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26 mars 2025
La clause du plan de sauvegarde de l’emploi qui subordonne le versement des indemnités qu’il prévoit à la renonciation, par les représentants du personnel et par les salariés, à toute action en justice est nulle et cause un préjudice aux salariés.
Le bénéfice du PSE ne peut pas être conditionné à la renonciation à toute action en justice
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La Cour de cassation se prononce, par une motivation originale, sur une question qui a beaucoup occupé la jurisprudence sociale depuis plus de 20 ans : quelle est la valeur d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui subordonne l’attribution d’un avantage, voire de la totalité des mesures qu’il prévoit, à la renonciation des salariés et/ou de l’institution représentative du personnel à toute contestation en justice de sa validité ?

Même si cet arrêt porte sur un PSE antérieur à la loi du 14 juin 2013, qui a transféré à l’administration du travail et à son juge le contentieux des PSE, il n’en présente pas moins un intérêt certain.

Les indemnités de rupture subordonnées à la renonciation à toute contestation

Dans cette affaire, la société, qui avait procédé à un licenciement collectif pour motif économique, avait inséré dans le PSE une clause qui subordonnait le versement des indemnités qu’il prévoyait :

–   à l’absence de contentieux collectif initié par les instances représentatives du personnel sur la régularité de la procédure de licenciement et sur les mesures de reclassement proposées ;

–   et à l’absence de contentieux individuel initié par les salariés sur le motif de licenciement économique.

Malgré cette clause, des salariés ont saisi le juge prud’homal pour contester le bien-fondé du licenciement économique et solliciter des dommages-intérêts.

L’abandon, par les salariés, du droit de contester la légitimité de leur licenciement économique est manifestement contraire à l’article L 1231-4 du Code du travail, qui interdit à l'employeur et au salarié de renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles prévues par le Code du travail en matière de rupture du contrat de travail.

Mais ce n’est pas sur cette base que reposait la demande des salariés. Ils invoquaient en effet une atteinte au droit d’agir en justice, que la cour d’appel avait retenue.

Le droit de saisir le juge d’une contestation ou d’une prétention est vu par la jurisprudence comme un droit fondamental, garanti par l’alinéa 1er du préambule de la Constitution, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l‘Homme et des libertés fondamentales (voir, notamment, Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB).

Or, en subordonnant l’attribution des avantages prévus dans le PSE à une renonciation à contester la régularité de la procédure de licenciement collectif, l’employeur portait directement atteinte au droit d’agir en justice, dont cette clause entravait l’exercice sans justification admissible. La clause était donc illicite, ce que souligne la Cour de cassation.

A noter :

Cette décision s’inscrit dans un paysage jurisprudentiel qui, de longue date, interdit à l’employeur de subordonner l’exécution du PSE à la conclusion d’une transaction individuelle avec ses bénéficiaires (Cass. soc. 5-4-2005 n° 04-44.626 FS-PBRI : RJS 6/05 n° 620). La Cour de cassation en tire comme conséquence que :

–   l’accord signé par un salarié en contrepartie du versement des indemnités prévues par le PSE est nul (Cass. soc. 14-6-2006 n° 04-48.157 F-D) ;

–   ni la nullité d'une transaction à laquelle un accord collectif subordonne l'attribution d'une indemnité, ni l'inexécution de cette transaction par l'une des parties, ne peuvent avoir pour effet de priver le salarié du bénéfice de l'avantage qu'il tient de l'accord (Cass. soc. 12-7-2010 n° 08-40.821 FS-PB et n° 08-44.966 F-D ; Cass. soc. 15-10-2013 n° 12-22.911 FS-PB) ;

–   un PSE ne peut pas prévoir la substitution des mesures qu'il comporte, destinées à favoriser le reclassement, par une indemnisation subordonnée à la conclusion d'une transaction emportant renonciation à toute contestation ultérieure de ces mesures (Cass. soc. 20-11-2007 n° 06-41.410 FP-PB).

Indemnisation du préjudice des salariés, même si la clause n’a pas été exécutée

L’employeur soutenait que, même si cette clause était illicite, les salariés n’avaient subi aucun préjudice dans la mesure où elle n’avait pas été mise en œuvre. Les salariés avaient en effet saisi le juge prud’homal pour contester – avec succès – la cause économique de la rupture, et aucune sanction n’avait été prononcée, ni même envisagée, à leur encontre. Ils avaient en effet pu bénéficier des indemnités prévues par le PSE.

En conséquence, selon l’employeur, ils ne pouvaient pas prétendre être indemnisés d’un préjudice immatériel, résultant du caractère illicite de la clause, distinct de celui résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse de leur licenciement.

La cour d’appel avait néanmoins fait droit à cette demande, en retenant l’existence d’un préjudice résultant de la pression que cette clause avait fait planer sur les salariés. La Cour de cassation approuve ce raisonnement, et rappelle sur ce point qu’en principe les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation du préjudice subi, dans son existence et dans son évaluation (Cass. soc. 13-4-2016 n° 14-28.293 FS-PBR ; Cass. ch. mixte 6-9-2002 nos 98-22.981 et n° 98-14.397 P).

A noter :

En l’espèce, la cour d’appel a condamné l’employeur au paiement de 2 500 € à chaque salarié à titre de dommages-intérêts, en indemnisation de ce préjudice.

Documents et liens associés

Cass. soc. 22-1-2025 no 23-11.033 F-D, Sté Rexel France c/ O.

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