient des expertises libres ». Puis les juges constatent que « l'employeur était informé des délibérations adoptées lors des séances du CSE des 28 février et 21 mars 2019 auxquelles il assistait et de leurs conséquences ».

Les juges en déduisent que la contestation sur la nature des expertises litigieuses était irrecevable pour cause de forclusion.

En d’autres termes, la contestation sur la nature de l’expertise revient à contester sa nécessité, et le délai de 10 jours pour ce faire démarre du jour où l’employeur a eu connaissance de la nature et de l’objet de ces expertises, et donc de la délibération du CSE, dont il a forcément connaissance.

Remarque

la chambre sociale fait ici application d’une position prise par le passé. Elle avait déjà affirmé que le délai de contestation de la nécessité d'une expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet (Cass. soc., 5 avr. 2023, n° 21-23.347). La connaissance de la nature et de l’objet de l’expertise par l’employeur apparait essentielle pour déterminer le point de départ du délai de recours. Il revient à l’employeur d’être particulièrement vigilant s’il entend agir.

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Jean-David FAVRE
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