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11 mars 2022
Lorsqu'en vertu d'un accord d'entreprise, les consultations récurrentes ressortent au seul CSE central, le CSE d'établissement ne peut procéder à la désignation d'un expert à cet égard.

La Cour de cassation, ces dernières semaines, s'attache à éclaircir les règles applicables en matière de répartition et d'articulation des consultations entre CSE central (CSEC) et CSE d'établissement (CSEE), ainsi que le droit à expertise y afférant. Après deux arrêts en date du 16 février précisant les règles applicables en matière de consultations récurrentes (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373, v. notre article), et de consultation ponctuelle sur un projet (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622, v. notre article), la Cour de cassation a précisé qu'un accord d'entreprise, conclu sous l'empire de la loi Rebsamen, relatif à la répartition des compétences entre CCE et comité d'établissement, peut réserver les consultations récurrentes au comité central, et par conséquent également le droit à expertise (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, v. notre article).

L'arrêt du 9 mars 2022 continue cette construction et confirme qu'un accord d'entreprise réservant les consultations récurrentes au CSEC, exclut la possibilité de désigner un expert sur ces consultations par un CSEE.

Un accord réservant les consultations récurrentes au seul CSEC

Dans cette affaire, un accord sur le fonctionnement des CSE, signé le 28 novembre 2018, prévoit que :

  • le CSEC est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en œuvre qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié ne sont pas encore définies ;
  • les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais « les procédures d'information et consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC ».

Rien sur la désignation des experts, et notamment sur la faculté ou non pour le CSEE d'en désigner un. Dans ce contexte, un CSEE vote le recours à un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale dans le périmètre de l'établissement. L'employeur conteste cette expertise devant le tribunal judiciaire, lequel refuse d'annuler la délibération du CSEE, au motif, justement, que l'accord ne prévoit rien à cet égard.

Pas d'expertise au niveau de l'établissement si la consultation est réservée au CSEC

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord. Elle commence par rappeler :

  • que l'article L. 2316-21 du code du travail prévoit que le CSEE peut faire appel à un expert lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du code du travail ;
  • que l'article L. 2312-19, 3° prévoit qu'un accord d'entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

Puis la Cour renvoie aux termes de l'accord d'entreprise signé en 2018, précisant que « les procédures d'information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du comité social et économique central » .

Et la Cour d'en déduire « qu'en application de l'accord collectif du 28 novembre 2018, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de la société de sorte que le comité social et économique de l'établissement ne pouvait procéder à la désignation d'un expert à cet égard ».

Ainsi, même si l'accord est muet sur les expertises elles-mêmes, le CSEE ne dispose pas du droit de désigner un expert dès lors que les consultations récurrentes sont réservées au seul CSEC par accord. Le lien entre consultation et expertise est donc confirmé avec force.

La Cour de cassation emploie le terme de « consultations récurrentes »  sans distinguer entre celles-ci. Il faut toutefois noter qu'à défaut d'accord sur les consultations récurrentes, l'article L. 2312-22 précise expressément que les consultations sur les orientations stratégiques et sur la situation économique et financière sont conduites au niveau de l'entreprise sauf si l'employeur en décide autrement : c'est alors le CSE central qui disposera du droit à expertise, à l'exclusion des CSEE. Cela n'exclut pas la possibilité de prévoir une autre répartition des compétences entre CSEC et CSEE pour ces consultations, et dans ce cas il faudra interpréter et appliquer les dispositions prévues dans l'accord. Mais à défaut d'accord, c'est seulement la  consultation sur la politique sociale, qui « est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces établissements ». 

Remarque

à cet égard, en l'absence d'accord, la Cour de cassation a confirmé que dès lors qu’il est consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise spécifiques à l’établissement, le CSE d’établissement peut se faire assister par un expert-comptable eu égard à ces mesures spécifiques (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373, v. notre commentaire). L'expertise est alors possible mais réduite aux seuls conséquences résultant des mesures spécifiques d'adaptation.

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Severine BAUDOUIN
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